mercredi 31 décembre 2008

Ce soir, ce sera la Fête ! quelquesoit votre situation : c'est ce que Gerboise vous souhaite du fond du coeur !


En cet après-midi, veille de la Saint-Sylvestre, nous vous souhaitons une soirée de réveillon merveilleuse en cette fin d'année 2008 . Nous espérons que cette soirée corresponde à vos intentions, à un projet qui vous " trotte par la tête ", celui que vous avez désiré, ces dernières semaines , de tout votre être .

Bien à vous, Gerboise .

mardi 30 décembre 2008

" Les éléphants,ces créatures étranges et intelligentes,dont l'esprit de cohésion est extraordinairement proche du nôtre ."Douglas Hamilton, Zoologue.

Les éléphants surviennent par une chaleur torride, des confins du désert, mer sans limites, et enfin ...les lourds voyageurs, à l'horizon , s'effacent.
Quand la troupe d'éléphants apparaît à l'horizon, ces masses brunes, que guide un vieux chef, marchent lentement, soulevant la poussière ...

Les éléphants


Leconte de Lisle est un remarquable peintre des animaux exotiques . Il a su tout à la fois décrire leur aspect physique et leurs allures, et analyser, par une sorte de divination, leurs instincts et leurs impressions . On remarquera dans les Éléphants [1862] la disposition musicale du thème : dire les trois premières strophes à voix basse ; la quatrième et la cinquième un peu plus haut ; à partir de la sixième strophe, le ton doit être soutenu : c'est la description du cortège qui passe sous nos yeux ; - avec la dernière strophe, la voix doit s'abaisser de nouveau, et le dernier vers doit s'évanouir comme la vision elle-même .
Cette poésie évoquant la vision d'une troupe d'éléphants traversant une savane tropicale, ne vous semble t-il pas que le poète, immobile en un point du paysage, voie à l'horizon une troupe d'éléphants qui s'avance, - passe devant lui, - puis s'éloigne et disparaît ?
Où vont les éléphants ? Au pays natal, dont ils ont la nostalgie ? Y vont-ils comme en pèlerinage, ainsi que les hommes se rendent en un lieu sacré ? Cette description poétique nous laisse une impression de simplicité, de force et de grandeur .


" Le sable rouge est comme une mer sans limite,
Et qui flambe, muette, affaissée en son lit .
Une ondulation immobile remplit
L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite.

Nulle vie et nul bruit ; Tous les lions repus
Dorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues,
Et la girafe boit dans les fontaines bleues,
Là-bas, sous les dattiers des panthères connues .

Pas un oiseau ne passe en fouettant de son aile
L'air épais, où circule un immense soleil .
Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil,
Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle .

Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs .
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes,
Vont au pays natal à travers les déserts .

D'un point de l'horizon, comme des masses brunes,
Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit,
Pour ne pas dévier du chemin le plus droit,
Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes .

Celui qui tient la tête est un vieux chef . Son corps
Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine ;
Sa tête est comme un roc, et l'arc de son échine
Se voûte puissamment à ses moindres efforts,

Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche,
Il guide au but certain ses compagnons poudreux ;
Et, creusant par derrière un sillon sablonneux,
Les pèlerins massifs suivent leur patriarche .

L'oreille en éventail, la trompe entre les dents,
Ils cheminent, l'œil clos . Leur ventre bat et fume,
Et leur sueur dans l'air embrasé monte en brume ;
Et bourdonnent autour mille insectes ardents .

Mais qu'importe la soif et la mouche vorace,
Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ?
Ils rêvent en marchant du pays délaissé,
Des forêts de figuiers où s'abrita leur race .

Ils reverront le fleuve échappé des grands monts,
Où nage en mugissant l'hippopotame énorme,
Où blanchis par la lune et projetant leur forme,
Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs .

Aussi, pleins de courage et de lenteur, ils passent
Comme une ligne noire, au sable illimité ;
Et le désert reprend son immobilité
Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent .

Leconte de Lisle

[ Poèmes barbares, A. Lemerre, éditeur]

Ci-dessous l'éléphanteau cherche les mamelles de sa mère pour téter au coucher du soleil .

Toutes les photographies présentées sont extraites d'un magnifique ouvrage que nous vous recommandons fortement d'acheter :" L'Art d'être Éléphant " de Christine et Michel Denis-Huot, publié par les Éditions Gründ, 60, Rue Mazarine, 75006,Paris . (le prix de l'ouvrage ainsi que la date d'édition nous sont inconnus car nous avons découvert et acquit ce livre dans une brocante !)

Bien à vous, Gerboise .

dimanche 28 décembre 2008

Premières clartés du matin : des langages ; les discours et les écrits ; l'expression orale et la communication écrite .

Quand nous exprimons cette pensée (vérité [?] remarquable brièvement énoncée), cette maxime (insiste sur la valeur du fond de la pensée qui peut servir de règle pour un art, une science , et dans la vie pratique) , cette sentence (a surtout rapport à l'expression, sous une forme ramassée, d'une opinion, d'une pensée ou d'une maxime) , cette soi-disant " vérité ", lorsque nous clamons que :

" les paroles s'envolent, mais que les écrits restent ",

c'est souvent pour les déprécier, les rabaisser toutes les deux . Puisque l'écriture est dans cette éventualité une sauvegarde et une précaution contre les excès, les abus que l'on peut faire de la parole par imprudence, par légèreté ou par intention de tromper, de circonvenir (agir auprès de quelqu'un avec ruses et artifices pour le déterminer à faire ce qu'on souhaite de lui) . L'écriture devient alors un artifice de scribe (de greffier, de gratte-papier !) qui ôte ses ailes à la parole et l'enchaîne à la terre . Il ne faut pas passer sous silence les questions de Faust à Méphistophélès (Faust: Poème dramatique de Goethe, 1808, dans lequel Faust, entre Méphistophélès qui s'est juré de le réduire à l'animalité, et Dieu, qui lui laisse les moyens d'assurer son salut par ses seules forces, il apparaît comme le symbole de la condition humaine et de son écartèlement permanent entre le bien et le mal) :

" Quoi, tu me demandes une signature, pédant ? (prétentieux) N'as-tu donc jamais eu affaire à un homme, à la parole d'un homme ? La parole meurt en passant par la plume ."

Cependant, la sagesse de Confucius nous apprend à nous méfier :

" La mémoire la plus forte, la plus intense, dit-elle, est plus faible que l'encre la plus pâle " .

Écrire, rédiger des idées, c'est choisir, opter parmi les possibles en vue de construire du sens, c'est prendre possession de certains d'entre eux, c'est promettre de les réaliser beaucoup mieux que par la parole, le discours, qui reste presque toujours un essai, une tentative, et a besoin de se redoubler et de se confirmer elle-même pour devenir un engagement, une obligation . Quand l'écriture fixe l'instant, c'est toujours pour l'enchaîner à d'autres instants, comme la parole dans le serment : mais la signature est le sceau du serment . Dans cet engagement, cette promesse, cette résolution, la parole apparaît toujours comme ayant un caractère de solennité : elle cesse d'être un jeu (une action, un acte) fugace, fragile . Nous voulons qu'elle nous lie, nous engage . La parole est un acte spontané qui ne peut pas toujours être repris, modifié ; la signature y ajoute un acte nouveau que nous inscrivons dans les choses par lequel nous nous interdisons en effet de la reprendre .
Si l'écriture est une parole qui, au lieu de s'évanouir (disparaître, se dissiper sans laisser de traces) avec l'instant qui l'a produite, se fixe (s'ancre) dans la durée (espace de temps que dure une chose, un événement) , elle est à la parole ce que la durée est à l'instant (moment très court) . Car l'instant de la lecture n'est point le même que celui de l'écriture . De telle sorte que cette écriture qui, malgré le temps écoulé, a franchi sans changement l'intervalle (distance d'un temps ou d'un lieu à un autre) qui sépare les deux instants, a montré par là qu'elle devait surpasser (aller au-delà ...) toutes les préoccupations (ce dont on a souci, ce dont il convient d'avoir du souci, ce qui occupe fortement l'esprit) de l'instant . Car tout ce qui est né de l'instant n'a de sens que pour l'instant et doit périr (prendre fin, disparaître) aussi dans l'instant . Il en est du livre comme des contrats que l'on signe pour s'engager ; et il valait mieux ne rien écrire que de renier (désavouer) aujourd'hui ce que l'on avait écrit la veille, pour recommencer demain une tentative (démarche) aussi vaine, vouée (destinée irrévocablement) d'avance au même sort .
On ne s'étonnera donc pas de la puissance presque surnaturelle que les scribes (employés aux écritures) ont toujours exercée .

Ceux qui écrivent laissent toujours un monument plus durable que ceux qui agissent et qui ont besoin d'eux pour être capables de survivre .

Bien à vous, Gerboise .

vendredi 26 décembre 2008

Premières clartés du matin : Les provinces de France - La Provence . (suite n° 3 du 4 Décembre 2008) .


Cette gravure, comme les précédentes, est extraite du merveilleux petit livre de Doré Ogrizek que nous vous conseillons d'acquérir : Les provinces de France, publié en Novembre 1953 par les Éditions Odé . L'ouvrage est préfacé par Georges Duhamel, de l'Académie Française . L'illustration ci-dessus [ qui peut être agrandie par un clic gauche ] est de Jacques Liozu .

Les textes de différents auteurs, présentent chaque Province Française d'une façon remarquable, et sont agrémentés par des croquis régionaux agréables et de bonne facture (exécution, réalisation) .

" Naturellement, vous aimez la Provence . Mais quelle Provence ?
Il y en a plusieurs . Une est toute nue, à peine voilée d'un maillot de bains à dessins cubistes, et noire d'un hâle étudié . Elle trône sur un " planking " entre deux ou trois palaces et casinos . Celle-là, je la salue à peine quand je la rencontre .
Une autre perche sur de petits monts aérés, secs, où tout est d'azur, le ciel, le silex pailleté, l'arbuste bleuâtre . Il y a des morceaux de Provence gras, herbus, baignés de sources, de petites Provences italiennes, même espagnoles ; une Provence - peut-être est-elle ma préférée - maritime, pays de calanques d'un bleu qui n'est point suave, mais féroce, de petits ports huileux qu'on ne déchiffre qu'à travers une grille de mâts et de cordages ... " .

Colette

D'ici la présentation d'une autre région de notre douce France où Gerboise " vadrouille " ( vagabonde, parcours les sentiers) les dimanches dans les forêts où les arbres de l'Automne finissant, prennent leurs couleurs pourpres, celles des séculaires érables canadiens .

Bien à vous, Gerboise .

jeudi 25 décembre 2008

Premières clartés du matin: La curiosité,intérêt,soif de connaître,initiatrice de l'essor des savoirs,ou parfois, avidité malsaine fâcheuse, néfaste .



" La curiosité qui nous ouvre les yeux à quelques phénomènes nous les ferme à un bien plus grand nombre . D'où la nécessité d'une grande ~ ouverture d'esprit ~ ouverte sur sur la diversité des êtres et des choses ... "


"L'Art d'enseigner n'est que l'art d'éveiller la curiosité des jeunes esprits pour la satisfaire ensuite, et la curiosité n'est vive que dans les êtres heureux" . [ Anatole France] "

" Il y a diverses sortes de curiosité : l'une d'intérêt, qui nous porte à désirer d'apprendre ce qui peut être utile ; et l'autre d'orgueil qui vient du désir de savoir ce que les autres ignorent " [La Rochefoucauld, Maximes] .




Une personne, une individualité curieuse, est celle qui a grande envie de voir et d'apprendre, qui est mue par le besoin de s'étonner et de découvrir des choses nouvelles ou inhabituelles surprenantes, qui attirent l'attention par leurs qualités, leurs raretés ; et, en mauvaise part, un indiscret, celui chez qui le besoin de savoir tourne à l'indiscrétion .
D'abord, dans l'histoire des civilisations, la curiosité pour l'autre , loin d'être la chose au monde la mieux partagée, ferait plutôt figure d'exception .
Si le XVIe siècle lui fait une place et la valorise, elle était condamnée par le Moyen-Age comme " turpis curiositas " et, au XVIIe siècle, par Pascal, comme vanité .

" Curiosité n'est que vanité . Le plus souvent on veut savoir que pour en parler ; autrement on ne voyagerait pas sur mer, pour ne jamais rien en dire et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d'en jamais rien communiquer " [Pascal] .

La règle serait volontiers l'ignorance, l'indifférence, l'hostilité . De fait, chaque culture a élaboré, de façon plus ou moins organisée, des procédures de reconnaissance-méconnaissance, imitation-mise à distance, folklorisation-destruction des autres .

" Et quant à la connaissance des faits de Nature, je veux que tu t'y adonnes (tu t'y consacres, tu pratiques) curieusement [avec curiosité] , qu'il n'y ait mer, rivière ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons ; tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fructices [arbrisseaux] des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tout Orient et Midi, rien ne te soit inconnu " . François Rabelais, Pantagruel, 1532 .

L'étonnement est la surprise causée par : quelque chose d'extraordinaire ou 'inattendu qui fait impression à l'esprit ; une difficulté à comprendre une explication, une information différente de celle qu'on attendait logiquement ; une sensation morale causée par une chose hors du commun, singulière, nouvelle, imprévisible, inespérée, déconcertante .
L'étonnement est un des moyens les plus énergiques pour attirer l'attention .

Entre la curiosité et l'attention existe un lien des plus étroits, la première étant pour la seconde un stimulant et un soutien admirables . Tout ce qui excite la curiosité, comme la surprise, la nouveauté et la variété, excite du même coup l'attention . La mobilité ou le caprice de l'une rend l'autre fugitive et distraite, l'esprit se détournant de ce qui cesse de l'intéresser . La curiosité est donc le germe ou la source naturelle de l'attention .

Ce qu'Esope (fabuliste grec, VIe siècle av. J.C.) disait à Xantus (philosophe grec) , son maître, " qu'il n'y a rien de meilleur que la langue parce qu'elle est la clef des sciences, l'organe de la vérité et de la raison, ni rien de pire, parce qu'elle est la source des divisions et, qui pis est, de la calomnie, pourrait se dire semblablement de la curiosité ."

La tâche de l'éducateur à l'égard de la curiosité est double, négative d'abord, puis positive ; négative en ce qu'il devra s'appliquer à réprimer chez l'enfant la curiosité vaine et indiscrète ; positive, en ce qu'il aura à éveiller et à fortifier la curiosité saine et féconde .

Il est d'ailleurs une excellente façon d'alimenter l'esprit de l'enfant, tout en le détournant de la curiosité basse et mesquine, c'est de cultiver en lui le sentiment esthétique, c'est de lui inspirer du goût pour les belles oeuvres de la littérature et de l'art . A défaut des musées, malheureusement trop rares, il y a le livre, qui peut pénétrer partout, accompagner toujours .
Inciter l'enfant à la curiosité féconde, faire qu'il s'intéresse à la connaissance et même à la recherche des raisons des choses, c'est instituer encore le meilleur préservatif des curiosités mauvaises .
Une des plus grandes raisons qui éloignent les enfants de l'étude, c'est l'obscurité des explications qu'on leur donne, et surtout le mépris que l'on montre pour leur désir de savoir .

La forme de curiosité féconde, a, suivant l'expression de M. Ribot [ La Psychologie des sentiments] " Tous les degrés de l'animal qui palpe et flaire, jusqu'à un Goethe qui scrute tout, veut tout savoir, tout embrasser " .

Nous reprendrons ces réflexions sur ces formes diverses de la curiosité dans un prochain billet en vue d'en tirer toutes les informations permettant d'acquérir un esprit critique efficient .

Nous les distinguerons précisément d'après leurs desseins, leurs motivations, leurs buts . Nous pensons, qu'en fonction de ces points de vue, pouvoir les délimiter ainsi :

- D'abord une curiosité vaine ou futile, stérile ou dérisoire, qui porte surtout sur les faits, sur les objets sensibles (perçus par les sens), et qui est, lorsqu'elle règne, la caractéristique d'un esprit frivole ou dénué de profondeur .
- Ensuite une curiosité maligne ou de mauvais aloi (pernicieuse, préjudiciable) , faite du désir de savoir ce qu'on devrait ignorer : elle " s'accouple " ( s'associe, se combine) parfois avec la précédente et porte de préférence sur les personnes ; elle est alors la marque d'un esprit indiscret et/ou malveillant .
- Enfin la curiosité utile et féconde (fructueuse, créatrice et fertile), qui est le témoignage, le symbole d'un esprit ouvert et réfléchi : elle tend, dans ses formes élevées, exceptionnelles, à vouloir connaître les lois et même la nature des choses, non seulement le comment mais également le pourquoi du monde ! Elle ambitionne une connaissance totale, aspire à la Science et à la vérité absolue .

Votre curiosité ," votre soif de connaître au sens noble du mot " , doit être aiguisée, excitée [peut-être ?, je pense sûrement ! ] à la pensée de pouvoir satisfaire votre " appétit " à propos des prochains commentaires de cette rubrique pleine de nouveautés, de curiosités [!] formatrices de l'esprit !

Bien à vous, Gerboise .

mercredi 24 décembre 2008

Noël, Noël ! On a tant crié Noël qu'à la fin il est venu, arrivé !

L'Adoration des Mages, Tableau de Andrea Mantegna vers 1460-1464, peinture sur bois , Florence, galerie des Offices (clic gauche pour agrandir l'image ci-dessus) .

" Nulle fête liturgique n'est plus populaire que Noël . Seule elle connaît la singulière fortune de réconcilier, dans une commune allégresse, ceux pour qui elle commémore la naissance de Dieu et ceux pour qui elle ne signifie rien . Le plus incroyant la célèbre encore par le champagne et le boudin blanc ; c'est un fait d'histoire que cette vénération universelle ; les fêtards des réveillons en témoignent à leur façon . " [Daniel-Rops]

Joyeuses fêtes, bien à vous, Gerboise .

vendredi 19 décembre 2008

Premières clartés du matin : Quiproquo*. Ironie ** et spéculations*** . Propos d'actualité ? non, ne le pensez vous pas?, en cette fin d'année 2008 .

*) Méprise qui fait qu'on prend une personne ou une chose pour une autre, situation qui en résulte ; malentendu : divergence d'interprétation entre personnes qui croyaient se comprendre .
**) Manière de se moquer [de quelqu'un ou de quelque chose] en disant "autre chose" que ce qu'on paraît faire entendre .
***) - activités intellectuelles n'ayant pour but que la connaissance désintéressée, authentique, ou même [acception parfois péjorative] , sans rapport avec le réel .
- Opérations financières ou commerciales, fondées sur les fluctuations des marchés boursiers ou autres ; combinaisons et opérations boursières ou commerciales fondées sur la prévision des prix et/ou des événements .

Nous soumettons à votre jugement cette discussion fictive pleine d'esprit et aussi de réalisme du physicien et philosophe, Jean-Marc Lévy-Leblond, qui dénonce avec réalisme, humour et finesse les confusions dont la science, les propos sur la connaissance et l'éducation sont souvent victimes .

SPÉCULATIONS

" X : Enfin, l'école va apprendre à nos enfants les bases de la spéculation !
Y : Oui, il n'est que temps qu'ils trouvent un réel intérêt à leurs études...

X :Il faut que leurs actions ( ) soient valorisées .
Y : ...Que leur travail (activités intellectuelles) les enrichisse .

X : Et que leurs obligations (leurs activités scolaires et personnelles) leur apportent une vraie gratification (ce qui donne des satisfactions et valorise l'esprit) .
Y : Pourtant, il me semblait que les réformes en cours ( ! ) allaient plutôt en sens inverse .

X : Que voulez-vous dire ?
Y : Eh bien, quand on dévalue (minimise, sous-estime) le rôle de la démonstration dans l'enseignement des mathématiques et celui de la dissertation dans l'enseignement du français, on ne peut pas prétendre en même temps favoriser l'esprit réflexif et critique .

X : Mais qui vous parle de ça ?
Y : Ne discutions-nous pas de la nécessité de développer les capacités de spéculation intellectuelle des enfants ?

X : Il y a maldonne, je parlais de spéculation financière ! Et quand nous évoquions richesse, intérêt, actions, obligations, etc., il ne s'agissait que de termes économiques ...
Y : Et moi qui les entendais (comprenais, interprétais) dans leur sens abstrait et moral !

X : D'ailleurs, comment se fait-il que ce mot, " spéculation ", ait deux sens aussi différents ?
Y : A l'origine, le mot latin
speculum, " miroir " . Il va donner le verbe speculare, d'où en français médiéval savant " spéculer " , pour " observer ", surtout les astres, puis dans le vocabulaire philosophique " considérer en esprit, réfléchir " .

X : Ah, je vois (je comprend) , et les financiers vont s'emparer du mot, pour désigner cette activité hautement théorique aussi que constituent l'analyse des gains possibles sur le marché et la stratégie boursière !
Y : Mais oui, le sens du mot " spéculation " , en conformité avec son étymologie (science de la filiation, généalogie des mots, reconstitution de l'évolution du mot en remontant de l'état actuel à l'état le plus anciennement accessible) , tend un fidèle miroir (une image de ce qu'elle représente, de ce qu'elle est véritablement !) à notre société . Mais revenons à l'école : que vient y faire la bourse ?

X : Une grande banque propose aux élèves un concours de gestion financière à partir d'un portefeuille boursier virtuel (simulé à l'état de simple possibilité sans passer à l'acte : investir réellement sur un marché boursier !) . Les meilleurs gagnerons un voyage à Wall Street - et un vrai portefeuille .
Y : C'est évidemment plus " intéressant " ( cela va dépendre du point de vue auquel on se place: matériel, possession de valeurs financières ; curiosité de connaître une place boursière; enrichissement intellectuel par la possession et la compréhension de savoirs efficients) que le Concours général de philosophie ou de mathématiques .

X : Votre ironie est peut-être un peu rapide . Savez-vous que voici juste cent ans, en 1900, était soutenue en Sorbonne une thèse de mathématiques intitulée
" Théorie de la spéculation " sous la direction - excusez du peu - de Henri Poincaré ? Son auteur, Louis Bachelier, est aujourd'hui considéré comme le père fondateur de la mathématique financière, et un important colloque à célébré son œuvre .
Y : soit, mais n'oubliez pas ce que le même Bachelier écrivait en 1912 dans son ouvrage ~
Calculs des Probabilités~ : ~ Pour devenir très riche, il faut être favorisé par des concours de circonstances extraordinaires et par des hasards constamment heureux .

Jamais un homme n'est devenu très riche par SA valeur ~ (ici , son mérite)

X : Mais par SES valeurs, si ! ( céans, ici , il s'agit de ses valeurs sur les marchés boursiers !) "

Jean-Marc Lévy-Leblond

A bientôt, bien à vous, Gerboise .

mardi 16 décembre 2008

Premières clartés du matin : L'opinion : redoutable abstraction nébuleuse ! surtout lorsqu'elle devient publique .

L'opinion : manière de penser, de juger, de "fonder" son esprit critique, son état d'esprit, ses points de vue, ses appréciations .
Adhésion de l'esprit n'excluant pas, comme la certitude, toute crainte d'erreur ; ce à quoi l'esprit adhère : jugement ou façon de voir que l'on adopte sans avoir la certitude d'être dans le vrai ; ce que l'on pense autour de nous, en particulier sur nous .

L'opinion publique


C'est-à-dire ce que l'on pense communément dans un groupe social donné, ou, plus exactement, ce qui passe pour être la pensée commune .

" Ainsi l'opinion est un arbitre, une conscience ; nous dirions presque que c'est un tribunal, dépourvu certes de pouvoir juridique, mais redouté . C'est le for intérieur d'une nation .
L'opinion publique, cette puissance anonyme, est souvent une force politique, et cette force n'est prévue par aucune constitution . "

Alfred Sauvy

De quoi s'agit-il ?

C'est l'humeur variable d'un peuple, la moyenne instable de ses impressions, de ses sentiments et de ses préjugés, la formule de ses tendances . Rien de plus difficile à saisir et rien de plus trompeur dans ses manifestations de surface .
Les hommes mêmes qui n'ont d'autre fonction que de l'interpréter, les journalistes aveuglés , les enseignants abusés, les scientifiques dévoyés (!) et les politiciens trompés , s'y égarent . Quel journaliste oserait prédire le succès de son article ? Quel politicien ne craint les surprises électorales ? Quel enseignant ne désire t-il pas livrer à ses élèves les dernières notions à la mode ? Quel scientifique ne désire t-il pas être à la pointe du progrès ?
Aucun baromètre ( instrument de mesure) n'existe de l'opinion publique . On mesure tant bien que mal sa résistance sur un point donné . On ne saurait prévoir ni ses poussées ni ses réactions . Elle se colore différemment suivant les couches sociales, et un long calcul serait nécessaire pour fixer l'étendue de telle couche . Au jour le jour naît une opinion publique sur chaque sujet . L'opinion générale de la foule exprime mal les façons de voir particulières des individus . Elle nous donne l'illusion d'un équilibre qui se manifestera encore selon que le peuple sera interrogé de telle ou telle manière . L'observateur le moins averti peut le constater dans les votes politiques, les verdicts moraux de la foule, les courants de popularité ou d'impopularité .

Pourtant l'opinion a ses lois .
L'opinion oscille ( varie en passant par des alternatives, états opposés se succédant plus ou moins régulièrement) [ le phénomène est notoire en politique ; il existe pour tout le reste, même pour la morale : les crimes indignent le peuple, puis finissent par conférer une sorte d'auréole aux criminels ! ] .
L'opinion oscille dans des cadres plus ou moins résistants, qui sont les intérêts et les préjugés des différentes catégories de la population .
Les cadres ( les milieux, ce qui entoure un espace, une scène, une action , les contextes ) entre lesquels oscille l'opinion se déplacent plus ou moins lentement dans le sens de la moindre résistance des intérêts, des préjugés et des modes . Quand ils sont trop mobiles, l'opinion bat la campagne ; elle devient nomade ( qui n'a pas d'habitude fixe, qui est en déplacements continuels) . Si chaque poussée d'opinion, à propos de faits isolés, n'importe guère en soi, le déplacement des cadres, au contraire, entraîne des conséquences d'autant plus profondes que la foule, faute d'une vue d'ensemble, n'en a pas conscience et ne saurait réagir .
Ainsi se forment peu à peu un nouveau milieu et une nouvelle tradition qui dénaturent un peuple . Telle, par exemple, la diffusion, chez nous, depuis presque un siècle, d'une morale mercantile fort différente de ce qu'on appelait autrefois la " conscience professionnelle " .
Le déplacement des cadres de l'opinion publique obéit aux rythmes combinés de trois influences (actions morales, intellectuelles qu'exercent quelqu'un, une chose, un phénomène, une situation , les gens, la société, sur quelqu'un ou quelque chose ) : l'influence de l'école, l'influence de la femme et l'influence de la presse .

Nous poursuivrons dans un prochain billet, cette réflexion en analysant les conséquences de ces trois influences .

Bien à vous, Gerboise .

samedi 13 décembre 2008

Premières clartés du matin : Notre langue maternelle . Notre" Moi " . Notre " Personne " : Premières relations dans le monde ...

" NOUS NAISSONS BIOLOGIQUEMENT D'UNE MÈRE dont, un jour, on nous sépare en coupant un cordon ombilical . Mais c'est alors, dans le creux de ses bras, de sa parole, de tous les mots dits et chantés dont elle accompagne jour après jour ses faits et gestes, c'est là et alors que nous naissons vraiment à notre vie humaine . Nous naissons dans le langage ... Notre langue est une matrice . En elle, par elle vit bien autre chose que la possibilité - déjà magnifique - de communiquer : surtout en ce pays généralement monolingue, où le français assure à lui seul tous les rôles personnel et sociaux .
Maternité paradoxale ! Donnée par la mère dans une symbiose du physique et du linguistique qui se manifeste déjà à travers les mots et les chansons que la femme enceinte adresse à son petit, la langue devient peu à peu, pour l'enfant qui grandit, le lieu d'une liberté possible : c'est-à-dire d'une séparation . Des caresses maternelles pour le bébé aux simples paroles affectueuses que la mère adresse à l'enfant de neuf ans conduit tout un itinéraire ; les mots permettent et instaurent une distance . Dans cette distance d'avec la mère, d'avec ses proches, d'avec tous les autres, l'enfant apprend à dire " je " : il devient sujet de sa propre parole ... Mystérieuse maternité en effet, où se tissent d'inexplicables réseaux entre les mots reçus et les expériences vécues : les peurs élémentaires, les joies profondes, les plaisirs et les blessures se greffent sur les mots qui reviendront hanter nos nuits ou enchanter nos veilles . Toute l'enfance palpite dans cette parole-demeure : et avec elle tout notre imaginaire ... "

Émile Genouvrier .

vendredi 12 décembre 2008

Premières clartés du matin : Réflexions sur l'action et le discernement .

" Agir, c'est à chaque minute dégager de l'enchevêtrement des faits et des circonstances la question simple qu'on peut résoudre à cet instant-là ."

" On peut pencher à croire que la plupart des êtres de quelque valeur croient à la supériorité de leur propre intelligence . La raison en est que nous ne pouvons juger de l'intelligence des autres qu'avec la nôtre et en quelque sorte par rapport à la nôtre et que nous sommes tout naturellement portés à considérer les manières de comprendre différentes de la nôtre comme des infériorités ."

Bernard Grasset

Bien à vous, Gerboise .

lundi 8 décembre 2008

Souvenance du passé : Garder la mémoire , la renommée, le prestige, de certains événements, ici l'Indépendance des Etats-Unis !

Louis XVI donnant des ordres à La Pérouse, Tableau de Nicolas-André Monsiau, Musée de la France d'Outre-Mer .

" Jean-François de Galaup, Comte de La Pérouse, s'était couvert de gloire lors de la guerre d'Indépendance des États-Unis d'Amérique . Louis XVI l'envoya à la tête d'une expédition dans le Pacifique Nord, et c'est lui-même qui rédigea les instructions car il était très fort en géographie . Parti de Brest (1er août 1785) avec les frégates la Boussole et l'Astrolabe, il devait disparaître après un immense périple (1788) . Ce ne fut qu'en 1826 et 1828 que l'on retrouva les restes de l'expédition à l'île Vanikoro ; elle avait dû y être massacrée après un naufrage . Le tableau fait en 1817 représente aussi le maréchal marquis de Castries, ministre de la Marine ; la scène est du 29 juin 1785 ."
" Prise de YORKTOWN, par Auguste Couder . La scène se passe le 17 octobre 1781 ; le général Washington est présent ainsi que le lieutenant-général vicomte de Rochambeau (faisant un geste), chef des 6000 hommes envoyés par Louis XVI . Lord Cornwallis capitulait le 19 en livrant cette ville de Virginie . Le marquis de la Fayette est à gauche du chef américain . Le comte de Grasse commandait l'escadre française . " ( Musée de Versailles)

Ce thème appartient lui aussi aux Savoirs et aux Réflexions qui doivent faire parti de l'analyse de l'histoire conduite dans ce site . Nous présenterons les conséquences de ces faits dans toute l'évolution du monde à cette époque et de nos jours .

Bien à vous, Gerboise .

samedi 6 décembre 2008

Une collection fabuleuse vient de paraître : Les cahiers de Science et Vie -n°1 Les Cathédrales,n°2 les Monastères, à venir, n°3 la Bible * .

Page de couverture du premier numéro de la collection Les Bâtisseurs du Sacré . ( Ces reproductions, comme d'habitude, peuvent être agrandies par un clic gauche sur chacune d'entre-elles) .

Nous vous présentons ces deux premiers numéros dont le contenu est d'une richesse exceptionnelle, en vue de vous inciter à vous les procurer directement chez l'éditeur[n° de téléphone 01 46 48 47 18] pour prendre possession des contenus qui vous permettront d'accroître sûrement votre savoir et de développer votre réflexion et votre esprit critique . Les contenus de ces revues vous donneront l'occasion d'enrichir vos connaissances de l'histoire des progrès des techniques et des sciences de l'humanité , au cours des premiers siècles de notre ère . Ils vous permettront surtout de développer votre compréhension et vos représentations des techniques elles-mêmes : des métiers, des savoir-faire, des compétences, des tours de main , de l'état d'esprit des artisans et des bâtisseurs de ces époques . Ces connaissances sont fondamentales car les débuts de l'émancipation de l' Europe par rapport au reste du monde sont apparus, ont émergés, au cours de la construction des grandes Abbayes Bénédictines et des Cathédrales gothiques .

Voici l'avant-propos de ce premier numéro :

" C'est inévitable, un numéro chasse l'autre . Il n'empêche, à la rédaction des cahiers de Sciences et Vie nous ressentons souvent un pincement au coeur devant la brièveté de leur existence . Nous nous sommes donc offert le luxe de revisiter les thèmes que vous avez plébiscités . Et avons ainsi réunis, à titre exceptionnel, les plus belles pages des Cahiers dans une toute nouvelle collection dédiée aux bâtisseurs du sacré . Histoire de donner une seconde vie à une somme de connaissances recueillies précieusement avec l'aide des meilleurs spécialistes . Mais aussi pour rendre hommage aux hommes qui ont travaillé la pierre, le bois, le verre et le fer , les mots et les mythes, et qui nous ont laissés les plus beaux témoignages de leur foi . Les cathédrales, à commencer par Notre-Dame de Paris, étaient toutes désignées pour ouvrir, avec magnificence, cette série . " I.B


Voici le verso du deuxième "cahier" :Les monastères, sur lequel vous trouverez des informations pour vous procurer ces revues .

Avant-propos de la rédaction du deuxième cahier : Les Monastères et le Mont Saint-Michel .

" Avec les monastères se poursuit la collection des Cahiers de Science et Vie qui réédite les plus belles pages dédiées aux bâtisseurs du sacré . Après les Cathédrales, ce second opus (ouvrage) s'attache à montrer comment, du Xe au XIIe siècle, les communautés monastiques se multiplient en Europe et pourquoi l'ordre des cisterciens en particulier va développer de remarquables savoir-faire . La Règle qui les guide leur impose de subvenir eux-mêmes à leurs propres besoins . Ils doivent se nourrir et se vêtir, mais aussi se faire sidérurgistes et forgerons, verriers et tuiliers, hydrologues ... et deviennent par la force des choses de formidables ingénieurs, architectes et artisans . Que de chemins parcourus depuis la fondation du premier monastère en Gaule, vers 360 . Cette " Maison de prières " bâtie sur le site de Ligugé n'est qu'une modeste construction de bois . Mais après les invasions barbares, les monastères, ou plus exactement les abbayes, puisque par extension ce mot désigne aussi leurs bâtiments, s'offrent la protection, la blancheur et la beauté de la pierre taillée . Et s'octroient ainsi une part d'éternité . L'exceptionnelle longévité du mont Saint-Michel en témoigne : la merveille de l'Occident fête cette année ses 1300 ans d'histoire ." I.B.


Notre-Dame de Paris en vue aérienne .

Le Lys et la Crosse

" Vers 1300, deux pouvoirs, animés d'une même ambition de s'affirmer et de s'étendre, transforment le visage de la Cité .
A l'ensemble religieux répond, de l'autre côté de l'île, le Palais, siège du pouvoir royal . Entre ces deux géants prospèrent, à l'étroit, les multiples acteurs de la vie citadine ."


Cette illustration, signée F .MOIREAU, 2006, représente une partie de la représentation de la Foire aux Lards . " Paris célèbre la fête pascale . Sur le parvis de Notre-Dame, le spirituel fait place nette à la bonne chère . Pendant trois jours, le porc salé, qui se vend sous toutes ses formes, est à l'honneur ."
" La fête gourmande bat son plein . Acheteurs et curieux s'affairent autour des exposants et de leurs tables sommaires où s'étalent les morceaux de jambon . [ A gauche, Notre-Dame, en face, l'Hôtel-Dieu]."
Le Mont Saint-Michel , le chantier de l'abbaye au XIe siècle . Illustration Jean Benoît HÉRON .
Cette illustration de F . MOIREAU représente la rue commerçante, seule voie pratique pour accéder sur les hauteurs du Mont .

Sur les chemins de la foi .

" Tout au long du Moyen Âge les pèlerins, bravant les épidémies et les dangers de la route, affluent en nombre au Mont . En ces temps où la peur de l'Enfer occupait les esprits, mieux valait garantir, fût-ce au prix de longs mois de marche, la paix de l'âme . "

" Harassés de fatigue, des pèlerins adultes et enfants arpentent la rue principale . La plupart arborent des coquilles peintes de couleurs vives . Un bourgeois achète quelques souvenirs avant de reprendre le chemin inverse ."

*) Parution le 30 Décembre 2008 .
n° 1 est paru en Juillet-Août 2008, encore disponible sur commande au 01 46 48 47 18
n° 2 est paru en Novembre-Décembre 2008, actuellement en vente en kiosques à journaux .

Après l'acquisition du contenu de ces 2 cahiers , une fois leur " découverte " réalisée , puis, après les avoir fait vôtres, vous pourrez vous enrichir par surcroît avec le troisième : La Bible . Cet ensemble de connaissances sera essentiel pour intégrer la suite des concepts concernant l'histoire et la progression des techniques et des sciences au cours des âges .

A bientôt, Gerboise .

jeudi 4 décembre 2008

Premières clartés du matin : Les provinces de France - Les Pyrénées . (suite n°2 du 2 Septembre 2008) .



Cette gravure est extraite d'un merveilleux petit livre de Doré Ogrizek que nous vous conseillons d'acquérir : Les provinces de France, publié en Novembre 1953 par les Éditions Odé . L'ouvrage est préfacé par Georges Duhamel, de l' Académie Française . L'illustration ci-dessus [ qui peut-être agrandie par un clic gauche] est de Philippe Jullian . Les cartes des provinces sont de Jacques Liozu .

Les textes de différents auteurs, présentent chaque Province Française d'une façon admirable, et sont agrémentés par des croquis régionaux agréables et de bon aloi (de bon goût, qui mérite d'être dans un tel ouvrage connu) .

O montagnes d'argent ! ô pays adoré !
Rocs de Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez, des neiges entraînées
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des pyrénées .
Monts gelés et fleuris, trônes des deux saisons
Dont le front est de glace et le pied de gazons ...

Alfred de Vigny .

En attendant de vous présenter une autre région de notre douce France où Gerboise musarde, lors de promenades enchantées, bien à vous .

mardi 2 décembre 2008

Propos d'ALAIN [ Emile-Auguste Chartier, 1868 Mortagne-au-Perche, Orne, France-1951 ] sur la littérature : L'observation .(Editions Gonthier, 1934 ).

Salvador Dali, Naissance des désirs liquides, 1932, huile et collage sur toile, Venise, collection Peggy Guggenheim .

L'observation

" Un vrai peintre ne voit pas un pont, une maison, un arbre, un livre, une carafe, comme vous et moi ; il ne voit que des couleurs qui passent les unes dans les autres, ou qui sont limitées les unes par les autres
(ces limites, ces " frontières " nettes entre deux plages différenciées, cette différence tenant à la nature de l'absorption différentielle des longueurs d'onde composant la lumière visible et, d'autre part également aux variations d'intensité dues à la source lumineuse et à l'importance de l'absorption , sont à l'origine de cette perception ; interviennent également, les phénomènes de réflexion totale aux interfaces des deux milieux ; l'ensemble de ces phénomènes sont en relation aussi avec le pouvoir séparateur de l'œil qui, assisté ou non d'instruments d'optique grossissants , permet d'observer ou non des apparences de progressions continues, sans discontinuités "visibles " d'une plage colorée passant progressivement d'une teinte à une autre ) . Remarquez que nul ne voit autre chose que cela ; Mais nous n'en savons rien ( spontanément) . Nous ne remarquons point cette première apparence ( aspect qui nous apparaît de quelque chose, ce qu'on voit d'une personne ou d'une chose, la manière dont elle se présente à nos yeux ; l'aspect, l'extérieur d'une chose considérés comme différents de cette chose, donc de la réalité ; perceptions par le cerveau fallacieuses ; ce qui n'apparaît pas nettement à l'esprit et donc n'est pas intégré dans notre entendement) , parce que notre affaire est de la surmonter ( aller au-delà d'un obstacle, le franchir, vaincre par un effort volontaire une difficulté psychologique) . Quand nous reconnaissons au loin la puissante voiture, nous ne la voyons point petite, comme elle apparaît ; nous savons que c'est une grosse voiture ; nous croyons la voir telle (illusion d'optique) . Au contraire le peintre dissout plus ou moins toutes ces idées-là ; il ne demande pas ce que c'est ; ainsi nous retrouvons sur sa toile notre premier regard et la jeunesse de notre œil (lorsque notre stock d'images emmagasinées dans notre esprit était encore dérisoire ) . Cela est assez connu . Mais, comme je lisais ces temps-ci différents romans, qui ne parvenaient pas tous à me faire toucher la présence réelle, je me demandais si l'on ne pourrait point faire, au sujet de l'observateur du cœur humain, les mêmes remarques que pour le peintre . Toutes choses changées, car le romancier n'est peintre que par métaphore . Ces précautions prises, il me semble qu'il y a deux manières d'observer les hommes ; et la plus commune se fait par concepts, c'est-à-dire avec le souci de classer et de qualifier . On se dit : voilà un intrigant, voilà un ambitieux, voilà un vaniteux . Je connais bien ce genre d'observateur ; je vois de l'esprit dans ses yeux ; ou bien je sens sur moi une attention perforante, comme s'il me visait de ses deux yeux braqués . Mais cela ne me fait point peur . Les chiens aussi regardent de cette manière, et devinent aussi passablement ce que vous allez faire .

Or ces puissants observateurs, politiques, industriels, financiers, policiers ou moralistes, sont rarement trompés aux situations, mais sont presque toujours trompés aux hommes, parce qu'ils jugent trop vite, et définissent, et pensent, pour dire bref, l'autre côté de la carafe (nous ne pouvons accepter , sans une discussion contradictoire cette affirmation, car se sont les situations, les contextes qui provoquent des aberrations, liées à des illusions d'optique) . Or rien n'est plus vite jugé qu'une carafe ; cela est utile à y mettre de l'eau . Au lieu que le peintre ne pense point ; il regarde avidement l'apparence de cette carafe, et la lumière qui s'y joue, et les reflets qui s'y font (effets dus aux réflexions totales, à la réfraction de la lumière) . Il ne saisit que la surface de l'être, et par là il arrive quelquefois à représenter à miracle l'existence, qui en effet n'est point en la carafe toute seule, mais dans l'air qui l'enveloppe, dans la lumière, enfin dans cet univers qui s'exprime en elle . D'où le prix des natures mortes, à première vue inexplicable .

Sans aucun doute il faut changer presque tout en ces remarques, si on les veut appliquer au romancier ; car il n'a point à peindre des natures mortes, mais au contraire à faire mouvoir et vivre des hommes . Peut-être n'est-il pas moins importuné que le peintre par ces natures jugées et séparées, qui sont le gibier du politique . Et je soupçonne que le politique lui-même, celui qui recueille des éléments à combiner et à recomposer, a quelque chose de cet œil du peintre, qui ne juge point, qui voit seulement la forme telle qu'elle apparaît dans le moment . Seulement il la voit bien, et il la garde dans sa mémoire comme une matière pour toutes sortes d'usages . Et le romancier, à ce que je crois, encore bien plus . Des projets de l'homme, du passé, de l'étiquette, de l'homme enfin tel qu'il se présente, comme un huissier qui s'annoncerait lui-même, il ne veut rien savoir . Il observe et conserve, à ce qu'il me semble, la forme et le mouvement ; autre expression, elle-même inexprimable, mais qui a de l'avenir, qui se trouve ici à l'état naissant (étape d'un phénomène, instant précis où les liaisons chimiques entre les atomes ou les molécules d'un corps , de cette matière, sont rompues et sont instantanément réorganisées dans l'espace pour former un nouveau corps, une nouvelle matière, stable dans les nouvelles conditions du milieu , d'où la précision au début de la phrase suivante " il n'est point fini ", [rupture des liaisons ] " il commence ", [élaboration de nouvelles liaisons chimiques] ayant pour conséquence la présence de nouvelles substances gazeuses, liquides ou solides) , comme disent les chimistes, et qui peut entrer en combinaison . Un tel être a de l'avenir ; il n'est point fini ; il commence . Et c'est cet avenir réellement indéterminé qui fait la vie d'un personnage ; au lieu que, dans le romancier qui pense trop son homme, tout est défini dès le commencement ; et je sens qu'il me raconte une histoire déjà finie . L'idée a tué le personnage ."

Ce propos d'Alain mérite de profondes réflexions. Les commentaires ajoutés en mauve très clair et entre parenthèses par nous-mêmes précisent des points déterminants pour la compréhension de l'ensemble . Bien à vous, Gerboise .

dimanche 30 novembre 2008

Les leçons de choses



Apprendre les choses de ce monde
- concernant les éléments de la nature, de la géologie et les phénomènes physiques[température, pression ...] , ceux de la chimie minérale [composition, réactions dans la matière inerte] et enfin ceux qui touchent à la vie des êtres vivants, ceux de la biologie - fait acquérir, au départ à l'enfant, puis aux adolescents, aux adultes, des connaissances indispensables, d'une grande valeur éducative .

Que de phénomènes, que d'événements, que de merveilles, dans la nature s'offrent aux regards étonnés de l'enfant, de nous-même ! C'est la pluie bienfaisante qui ranime les plantes, revivifie tous les êtres du règne animal, c'est la chaleur accablante qui brûle tous les éléments du monde vivant et des roches. C'est la brise légère qui chante dans les ramures, c'est l'ouragan terrible qui glace d'effroi les hommes et tous les animaux ; c'est la montée incertaine de la fragile bulle de savon, c'est le vol puissant de l'avion ...

Pourquoi ?

Tel est le mot qui vient tout naturellement sur leurs lèvres . Ils veulent connaître la raison des phénomènes variés qui se produisent sous leurs yeux . Curiosité de bon aloi, à laquelle l'étude des sciences peut donner satisfaction . Et cette étude ne procure pas seulement , surtout à l'enfant élève, une joie intellectuelle, elle lui assure aussi un savoir pratique qui lui sera immédiatement et surtout plus tard de la plus grande utilité ; elle lui fait connaître, elle lui permettra d'être compétent pour dominer les moyens de se maintenir en bonne santé, lui apprend, lui permettra de s'imprégner des concepts qui précisent comment l'homme, - qu'il soit cultivateur ou artisan , philosophe ou ingénieur, - peut travailler, agir d'une manière fructueuse et accroître ainsi son bien-être matériel et intellectuel .

C'est par l'observation directe que le " Maître " initie l'enfant, l'adolescent, le futur adulte à l'enseignement des sciences matérielles et humaines . Il lui fait acquérir des connaissances qui, vraisemblablement, seront durables . Ce que l'on a entendu ou lu finit par s'oublier, mais ce que l'on a VU se fixe solidement dans l'esprit .

La faculté d'observation, cette lucidité indispensable !

L'enseignement donné surtout sous la forme de leçons de choses, nous permet d'apprendre aux novices, aux inexpérimentés, à faire " leurs premières armes ", à bien " voir ", c'est-à-dire à OBSERVER . Sans doute il leur fait acquérir bien des connaissances, mais on peut affirmer sans exagération qu'il vaut moins par les connaissances communiquées que par le développement de la faculté d'observation, cet art élevé, subtil, ineffable .

Combien il est utile pour l'enfant d'apprendre de bonne heure à observer !

Les choses extérieures , les êtres vivants et leurs niches écologiques , ainsi que, et surtout ses propres actions et productions .

Cela ne peut paraître (sembler, avoir l'air) de médiocre importance qu'aux esprits superficiels, insouciants ! Combien est-il de personnes qui " ont des yeux et ne voient pas ", et passent à peu près indifférentes à côté d'objets, de personnages, intéressants, remarquables, sur lesquels se portent leurs regards, sans doute, mais dont l'image s'évanouira bien vite dans leur esprit .
La forêt se pare au mois de Mai de feuilles verdoyantes, la prairie se revêt de gazon, de fleurs : le vent agite les fines branches de la végétation sur leur balcon, le soleil va et vient chaque jour avec son merveilleux éclat, et les nuages se mirent dans les beaux fleuves, mais beaucoup de personnes qui ont tout cela sous leurs yeux, elles ont aussi parfois, devant leur visage le regard de l'autre[!] , ne voient pas, ou, si elles les voient, elle les regardent comme une vache regarde " passer les trains " !

Le " Maître " ne peut tout enseigner . A un moment donné, l 'Enfant, une fois sorti de l'école, devra compléter par lui-même son savoir, s'il a contracté l'habitude d'observer au sens profond du terme, c'est-à-dire de lire dans le grand livre de la nature , et c'est cela qui lui sera le plus bénéfique . Le plus grand service que nous puissions lui rendre, c'est de lui apprendre à apprendre .

Développement et éducation des sens

Les leçons de choses contribuent à l'émancipation et à l'évolution des sens chez les enfants . Dans une leçon de choses, en effet, l'enfant " voit " les objets , et il ne les voit (sens de la vision) pas seulement : souvent aussi il les palpe (sens du tact) , il les soupèse (sens de l'équilibre) , il les sent (sens de l'odorat) , il juge de leur degré de sonorité (sens de l'audition) , goûte la substance dont ils sont formés ( sens de la gustation) ... Les sens sont perfectibles ; ils se développent par l'exercice et transmettent au cerveau des perceptions de plus en plus exactes et précises . Sans vouloir affirmer que toutes nos idées nous viennent des sens, il faut reconnaître que nos sens nous sont des auxiliaires indispensables en ce qui concerne l'acquisition des connaissances .

" Il suffit, pour juger de leur importance, de voir à quel misérable état est réduite l'intelligence des malheureux qui sont privés de plusieurs ou même d'un seul de leurs sens " .

Élaboration et développement de l'Esprit scientifique

Donner des leçons concernant les activités scientifiques à l'école primaire, toutes modestes qu'elles soient, exerce néanmoins une grande influence sur les esprits . Cet exercice indique la méthode à suivre pour arriver à la connaissance de la vérité, dont la recherche est toujours difficile .

" La vérité, dit Berthelot, s'acquiert et se constate par l'observation et l'expérience . Elle résulte uniquement de la connaissance des faits . C'est là une chose fondamentale que les éducateurs, les formateurs, doivent imprimer, imprégner, dans l'esprit des enfants d'une manière ineffaçable ? Il en résulte une habitude de sincérité absolue, fondée sur cette conviction que la vérité en tout ordre est indépendante de notre volonté et de nos désirs .
Celui qui essaie de tricher avec la vérité se trompe lui-même ... Et la science en même temps qu'elle nous apprend comment on peut découvrir la vérité, nous montre que cette recherche est difficile et sujette à défaillance ; elle nous enseigne la modestie . "

Elle pousse l'enfant à remonter des effets aux causes, c'est-à-dire de ce que l'on voit à ce que l'on ne voit pas . Il y a d'ailleurs en lui une tendance naturelle à procéder ainsi, mais qui demande à être fortifiée .

" Le premier gamin, qui, apercevant sur les feuilles d'une haie des traces suspectes, a eu l'idée de conclure à l'existence d'un nid, et de lever la tête pour l'apercevoir, a fait preuve d'esprit scientifique . "

L'enseignement des sciences fait prendre aussi aux enfants l'habitude de ne rien accepter sans contrôle, d'examiner toute chose avec attention, de passer tout raisonnement au crible de la raison ; il écarte le surnaturel et le miracle, affranchit l'intelligence des préjugés et des superstitions . En ce sens, on peut dire que l'étude des sciences élargit et élève la pensée et qu'elle est une étude libératrice de l'esprit .
Elle tend aussi à ancrer dans les jeunes cerveaux cette vérité scientifique que rien n'est immuable et que tout est soumis à la grande et fatale loi de l'évolution . Elle montre que si le progrès ne se produit lentement, il est néanmoins réel, et que même, depuis moins d'un siècle, le génie de l'homme a créé des merveilles qui excitent au plus haut point notre admiration et autorisent tous les espoirs .

