lundi 3 mars 2008

De la Biologie à la culture de Jacques RUFFIÉ .


Voici un peu plus d'un quart de siècle que cet " érudit " (également auteur du Traité du Vivant en 1982 aux Éditions Fayard) nous avait présenté ce livre d'une richesse incroyable, réédité en deux volumes dans la collection " Champs" Scientifique (n° 128) par les Éditions Flammarion .


Nous vous présentons quelques passages de cet ouvrage dont il faut absolument prendre connaissance car il vous apportera un ensemble de connaissances inappréciables .


"LA MÉCANIQUE ÉVOLUTIVE


Qui pourrait embrasser (comprendre et faire sien) d'un seul regard l'ensemble des espèces existant ou ayant existé aurait devant lui le spectacle le plus émouvant (pathétique) que l'esprit humain puisse concevoir (se représenter) : l'histoire même de la vie .Cette histoire est aujourd'hui à peu près reconstituée, bien que l'apparition de nouveaux groupes, étant souvent le fait d'un petit nombre d'individus, n'ait pas toujours laissé suffisamment de traces dans les couches géologiques (fossiles). Or , ces " groupes charnières " seraient, pour l'évolutionniste, plus signifiants . Le zoologiste est en présence d'un texte dont un certain nombre de mots ou de phrases ont été perdus . Il doit le reconstituer à partir de ceux qui nous restent . Cette méthode, légitime, oblige à raisonner souvent par analogie .


LE FIXISME TRADITIONNEL


Pendant toute l' Antiquité et jusqu'au Moyen Âge, connaissance objective et croyances religieuses étaient confondues . Aucun fait expérimental ne pouvait par définition, aller à l'encontre d'une vérité révélée . La conception du monde reposait sur le créationnisme et le fixisme (...)


(...) LA VIE DANS L'ESPACE : VARIÉTÉ ET UBIQUITÉ DU VIVANT


Le monde vivant est d'une grande variété . La vie a tout envahi , occupé, conquit, submergé, au cours des âges et il n'existe presque pas de milieu qui ne possède, sous une forme ou une autre, sa flore et sa faune particulières . Bien rares sont, sur notre terre, les" zones abiotiques " (sans aucune trace d'êtres vivants ni de produits solides, liquides et/ou gazeux résultant de leur activité et donc de leurs productions en relation avec leur métabolisme : azoïques) , entendez totalement inhabitées (il est nécessaire de prendre en considération les reprises, lors de phases d'érosions et de nouvelles phases de sédimentations, des matériaux exogènes, venus d'ailleurs apportés par le ruissellement des eaux) .
La vie occupe les milieux les plus divers, parfois les plus inattendus : les plus hautes montagnes comme les océans les plus profonds, les déserts les plus arides comme les cavernes (les plus humides) et les plus obscures . Elle a même colonisé le vivant : il n'est guère d'espèce qui ne porte son lot de parasites (bactéries, virus) .



Cette grande variété n'a rien d'anarchique (désordonné, sans règles, confus, chaotique) . Chaque type d'environnement présente ses contraintes (ses exigences) . Le vivant n'a pu peupler des milieux aussi différents qu'au prix d'ajustements appelés adaptations (processus par lequel un être vivant se transforme pour s'acclimater au milieu qui lui est imposé) . Les formes aériennes, quel que soit leur groupe [ insectes, reptiles volants, oiseaux, mammifères chiroptères] , ont toujours des ailes et beaucoup de formes aquatiques [ poissons, mammifères cétacés et siréniens] sont pourvus de nageoires . Cette " logique de l'adaptation " s'impose à l'observateur le moins averti . A des milieux très variés correspondent des formes très variées : l'animal de haute altitude possède un certain nombre de caractères qui lui permettent de vivre et de se perpétuer dans des conditions sévères . Ces caractères ne sont pas les mêmes que ceux de l'animal du désert (...)


(...) LA MÉCANIQUE ÉVOLUTIVE


Le monde vivant est d'une extrême richesse . Les espèces qui nous entourent sont multiples . Mais leur répartition dans l'espace et dans le temps révèle une certaine hiérarchie . Toutes ne sont pas arrivées au même moment ; elles sont apparues (elles se sont manifestées dans les milieux géologiques observés par les géologues paléontologistes) de façon successive selon un certain ordre qui va des plus simples aux plus complexes . Cette tendance observée dans tous les groupes implique la notion d'évolution (transformisme) . Les espèces actuelles sont dérivées d'autres espèces, le plus souvent disparues . Des formes voisines ont presque toujours des ancêtres communs ; elles s'en sont séparées en se diversifiant . Alors, plus on remonte dans le temps, plus l'ancêtre commun possède une descendance large et variée . L'évolution prend l'allure d'un arbre (ramifié) aux branches sans fin dichotomisées (mode de division par deux) . Si tous les biologistes sont aujourd'hui d'accord sur la réalité de l'évolution, ils discutent encore sur son mécanisme (...)


AVANT-PROPOS


Depuis son origine, l'humanité a connu d'innombrables crises (disparitions brutales de "chaînons" , évolutions du mode de vie ...) . Mais par son ampleur et la manière dont nous la ressentons, celle que nous traversons n'a pas de précédent .


Jamais les hommes n'ont eu autant conscience tout à la fois de leur puissance et de leur fragilité . Qui ne sent aujourd'hui que tout peut-être remis en cause, jusqu'à l'existence même de la vie sur le globe ?


Aucune des structures ( dans l'esprit des gens ! ou réellement !) qui assuraient hier l'équilibre, la pérennité (la continuité) et la quiétude(sérénité, bien-être) de nos sociétés ne semble plus capable de jouer ce rôle . Le malaise est partout (surtout dans l'entendement des pessimistes et celui des provocateurs de toutes sortes ...) . Devant ce déséquilibre, bien des esprits restent confondus (déconcertés, désarçonnés) . Philosophies ou religions qui, des millénaires durant, ont apporté une réponse aux préoccupations humaines, se révèlent inefficaces, voire impuissantes . De moins en moins suivies (sauf certaines !) , (presque !) toutes sont de plus en plus contestées . Au milieu de ces contradictions, beaucoup de nos contemporains se tournent vers la biologie - dernier continent mal connu - pour tenter d'y trouver la réponse aux problèmes de l'heure .


Les découvertes dans le domaine des sciences de la vie, depuis plus d'un siècle, ont certes été considérables (ce terme n'est pas exagéré et correspond à la réalité) . Et dès après Darwin (Charles, Naturaliste anglais, 1809-1882) , on s'est souvent demandé dans quelle mesure elles éclairaient " le fait humain " . Les publications consacrées à l'apparition de l'homme et au phénomène évolutif ne se comptent plus . Mais entre l' Origine des Espèces ,(de Darwin) , paru en 1859, et le Hasard et la Nécessité ,( de Monod Jacques, Biochimiste français, Prix Nobel de Médecine, 1965, avec F. Jacob et A. Lwoff) , publié en 1970, on note en vérité peu de notions nouvelles ( en 1976) ; la science de l'évolution n'innove pas tous les jours . De façon permanente, elle soufre de deux faiblesses .


En premier lieu, la plupart des études se réclament du schéma sélectif [dit aujourd'hui schéma néodarwinien ou théorie synthétique de l'évolution] qui, surtout dans les pays anglo-saxons, fut longtemps considéré comme un dogme intangible (croyance, doctrine, conviction inviolable, sacrée) . Sa justification fut peu à peu perdue de vue, et il a fini par être accepté comme une vérité métaphysique (abstrait) . Bien que, au fur et à mesure que les découvertes se succédaient, le schéma darwinien, au moins dans sa formulation traditionnelle, soit devenu de plus en plus difficile à soutenir, ceux qui y portaient atteinte étaient considérés comme des ignorants ou des hérétiques (déviationnistes, non-conformistes) .

La seconde faiblesse tient à la fragmentation même de la connaissance . Chacun a tenté de suivre le schéma évolutif selon les voies de sa propre discipline (spécialité scientifique). Zoologistes, généticiens et, plus récemment, mathématiciens, lui ont appliqué leurs propre formules, en ignorant presque toujours celles des autres (voici un des drames très fréquents , un état d'esprit dont les jeunes chercheurs doivent se "débarrasser" rapidement dès le début de leur carrière ; cette réflexion est générale pour tout " honnête homme " qui désire accéder au Savoir et à une Réflexion de qualité et à toute activité de recherche) . Ils ont fini par briser l'unité du modèle . Les premiers en revenaient aux théories instructives [néolamarckisme ] , (néo = nouveau, Lamarck : naturaliste français, 1744-1829), les seconds, dans la majorité des cas, au schéma darwinien, alors que les troisièmes adoptaient une conception stochastique (qui est le fruit du hasard) du processus évolutif [théorie dite neutraliste ou kimurienne] . Or, le processus responsable de l'évolution est bien plus complexe . Le seul moyen de le rendre intelligible est de l'aborder par plusieurs voies, puis de confronter les résultats ( il en est ainsi pour tout accès à la connaissance) . C'est à ce prix que l'on peut entrevoir (pressentir, distinguer) les liaisons entre le biologique et le socio-culturel ."

Nous réexaminerons ce livre en vue de discuter des conséquences de ces données de la biologie, présentées par Jacques Ruffié , sur l'acquisition de la Culture , par l' Humanité , au sens large du terme .

Bien à vous, Gerboise .



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