dimanche 24 juin 2007

La raison et la passion :Réflexion sur les limites de la connaissance



C'est le titre d'un livre , sur lequel je reviens souvent tant j'ai été captivé, même subjugué lors de sa première lecture vers Noël 1985 ; oui, tout-à-fait conquis par la transcendance ( ce qui dépasse en étant supérieur ou d'un autre ordre, remarquable) d'un texte admirable par la profondeur de son discours, incomparable, exceptionnel . J'avais recommandé à des milliers d' étudiants des DEUGS scientifiques d'en prendre connaissance, eux qui avaient décidé de choisir un parcours scientifique pour leurs études ; mais j'aurais pu également proposer sa lecture à des étudiants en sciences humaines , en médecine ou en économie en vue de leur apporter un point de vue ouvert sur les réalités du monde, de l'être humain, rationnelles et même irrationnelles ; mais , malheureusement, des cloisons souvent étanches existent entre les disciplines ; elles sont redoutables à franchir ; là , n'existe pas encore la liberté , que l'on trouve en rédigeant un blog comme Gerboise .


Qui est ce savant qui nous a ainsi séduit ?


Il s'agit du Professeur Jean Hamburger, de l' Académie des Sciences et de l'Académie Nationale de Médecine, né à Paris en 1909, décédé en 1992 .Il est le créateur de la Néphrologie, science de l'étude du rein normal et de ses pathologies,( maladies); il réalisa la première greffe réussie au monde en 1953. Il fut le créateur en France du concept de réanimation médicale .
Il a en outre publié une série d'essais sur la condition humaine et montré comment la réflexion biologique peut apporter des vues nouvelles sur le sens de l'aventure de l' Humanité .

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Son livre : La raison et la passion , Réflexion sur les limites de la connaissance a été publié aux Éditions du Seuil en septembre 1984 .

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Nous reproduisons ici sa citation de René Descartes, Méditations touchant la première philosophie, Paris, Soly, 1641 /, présentée en préambule de son ouvrage :

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"Pour atteindre la vérité, il faut une fois dans sa vie se défaire de toutes les opinions que l'on a reçu et reconstruire de nouveau et dès le fondement tout le système de ses connaissances" .

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Gerboise recommande à tous ceux qui désirent enrichir leur rapport au savoir de se procurer cet ouvrage de réflexion, qui à sa parution coûtait 65 Francs (~ 10 euros actuels) . Cette somme est dérisoire par rapport à la richesse de la teneur de son contenu . Si cette somme est trop importante pour vous, faites le acquérir par la bibliothèque la plus proche .

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Nous commenterons plusieurs thèmes plus tard, concernant certaines idées des chapitres du livre, qui sont en relation avec le développement des valeurs de notre blog . Aujourd'hui, nous vous demandons simplement de réfléchir à la conclusion du livre que voici . Elle sera commentée comme certaines de nos citations .

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Conclusion de Jean Hamburger :

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"La logique est inscrite dans le cerveau de l'homme, il est mathématicien sans le savoir ; il a soif de classification (relative ou absolue ?), de clarté, de déductions (conclusions) bien faites . Il a soif d'une finalité (caractère de ce qui tend à un but ) qui a, tout à la fois, ouvert les chemins de la science et créé un confort quotidien de la pensée .

Mais voici qu'aujourd'hui la réflexion scientifique vient troubler ce jeu traditionnel :elle révèle ( fait apparaître ) de grandes failles dans notre façon habituelle de raisonner . Elle montre que notre cervelle a des faiblesses, truquant ( dénaturant, truquer :changer pour tromper) les images qui forment le décor (la toile de fond, le contexte) de nos pensées . Elle suggère que quelques-uns des problèmes qui nous fouaillent ( vient de fouet , qui nous aiguillonnent, qui nous animent), tel celui de la signification du monde et de notre vie, sont suspects de non -validité : poser ces problèmes, c'est supposer {imprudemment et orgueilleusement } que le monde extérieur a des "structures intellectuelles" analogues aux nôtres et que les concepts que forment notre esprit continueraient d'être valables si les hommes disparaissaient de la terre . Après cette disparition , le monde ne resterait peut-être pas poétique, la poésie est en nous ; de même, il n'est pas sûr que le monde aurait un sens (ensemble d'idées intelligibles ?, le sens donné est très difficile à saisir !) dans l'acception( signification), que nous donnons au concept de sens . Et semblable doute s'insinue (s'introduit) dans la légitimité de bien d'autres questions, par exemple celle du commencement et de la fin du monde . Nous savions que la connaissance était cernée (entourée) de frontières (cette notion fondamentale pour les rapports aux savoirs sera développée plus tard dans notre blog), mais nous pouvions espérer que seuls les moyens de les franchir nous manquaient encore . Nous apercevons désormais que ces frontières sont probablement par essence (par définition ) des murs infranchissables (insurmontables) .

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Bridés ( freinés)dans notre désir violent de connaître et de comprendre, apercevant de plus en plus clairement que cette soif ne sera jamais étanchée (assouvie, réalisée), il faudra bien que nous apprenions peu à peu à n'en ressentir aucune amertume (découragement)ni frustration .

On ne peut souffrir de l'absence de réponse à des questions ineptes (tout à fait absurdes ou stupides) . Mais ce n'est assurément pas sans application ni effort que l'on peut renoncer ainsi à des habitudes millénaires de pensée . A froid (sans émotion, sans passion, sans emportement), nous reconnaîtrons peut-être que nos interrogations sur le sens de notre vie et la signification du monde sont de simples fantasmes (situations imaginées), nés d'une attitude questionneuse tout à fait anthropomorphes ( qui fait de l'être humain le centre du monde) . Mais ce sont là des interrogations qu'on ne jette pas facilement aux orties . S'en débarrasser est pourtant la seule façon de comprendre l'inanité (inutilité ) de nos angoisses ( malaise psychique et physique, né du sentiment de l'imminence, approche, l'arrivée d'un danger) . Ceux qui voient des paroles de désespoir dans la célèbre phrase de Jacques Monod ( Biochimiste français, 1910-1976, Prix Nobel de Médecine en 1965) "l' homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'univers " sont victimes d'une illusion d'optique mentale ( erreur de point de vue en ce qui concerne cette réalité) :ressentir douloureusement "l'indifférence de l'univers " ( état d'un monde qui n'éprouve ni douleur, ni plaisir, ni crainte, ni désir) , c'est prêter à l'univers l'équivalent de sentiments humains . Démasquer ( percer à jour) ainsi les questions illusoires ( trompeuses) et ne plus succomber à leur tentation devrait être source d'apaisement . Cette ascèse (cette privation voulue, ce mépris ) rejoint peut-être par certains côtés, dans sa recherche de la paix intérieure, la recherche spirituelle de certaines disciplines d'Extrème-Orient, nées dans les pays où surgit un jour l'idée, hélas fugitive (brève ), des bienfaits de la non-violence . Malheureusement, à la différence des disciplines orientales en quête de sérénité ( de paix, de tranquillité) , cette ascèse-là naît d'une réflexion sur la nature de la connaissance scientifique : autant dire qu'elle est de diffusion improbable dans une communauté humaine où l'esprit scientifique n'a que peu pénétré . C'est sans doute une raison supplémentaire pour qu'on s'attache à l'étude de méthodes différentes d'information et d'éducation .
Ainsi la science, en plus de l'aventure somptueuse ( éblouissante) qu'elle offre à l'esprit humain, pourrait être indirectement source de méditations ( réflexions) capables de nous délivrer du sentiment d'absurdité (d'incohérence ) .

Mais la connaissance scientifique demeure tout à fait inapte ( inadaptée) à répondre à nos besoins profonds de transcendance ( supériorité, perfection) . Les seules recherches licites ( qui n'est défendu par aucune loi) de vérités absolues portent sur notre vie intérieure, notre royaume personnel de pensée et d'émotion . Dans ce domaine qui est le nôtre, les murs aveugles ( sans réflexion ni discernement ) de nos exigences personnelles n'existent plus . Les frontières même que la connaissance scientifique se découvre, sa dépendance constante de postulats (principes indémontrables ) mentaux de départ, offrent une liberté nouvelle à la recherche d'autres sortes de vérités, nées de nos actes de foi, de nos élans, de nos passions . Là, les vertiges de nos interrogations illusoires ont disparu, laissant le champ libre à tous nos émerveillements .La cage est ouverte, le foisonnement ( proliférer) devient illimité, il échappe aux critiques dérisoires ( futiles, insignifiantes) que prétendrait lui imposer une raison hors-jeu (en dehors d'une réalité ) .

Quand Charlie Chaplin (dit "Charlot"), dans Limelight, entend la pauvre fille qu'il a recueillie lui déclarer que la vie n'a aucun sens, il lui répond :
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Life is a desire, not a meaning ,
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ce qu'on pourrait maladroitement traduire : "la vie est passionnelle ( inspirée par des élans affectifs), non rationnelle ( qui ne provient pas de la raison)", si la phrase traduite ne perdait pas en route (durant cette opération ) une bonne partie de sa force . Ainsi les poètes découvrent parfois d'instinct ce que la réflexion scientifique met des années à découvrir . "
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Bonne réflexion sur cette conclusion parfois un peu abstraite, et surtout sur l'ensemble du livre, très ouvert sur de très nombreux sujets plus faciles à comprendre . Comme nous l'avons déjà précisé au début, nous prendrons , plus tard, certaines parties comme thèmes de réflexion .

A bientôt, Gerboise .

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