" Les ambitions de la science grandissent, montent, rayonnent . Elle a supprimé les distances, elle a conquis l'air : où s'arrêtera-t-elle ? Les vieux rêves de l'alchimie renaissent de leurs cendres . A son souffle, la maladie, la misère reculent et s'éloignent . Déjà elle s'attaque à la vieillesse . Qui sait ? ..." [ L. Gérard-Varet, L'idolâtrie de la science et de l'esprit scientifique, Revue pédagogique, janvier 1913]

En même temps, cette étude apprend aux élèves à connaître et à vénérer les noms des hommes illustres qui ont créé la science .

Voici un ensemble de" Réflexions " qui nous permettrons d'avancer dans notre analyse de l'acquisition des connaissances . Nous les intégrerons progressivement dans les divers sujets de nos billets futurs .

A bientôt, bien à vous ,Gerboise .

samedi 29 novembre 2008

Premières clartés du matin : Pensée de Pierre Termier .

" Au fond, ce qui est primordial , indispensable, premier dans la vie, c'est de n'être jamais satisfait, ni de soi-même, ni de sa part de connaissance ; c'est de chercher toujours, de s'efforcer toujours et de monter toujours . "

(C'est , également, de savoir " se cultiver " une curiosité à toute épreuve !)

Il a jeté un levain dans la pâte , et a marqué les âmes de tous ses élèves et de tous ceux qui l'ont approché .
Il a tracé un sillage : à d'autres de le suivre !

Bien à vous, Gerboise .

vendredi 28 novembre 2008

Premières clartés du matin: Discours de Pierre Termier* au banquet du XIIIe Congrès Géologique International à Bruxelles en 1922 , adressé aux femmes

*) Pierre Termier : [1859-1930], Professeur de Géologie et de Minéralogie à l' École Supérieure des Mines de Paris ; Inspecteur Général du Corps des Mines ; Ancien élève de l' École Polytechnique, major de promotion 1880 ; membre de l'Académie des Sciences en 1909 .

Voici ce texte extraordinaire pour l'époque, grandiose, superbe, où les femmes sont magnifiées, idéalisées pour leur esprit et leurs actions , mais également pour leur personnalité, leurs rôles, leurs missions , leurs vocations, dans notre monde complexe , déjà à cette époque . Aujourd'hui, n'en est-il pas de même ? Dans tous ces contextes ingrats qui constituent notre vie et qui surviennent au fil de toutes les informations qui arrivent jusqu'à nous tous les jours, ne serait-il pas opportun de se rappeler toute la sagesse énoncée dans son discours " aux Dames " par ce grand savant dont sa vaste culture l'avait rendu apte à posséder le sens des réalités et qui savait " regarder les choses en face " ?

Pierre Termier lors de son allocution au banquet du XIIIe Congrès Géologique International à Bruxellles, au Bois de la Chambre, le 18 août 1922 . Toast aux dames, disait, confiait, clamait à toute la "Société " :

" Mesdames ,

C'est à vous, à vous seules, que je m'adresse . (N'en profitait-il pas pour interpeller, apostropher[interpeller brusquement, vivement, d'une façon indirecte, parfois mortifiante] en vue de faire prendre vraiment conscience à tous les " Hommes" de certaine de ses convictions ?)

La série est terminée, des toasts officiels, des congratulations (échanges de compliments ; on dit féliciter ou complimenter, sauf quand il y a une nuance de critique, d'ironie, de dérision ) réciproques . Nous avons fait le tour des patries . Avec vous, je vais rentrer dans l'humanité pure et simple, l'humanité sans acception de race ni de langue, l'humanité telle qu'elle existe depuis le commencement, depuis le miracle inimaginable qui l'a fait jaillir un jour - du Règne vivant ? peut-être ; du Règne inanimé ? je ne sais pas - et l'a jetée sur les chemins du monde ; car les frontières changent, les peuples émigrent et les langues se modifient ; mais, dans leur fond, depuis qu'ils passent sur la terre, les hommes et les femmes n'ont pas changé . Avec vous, je vais rentrer dans l'humanité sans épithète, dont vous êtes, Mesdames, la plus belle et, je crois bien aussi, la meilleure moitié . C'est à vous que je m'adresse .

D'abord, je vous remercie . Je vous remercie d'être venues nombreuses à ce Congrès . Vous ne sauriez croire à quel point votre présence nous était nécessaire . Certes, la Science est magnifique, et tout particulièrement notre Science : j'aurai passé une grande partie de ma vie à exalter sa splendeur . Il est cependant tout un vaste domaine où elle ne pénètre pas ; où, quand elle pénètre, elle demeure comme une étrangère : c'est le domaine de la tendresse . Les géologues sont des contemplatifs . Or, tout contemplatif est un tendre, parce que, dans la profondeur, il n'y a pas de différence entre la Vérité cherchée pour elle-même et l'Amour . La soif de la vérité est une passion d'amour . Les géologues ont donc besoin de vous, qui êtes des êtres de tendresse . Pour quelques-uns d'entre nous, les privilégiés, vous avez été, durant ces jours de travail, la famille même, la famille transplantée et prolongée, l'épouse, la soeur ou la fille . Aux autres, votre simple passage dans nos groupes, le son de votre voix, la fraîcheur de votre rire, ont rappelé la famille absente, les amours lointaines, les joies lointaines, lointaines dans l'espace et que l'on va retrouver bientôt, ou lointaines dans le temps, hélas ! et que l'on ne retrouvera plus jamais ; et, même dans ce dernier cas, le rappel dont je parle n'allait pas sans grande douceur . Il y a d'autres choses encore que votre présence nous a apportées : c'est, dans nos préoccupations et discussions scientifiques, une note plus humaine ; c'est le souci, plus vif, d'expliquer nos idées en un langage simple et clair ; c'est le sentiment que la Géologie n'est pas tout, au monde ; que d'autres domaines existent, non moins beaux, et que, si la vie est faite pour connaître, elle est faite aussi pour aimer ; c'est, enfin, ce je ne sais quoi, qui est vous-mêmes, Mesdames, et que je trouve défini dans ce vers d'un de nos poètes :

Harmonie et parfum, charme, grâce, lumière .

Pour tout cela, je vous remercie .
Ensuite, je vous salue, au nom des géologues ici présents, au nom de tous les géologues du monde, frères de ceux-ci . Et je vous apporte de leur part des cadeaux magnifiques, des continents entiers, et des guirlandes d'îles . Voulez-vous des couronnes, pour ceindre vos têtes ? En voici trois, toutes prêtes, de dimensions et d'ancienneté bien inégales, que nous appelons des chaînes : chaîne calédonienne, chaîne hercynienne, chaîne alpine ; et, pour peu que vous le désiriez, nous saurons les tresser ensemble et en faire un tapis merveilleux, qui s'appellera l'Eurasie et que nous étendrons sous vos pieds . Voulez-vous des joyaux qui étincellent ? Rien n'est trop beau pour vous : voici les lacs de nos montagnes, plus bleus que le saphir ; et les neiges de nos régions polaires, plus éblouissantes que le diamant ; et les dunes de nos déserts, plus brûlées que la topaze ; et les laves ardentes de nos volcans, plus rouges que le rubis . Voulez-vous une ceinture, qui laisse bien loin derrière elle celle que portait Cléopâtre ? Voici la " Ceinture de feu du Pacifique " . Et pour charmer vos yeux et vos oreilles, voici le long déroulement des rivages où la mer se brise, et le bruit des vagues sur la côte, et la chanson du vent dans la forêt endormie .

Voulez-vous plus encore ?

Nous ferons sous vos yeux défiler la Vie, depuis les temps fabuleux jusqu'à nos jours : armée innombrable, sans cesse grossie de colonnes nouvelles, sans cesse décimées par des ennemis invisibles ; armée qui se transforme suivant une discipline précise, et qui va, sans une hésitation, sans un regard en arrière, vers des destinées inconnues .

Il n'y a pas de spectacle comparable .

En un mot, nous vous offrons la Terre entière ! c'est un présent digne de vous .

La Terre !

Je l'ai souvent regardée comme une très belle princesse, c'est-à-dire comme une de vos soeurs ;
Elle est toute pleine d'énigmes ; mais la Femme aussi est indiciblement énigmatique . La terre est , comme vous, " maternelle et douce " ; elle est secourable au blessé qui tombe, au chemineau qui n'en peut plus de fatigue, au moribond qui va s'endormir du grand sommeil . Elle aime, comme vous, à changer de vêtement et de parure, suivant la saison, et même suivant l'heure du jour ; elle a, comme vous, le goût des étoffes somptueuses et légères, des écharpes à fleurs . Elle fut le jardin fermé, le jardin paradisiaque par lequel la Femme était exactement préfigurée . Il y a entre la Terre et vous, bien des affinités mystérieuses . Oui, en vérité, c'est un présent digne de vous .

Enfin, je bois à vous, Mesdames, accomplissant ainsi le rite auguste de la libation, par lequel tout banquet doit finir, par lequel tout banquet prend la grandeur et la solennité d'un sacrifice .Italique Je bois à vous, à votre santé, c'est sûr, et au bonheur des êtres qui vous sont chers . Mais , beaucoup plus encore, je bois au développement de votre influence bienfaisante sur l'humanité .

LA SOCIÉTÉ FUTURE SERA CE QUE SERA LA FEMME .

Dans vos mains, si frêles en apparence,

Belles petites mains qui fermerez nos yeux !

Dans vos mains, vous tenez le sort de l'humanité entière . Je souhaite que vous compreniez de mieux en mieux votre rôle . Il n'est pas d'être la rivale de l'homme . Il est d'être la dispensatrice des joies, la confortatrice dans le travail, la consolatrice dans la douleur, et, dans la mesure du possible, la génératrice et l'éducatrice d'hommes nouveaux . Telle est la signification de mon toast ; telle est sa portée, immense ; tel est le souhait que je forme quand je lève mon verre, en votre honneur, Mesdames ! "

Gerboise vous laisse méditer ce texte extraordinaire . Nous reparlerons de l'auteur, lorsqu'il nous parlera de "La joie de connaître " . Bien à vous .

mardi 18 novembre 2008

Premières clartés du matin: Il y a des vérités pas toujours bonnes à dire à tout le monde, c'est ici que l'esprit critique est utile et indispensable

" Peu d'êtres savent voir les choses comme elles sont . Les uns aperçoivent seulement ce qu'ils veulent voir, les autres ce qu'on leur fait voir ."


" Les vérités scientifiques s'établissent facilement parce qu'elles s'adressent à l'intelligence . Les vérités économiques, se heurtant à des sentiments et à des illusions sociales, ne s'imposent qu'après de désastreuses expériences ..."

" Les énergies invisibles qui mènent le monde sont comparables à l'électricité, force de nature ignorée, connue seulement pour les résultats visibles qu'elle produit ."

Docteur Gustave Le Bon, Aphorismes du temps présent [1913] Incertitudes de l'heure présente [1924] .

Bien à vous, Gerboise .

vendredi 14 novembre 2008

Histoire de la langue et de la littérature françaises : 14 - Survol de la deuxième période du XIXe siècle , La poésie et le théâtre [*] .

[*] suite du n° 13 du 10 Novembre 2008

De personnelle la poésie tend à devenir impersonnelle . Les sujets ne sont plus les exaltations du moi, mais les formes de la vie extérieure .

Victor Hugo, dans sa seconde manière, humanitaire et démocratique, publie les Châtiments, satire passionnée de l'Empire ; la Légende des Siècles qui représente l'histoire de l'humanité, contée en tableaux épiques ; les Contemplations, les Chansons des rues et des bois, l' Année terrible, l'Art d'être grand-père, les Quatre vents de l'esprit . Sa poésie s'élargit en symboles et en mythes ; son art reste aussi puissant .

*) La suite de Victor Hugo :

Le romantisme s'achève dans la virtuosité rythmique de Banville, l'art laborieux et sensuel de Baudelaire, les intentions moralisatrices de de Laprade . Une école nouvelle apparaît, l'école Parnassienne, qui prend pour principe l'impassibilité de l'auteur . Le chef en fut Leconte de Lisle qui dans ses vers érudits, mais pleins et sonores, essaya de restituer l'âme des religions et des mythologies passées . Il est pessimiste, comme l'est Sully-Prudhomme qui s'inspire de la science et de la philosophie, poète ému de la résignation et du sacrifice . De Hérédia réalise dans ses Sonnets d'une forme si parfaite la théorie de l'art pour l'art . Manuel et Coppée chantent avec une tendresse contenue la vie des humbles .
De nouvelles écoles surgissent, les Décadents et les symbolistes, parmi lesquels se distinguent Verlaine et Henri de Régnier . Avec ces écrivains la poésie reste un travail d'artiste et perd tout contact avec le peuple .

**) Le théâtre :

Le mouvement réaliste a favorisé la comédie, dont la matière est l'observation des hommes et des moeurs .
Le vaudeville et sa fantaisie bouffonne font la réputation de Labiche ; le livret d'opérette, celle de Meilhac et Halévy . La comédie moyenne est représentée par Augier et Dumas fils .

Emile Augier (1820-1889) est surtout remarquable par ses pièces en prose, entre lesquelles il faut retenir Le Gendre de M. Poirier, les Lionnes pauvres, Maître Guérin . Dans un style ferme et net, avec un grand accent de sincérité, il met à la scène les misères et les vices de la société bourgeoise .

A. Dumas fils (1824-1895) est avant tout moraliste . Ses pièces sont des pièces à thèses contre les préjugés du temps . Un habile agencement scénique, la logique serrée des situations, un dialogue étincelant d'esprit, une observation pénétrante retiennent l'attention du lecteur comme du spectateur .
A côté d'eux Sardou obtint un grand succès par ses pièces où il rivalise avec Scribe d'ingéniosité et d'adresse dans les effets de théâtre .
Le goût du drame ne s'éteint pas, et l'on fait fête au talent de Jean Richepin, à la fantaisie sentimentale du Cyrano de Rostand .
Une tentative de réaction contre les artifices dramatiques, le théâtre libre, a orienté les auteurs contemporains vers une recherche plus serrée de la vérité . Les Becque, les de Curel , les Donnay, les Hervieu, les Bataille donnent une impression de vie intense et sincère, mais l'étude fréquente de cas particuliers entraîne le drame hors du naturel et de le vérité commune .

L' habitude .

" L'habitude est une étrangère
Qui supplante en nous la raison ;
C'est une ancienne ménagère
Qui s'installe dans la maison .

Elle est discrète, humble, fidèle,
Familière avec tous les coins,
On ne s'occupe jamais d'elle,
Car elle a d'invisibles soins :

Elle conduit les pieds de l'homme,
Sait le chemin qu'il eût choisi,
Connaît son but sans qu'il le nomme
Et lui dit tout bas : "Par ici "

Travaillant pour nous en silence,
D'un geste sûr, toujours pareil,
Elle a l'oeil de la vigilance,
Les lèvres douces du sommeil ;

Mais imprudent qui s'abandonne
A son joug une fois porté !
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté ;

Et tous ceux que sa force obscure
A gagnés insensiblement,
Sont des hommes par la figure,
Des choses par le mouvement ."

Sully Prudhomme, Stances et poèmes , A. Lemerre, éditeur .

Cette description de l'habitude sous les traits d'une vieille servante tyrannique est un modèle de poésie symbolique et philosophique . L'auteur veut étudier des états d'âme et en tirer une leçon morale . Il le fait avec une rare pénétration, une sensibilité discrète, une justesse d'analyse qui donnent à ce tableau de la vie intérieure autant de profondeur que de charme .
La perfection de la strophe, et la netteté d'expression sont les qualités dominantes de cet art à la fois puissant et sobre qui s'adresse à la pensée plus qu'à l'imagination . Une émotion intellectuelle se dégage de ces notations exactes qui transposent les idées en faits visibles .

Bien à vous, Gerboise .

jeudi 13 novembre 2008

Premières clartés du matin : une certaine maîtrise de l'observation et de ses conséquences .

" La Terre étant immobile (* ) , l'humide qui l'environne,
vaporisé par les rayons du Soleil ...,
se porte vers le haut . Mais quand la chaleur,
qui l'élevait, vient à lui manquer, ...
alors la vapeur refroidie tant par le défaut de chaleur
que par la nature du lieu,
se condense de nouveau, et d'air devient eau .
Et l'eau, une fois formée, se porte derechef (** ) vers la Terre ."

Aristote, Les Météorologiques I . 9

*) la Terre étant immobile ! en ces temps-là : Aristote, [~ -384 à ~ -322], cette contre-vérité ne diminue pas la sagacité (pénétration, perspicacité) et la réflexion de ce penseur . Ses observations et ses interprétations sont d'un réalisme qui doit nous laisser admiratif !

**) derechef : de nouveau, une seconde fois, encore une fois .

Prévoir les phénomènes atmosphériques, le temps, est depuis toujours l'ambition des hommes . Aristote y prétendait . Le nombre immense des dictons (sentences [décisions d'un juge, d'un arbitre] passées en proverbe) , adages (maximes pratiques ou juridiques, anciennes et populaires) , proverbes (vérités d'expérience, ou conseils de sagesse pratique, exprimées en une phrase généralement imagée) , contradictoires et ambigus, mais parfois pertinents, témoigne du bien fondé et de l'ubiquité de ce désir .

Bien à vous, Gerboise .