vendredi 14 novembre 2008

Histoire de la langue et de la littérature françaises : 14 - Survol de la deuxième période du XIXe siècle , La poésie et le théâtre [*] .

[*] suite du n° 13 du 10 Novembre 2008

De personnelle la poésie tend à devenir impersonnelle . Les sujets ne sont plus les exaltations du moi, mais les formes de la vie extérieure .

Victor Hugo, dans sa seconde manière, humanitaire et démocratique, publie les Châtiments, satire passionnée de l'Empire ; la Légende des Siècles qui représente l'histoire de l'humanité, contée en tableaux épiques ; les Contemplations, les Chansons des rues et des bois, l' Année terrible, l'Art d'être grand-père, les Quatre vents de l'esprit . Sa poésie s'élargit en symboles et en mythes ; son art reste aussi puissant .

*) La suite de Victor Hugo :

Le romantisme s'achève dans la virtuosité rythmique de Banville, l'art laborieux et sensuel de Baudelaire, les intentions moralisatrices de de Laprade . Une école nouvelle apparaît, l'école Parnassienne, qui prend pour principe l'impassibilité de l'auteur . Le chef en fut Leconte de Lisle qui dans ses vers érudits, mais pleins et sonores, essaya de restituer l'âme des religions et des mythologies passées . Il est pessimiste, comme l'est Sully-Prudhomme qui s'inspire de la science et de la philosophie, poète ému de la résignation et du sacrifice . De Hérédia réalise dans ses Sonnets d'une forme si parfaite la théorie de l'art pour l'art . Manuel et Coppée chantent avec une tendresse contenue la vie des humbles .
De nouvelles écoles surgissent, les Décadents et les symbolistes, parmi lesquels se distinguent Verlaine et Henri de Régnier . Avec ces écrivains la poésie reste un travail d'artiste et perd tout contact avec le peuple .

**) Le théâtre :

Le mouvement réaliste a favorisé la comédie, dont la matière est l'observation des hommes et des moeurs .
Le vaudeville et sa fantaisie bouffonne font la réputation de Labiche ; le livret d'opérette, celle de Meilhac et Halévy . La comédie moyenne est représentée par Augier et Dumas fils .

Emile Augier (1820-1889) est surtout remarquable par ses pièces en prose, entre lesquelles il faut retenir Le Gendre de M. Poirier, les Lionnes pauvres, Maître Guérin . Dans un style ferme et net, avec un grand accent de sincérité, il met à la scène les misères et les vices de la société bourgeoise .

A. Dumas fils (1824-1895) est avant tout moraliste . Ses pièces sont des pièces à thèses contre les préjugés du temps . Un habile agencement scénique, la logique serrée des situations, un dialogue étincelant d'esprit, une observation pénétrante retiennent l'attention du lecteur comme du spectateur .
A côté d'eux Sardou obtint un grand succès par ses pièces où il rivalise avec Scribe d'ingéniosité et d'adresse dans les effets de théâtre .
Le goût du drame ne s'éteint pas, et l'on fait fête au talent de Jean Richepin, à la fantaisie sentimentale du Cyrano de Rostand .
Une tentative de réaction contre les artifices dramatiques, le théâtre libre, a orienté les auteurs contemporains vers une recherche plus serrée de la vérité . Les Becque, les de Curel , les Donnay, les Hervieu, les Bataille donnent une impression de vie intense et sincère, mais l'étude fréquente de cas particuliers entraîne le drame hors du naturel et de le vérité commune .

L' habitude .

" L'habitude est une étrangère
Qui supplante en nous la raison ;
C'est une ancienne ménagère
Qui s'installe dans la maison .

Elle est discrète, humble, fidèle,
Familière avec tous les coins,
On ne s'occupe jamais d'elle,
Car elle a d'invisibles soins :

Elle conduit les pieds de l'homme,
Sait le chemin qu'il eût choisi,
Connaît son but sans qu'il le nomme
Et lui dit tout bas : "Par ici "

Travaillant pour nous en silence,
D'un geste sûr, toujours pareil,
Elle a l'oeil de la vigilance,
Les lèvres douces du sommeil ;

Mais imprudent qui s'abandonne
A son joug une fois porté !
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté ;

Et tous ceux que sa force obscure
A gagnés insensiblement,
Sont des hommes par la figure,
Des choses par le mouvement ."

Sully Prudhomme, Stances et poèmes , A. Lemerre, éditeur .

Cette description de l'habitude sous les traits d'une vieille servante tyrannique est un modèle de poésie symbolique et philosophique . L'auteur veut étudier des états d'âme et en tirer une leçon morale . Il le fait avec une rare pénétration, une sensibilité discrète, une justesse d'analyse qui donnent à ce tableau de la vie intérieure autant de profondeur que de charme .
La perfection de la strophe, et la netteté d'expression sont les qualités dominantes de cet art à la fois puissant et sobre qui s'adresse à la pensée plus qu'à l'imagination . Une émotion intellectuelle se dégage de ces notations exactes qui transposent les idées en faits visibles .

Bien à vous, Gerboise .

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