mercredi 7 novembre 2007

Les savoirs- faire : de la fermentation de la pâte pétrie en vue de l' obtention du pain d' antan , savoureux et odorant .


Comme le raconte si bien le regretté Lionel Poilâne dans son ouvrage : Guide de l'amateur de pain , publié en 1981 aux Éditions Robert Laffont , avant l'opération de la fermentation ," le pétrissage, action d'unir l'eau et la farine en un mélange homogène, dont la densité, la fermeté sont laissées à l'initiative et à l'appréciation du boulanger", est une opération délicate et difficile .



L'expression " être dans le pétrin", est révélatrice des obstacles qui y sont associés .

"Ce n'est pas un jeu d'enfant de réussir à la force des bras un bon mélange entre , disons, 65 kg de farine et 35 litres d'eau !"...

Il y faut beaucoup -d'Intelligence- aussi et, peut-être , est-elle encore d'avantage nécessaire que les savoirs-faire manuels . La fermentation qui va suivre le pétrissage demande, elle également pour être réussie pleinement, une forme "d'intelligence" acquise peu à peu , au fil des siècles à des époques où l' être humain était beaucoup proche de la nature et avait la possibilité (prenait le temps) de s'imprégner des phénomènes par l'observation et la réflexion .



Voici ce que Lionel Poilâne nous en disait dans son livre consacré au vrai pain !



"La fermentation est un phénomène qui s'accomplit spontanément et inévitablement lorsqu'on mélange une bonne farine et de l'eau, à une température convenable .

La fermentation naturelle, sauvage (ou endogène : qui se développe, qui se forme à l' intérieur, au sein même de la matière, entre ses constituants intimes - différence avec un phénomène exogène qui , dans notre situation impliquerait une interaction avec par exemple , l'oxygène de l'air environnant , ce qui ne se produit pas lors de ce phénomène de fermentation) est appelée fermentation au levain ;elle se transmet d'une pâte à une autre en conservant un morceau de l'ancienne que l'on ajoute dans la suivante (à la façon de la présure des yaourts) .

A côté de cette méthode les hommes ont imaginés et mis au point (conçu, élaboré) une autre fermentation plus rapide (exogène) qui se réalise en sélectionnant des souches de ferments (saccaromyces , terme de botanique , nom générique des levures [ champignons ascomycètes ] qui décomposent les sucres) cultivés sur des terrains biologiques que l'on ajoute à la pâte ; c'est la levure, utilisée aujourd'hui par les boulangers .

On peut dire qu'il y a deux familles de ferments : "les endogènes", au levain, ou fermentation sauvage, et "les exogènes", à la levure, ou fermentation génétiquement contrôlée .
L'acte de réaliser et de conduire la fermentation est la tâche la plus élevée du métier de boulanger, sa vraie noblesse . C'est l'acte qui donne la vie . Après cet ensemencement, la conduite de l'opération exige une grande dose de connaissance des aléas que peut subir la vie biologique, et ressemble singulièrement au rôle de la mère, pour obtenir un produit proche de la perfection, dans le respect d'un ordre chronologique harmonieux .
Si on en croit la légende, la fermentation du pain fut inventée par hasard : longtemps avant notre ère, sur les bords du Nil, une femme oublia sa pâte avant de la cuire . Quand elle la retrouva, elle avait changé d'aspect son volume avait augmenté, elle avait fermenté . Au lieu de jeter ce produit inhabituel, elle décida de la cuire (peut-être par économie) et elle obtint un produit plus léger, meilleur au goût . Le premier pain fermenté était né . Cette légende est confortée par la découverte, dans le limon du Nil, de ferments saccaromyces, la même famille de ferments que ceux qu'on utilise aujourd'hui pour réaliser la levure .
On sait peu de choses sur le cheminement de la technique de la fermentation à travers le temps et les civilisations. La Bible nous permet de penser que les Hébreux faisaient lever naturellement leur pain puisque un des souvenirs de la traversée du désert est lié à leur incapacité de le faire (pain azyme , qui est sans levain, que les juifs mangent au temps de la Pâque ) . Par la suite l'archéologie nous renseigne mal sur les techniques utilisées par nos ancêtres . Nos premières certitudes sur la fermentation ne remontent pas au-delà du XVIIème siècle .

La fermentation ne fait pas que rendre le pain plus léger en créant des trous ; la fermentation(exactement comme pour le vin) donne ses caractéristiques organoleptiques (se dit en physiologie des propriétés qui affectent les organes des sens) , son odeur, et d'une manière générale sa personnalité au pain . La première indication de la bonne fermentation s'apprécie par le nez .
Pour juger de la bonne ou médiocre fermentation , le pain doit avoir une odeur plutôt fruitée, dans le sens "acidulée", et non pas de simple expression du mélange eau-farine . L'odeur peut s'apparenter parfois au parfum de fruit en état de décomposition, ce qui indique une dose massive de levure . (De nos jours l'industrie chimique est capable de synthétiser des composés de la chimie organique dont les odeurs sont assimilables à celles du "bon pain, bien levé !) .
Bien que la tendance actuelle n'aille pas dans ce sens pour des raisons d'évidence rentabilité et de rapidité, mon goût personnel incline définitivement dans le sens des fermentations lentes qui confèrent une légère acidité au pain, propre à développer les qualités gustatives des papilles (1372, "bout du sein, XVIème siècle", petite éminence à la surface du derme ou d'une muqueuse qui correspond à une terminaison vasculaire ou nerveuse) .
C'est aussi cette nature du pain qui exige le plus de " métier ", et qui expose le boulanger à des accidents de fermentation issus de la caractéristique " sauvage " de la fermentation au levain (qui peut rendre le pain plat, cela arrive en période d'orage).
Le critère de jugement le plus tangible (authentique) pour le choix de votre pain est lié à sa fermentation . Il ne doit pas être trop léger, ce qui indique une fermentation rapide, son parfum doit être fruité, ce qui indique une bonne culture ".

Voyez-vous ! , même les métiers dits " manuels" demandent une part de connaissances et d'intelligences diverses qui participent à l'attrait de la plupart de ces véritables métiers artisanaux . Nous vous proposerons, par la suite, toute une série de métiers dans lesquels les activités manuelles et intellectuelles doivent être associées, ce qui en font des professions et des "occupations "passionnantes . Bien à vous, Gerboise.

Aucun commentaire: