dimanche 15 avril 2007

Premières clartés du matin :Réalisme (*) et Responsabilité (**)

(*) réalisme :attitude de quelqu'un qui n'agit qu'en se fondant sur le réel et apprécie ce dernier avec justesse .C'est le cas de Georges Friedel, cet ingénieur général des Mines qui a été responsable, en tant que directeur de l' Ecole des Mines de St Etienne de 1910 à 1925 .En dirigeant à cette époque, celle de la Grande Guerre, cette école qui formait des ingénieurs de prospection et d'exploitations minières, il était conscient en descendant lui-même au "fond de la mine" dans les galeries , de la nécessité de donner aux élèves des qualités surtout pratiques et réalistes pour pouvoir exercer des responsabilités touchant la sécurité des hommes et la bonne exploitation des gisements. D'où cet "Avertissement" au début de ses leçons de cristallographie publiées en Janvier 1926 à Strasbourg chez Albert Blanchard, rue de Médicis à Paris.

Ces mises en garde pleines de sagesse pour qui veut enrichir ses propres comportements concernant ses rapports aux connaissances pratiques, doivent être considérées avec beaucoup d'intérêt.

(**) responsabilité : obligation morale de remplir sa charge, son devoir, ses engagements, de rendre compte de ses actes ou de ceux d'autrui, de ses décisions.

"Georges Friedel "considère que le but de l'enseignement, de la formation d'une jeune personne, doit être moins d'instruire que d'éduquer et de faire réfléchir aux conséquences ; moins d'entasser des connaissances que d'apprendre à en digérer quelques-unes ; moins de glisser sur les difficultés que de les mettre en lumières ; moins de laisser croire à l'infaillibilité des méthodes en usage et à la certitude des résultats que d'en montrer les points faibles et de cultiver ainsi l'esprit de critique et de libre examen, base nécessaire de l'esprit de recherche.

Les vrais progrès de la science et des techniques, mais également des idées, sont d'origine essentiellement individuelle et que l'on ne fait pas de la science avec l'imitation servile, de la discipline et de l'organisation. Il est bien vrai que l'édifice de nos connaissances se bâtit peu à peu par la collaboration de beaucoup de gens. Mais il s'en faut de beaucoup que toute pierre ajoutée à cet édifice, quelle que soit sa qualité, trouve sa place et contribue au bien de la construction.
Il n'est pas besoin d'une grande perspicacité, malgré l'aspect extérieur imposant de cet édifice et la hauteur qu'il a atteinte dans ces dernières décades, pour s'effrayer dès aujourd'hui de l'énorme masse des matériaux inconsistants qui entrent dans sa structure, sous lesquels, si l'on n'y prend pas garde, il deviendra bientôt impossible de discerner les fondements solides, et sur lesquels rien de bon ne peut être construit. Apprendre à reconnaître et à balayer cette poussière, en remettant à nu la pierre ferme sur laquelle on pourra continuer à bâtir utilement, tel est, au moins dans notre pays où l'on cherche avant tout la clarté, le rôle que doit présentement assigner l'enseignement. Rôle idéal que nous n'espérons pas atteindre totalement, mais vers lequel nous devons nous efforcer de tendre.

L'instrument le plus actif de ce babélisme menaçant, c'est l'abus de la bibliographie. Trop souvent on enseigne aux jeunes gens, et la mode en est venue du dehors jusque chez nous, que lorsqu'ils veulent entreprendre une recherche, leur premier et d'abord unique soin doit être d'en réunir et d'en compulser la "Literatur" ( expression ironique et critique de ce mode d'utilisation abusif et irréfléchi de la connaissance livresque dans les sciences , Gerboise ). Ce n'est que lorsqu'ils se seront farçi la tête de tout ce qui a été écrit sur le sujet, et par conséquent de dix erreurs pour une vérité, lorsque de cet amalgame ils se seront composé une idée moyenne, nécessairement inexacte, et auront ainsi perdu toute fraîcheur d'impression, qu'ils seront admis à regardes les faits par eux-mêmes. Une telle méthode tend à nous ramener au bavardage livresque du Moyen Âge et à étouffer toute originalité.

Celle que nous préconisons est autre. La lecture, cela va de soit, y tient sa place, mais au second rang. L'essentiel, avant de lire, est de se mettre en face des faits, d'observer, expérimenter et réfléchir sans subir a priori l'influence de ce qu'on pu dire X ou Y. C'est ensuite, au cours du travail et plutôt après qu'avant, que viendra la lecture ; parfois apportant des idées ; rarement parant au danger, si redouté des débutants mais presque toujours chimérique, de refaire ce qui avait été déjà bien fait ; et le plus souvent, mais à la condition express devenir ainsi après l'acquisition de quelques notions personnelles, suggérant la contradiction féconde et les vérifications. (...) Dans ces conditions, et en dépit de la mode, la place de la bibliographie doit rester secondaire et n'est pas dans un ouvrage d'enseignement.

En revanche, par application des mêmes principes, on a cherché sur divers points à mettre en évidence la fragilité de certaines notions généralement admises. Destinées en partie à d'autres qu'aux débutants, ces discussions ont cependant pour principal but de montrer à ceux qui étudient à quel point les idées courantes, mêmes universellement acceptées et ressassées par la "Literatur", peuvent parfois être trompeuses et méritent d'être révisées jusque dans leurs fondements, sans que, bien souvent, il soit nécessaire pour cela de mettre en oeuvre autre chose que des raisonnements et des calculs élémentaires "(..., suivent des exemples en rapport avec la cristallographie ).

On peut se rendre compte encore ici, après la présentation de l'analyse de Louis de Broglie du 12 Avril 2007 :doute et certitude d'un savant, que dans ce présent texte Georges Friedel, lui également, considérait que la vérité scientifique et même technique , n'était absolument pas en relation absolue avec le fait que la grande masse :"la foule", ait, soi-disant ,raison !
Voici une anecdote très intéressante concernant les considérations de G. Friedel sur l'influence néfaste de la "lecture" de documents avant la réalisation d'une étude scientifique : Lors du stage de terrain d'une durée d'un mois en province, qui suivait l'enseignement théorique à l'Institut Français du Pétrole,nous ne savions pas avant le départ, dans quelle région se situerait notre étude de lever géologique ! Impossible de consulter des documents. Nous arrivions, "vierge" de toute idée préconçue, au point de vue des interprétations des géologues qui nous avaient précédés.

Voici donc , encore , un ensemble de réflexions qui vous serviront dans vos relations avec les connaissances. Bien à vous, Gerboise.

Aucun commentaire: