lundi 21 décembre 2009

Réflexions sur les "Bourreurs de crâne"pour qui la notion de "Doute"est absente de leur esprit,de leur dessein,de leur morale.Seule la bêtise y sévit*


Première partie
.

* ,fait rage, se déchaîne ...

" Bourrage de crâne " : L'image est : garnir par la force l'esprit d'idées ; c'est un synonyme pittoresque de " propagande intensive[ et trompeuse] " ; c'est une sorte d'endoctrinement, c'est-à-dire une action comme chercher à gagner quelqu'un, une foule, un peuple, à une opinion . Il s'agit d'endoctriner, donner une croyance, une opinion toute faite, implique dogmatisme chez celui qui enseigne, qui manipule, et absence d'esprit critique chez celui qui apprend, qui reçoit .

Gerboise aimerait vous faire prendre conscience, analyser pour vous tous les aspects d'un phénomène pernicieux (nuisible moralement) , dans le but d' éveiller votre esprit critique . Nous aimerions attirer votre attention sur un exemple didactique (qui vise à instruire) de désinformation qui sévit actuellement et dont le " matraquage " médiatique généralisé ne fait pas honneur à l'esprit scientifique des habitants de notre " douce France " . Cet esprit scientifique qui devrait en toute circonstance régner et nous permettre, si nous le faisions notre, d'être capable de " jauger " ces soi-disant faits [ et d'autres valeurs très importantes pour accéder à la réalité ] qui nous sont systématiquement dissimulés, escamotés, soustraits à notre réflexion . Il sera nécessaire de reconsidérer , remettre en question, minutieusement, tous les "on-dit " que l'on nous propose .

C'est pour ces raisons, que nous allons vous présenter, dans une série d'articles que nous vous proposerons sur ce thème ,commencer par le rôle des passions dans cette action néfaste qu'est la manipulation, en vous dressant les portraits des endoctrineurs, mais également des endoctrinés que nous sommes parfois nous-mêmes , malheureusement ! La bêtise, quelquefois la naïveté, l'ignorance, se substituent à la subtilité, à l'intelligence, à l'esprit critique ...! , au bon sens ; il s'agit d'un manque de jugement, de savoir ; la bêtise est dans tout ce qui provient de l'ignorance, d'un esprit sans portée, d'une intelligence sans lumière, et même parfois d'une intelligence distraite ou mal informée de certaines choses .

Revenons à l'endoctrinement, dans tous les cas où il sévit, nous pouvons constater, en effet, qu'une violence est faite à l'individu et qu'elle a pour but de le contraindre à croire .

L'endoctrinement, sous toutes ses formes, est répression de la pensée .

Et si l'enseignement s'en distingue, c'est bien parce qu'il a pour intention, pour finalité, pour dénouement, la pensée intime, profonde de chacun .

La pensée, c'est-à-dire le pouvoir d'examiner, de comprendre, de juger .

Une pensée avant d'être vraiment elle-même,personnelle, doit-être mise en question active, doit être libre et méthodique .
La compréhension elle-même n'est pas étrangère à l'endoctrinement, car il est impossible de croire sans rien comprendre à ce que l'on croit . Il est nécessaire de donner des raisons à ceux qu'on endoctrine, qu'on veut subjuguer [embobiner !] , mais des raisons unilatérales [des arguments d'avocats !] de telle sorte que [la victime], les victimes,...les foules ...! deviennent complices . La raison est alors une arme, un moyen fallacieux, perfide, trompeur,au service d'une passion, d'un esprit manipulateur .

Comprendre, au contraire, implique le pouvoir non seulement d'abstraire, mais de s'abstraire de son propre point de vue .

Quant au jugement, il est précisément ce que l'endoctrinement supprime, le remplaçant par le pré-jugé , qui est encore un jugement, sans doute, mais monté d'avance, préfabriqué .

Si le but de l'enseignement, de l'information ,devrait être la formation du jugement vrai, son premier soin serait de former le vrai jugement, c'est-à-dire la pensée personnelle, sans laquelle la vérité ne signifie rien ; en ce sens, une erreur qui provient de l'élève ,et/ou de tout être humain quel qu'il soit, est pédagogiquement préférable à des vérités, que ces personnes, reproduisent sans les comprendre .
Le vrai jugement, cette capacité de décider par soi-même, est la condition première du discernement authentique .
Ce dernier jugement objectif implique à la fois l'examen et la compréhension de son objet ; juger vraiment, c'est se déterminer par la chose minutieusement définie, en faisant taire ses propres passions ; c'est se demander à chaque instant, pour chaque entité, ce qu'en penserait n'importe quel esprit impartial ; ce serait de se décider non pas en individu, mais en homme, en citoyen averti,humainement, personnellement et socialement responsable .
Toutefois, si l'on doit juger, c'est-à-dire décider, c'est qu'on ne comprend pas tout .

Juger revient donc à prendre un risque, mais librement, en toute connaissance de cause .

Lucidité et liberté, telles sont donc les conditions du vrai jugement, celles précisément que détruit l'endoctrinement, en remplaçant l'acte de juger par le déjà jugé, la responsabilité par la dépendance, le risque par le dogme .

Examiner, comprendre, juger, voilà précisément ce que personne ne peut faire à ma place .

C'est pourquoi l'honnête homme qui a l'intention de créer une réflexion de haute qualité chez quiconque, ne s'indigne pas quand ses interlocuteurs ne pensent pas comme lui : n'est-ce pas la preuve qu'ils pensent ?

L'endoctrinement est donc la répression de la pensée .

Nous poursuivrons cet examen dans un prochain billet dans lequel nous prendrons en compte le rôle des passions dans l'endoctrinement. Nous présenterons également les portraits réalistes des endoctrineurs et des endoctrinés et les conséquences de leurs comportements.

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

samedi 19 décembre 2009

MONTESQUIEU, L'Esprit des Lois.Apports des états d'âme,des réflexions de ce grand penseur qui vont nous permettre de comprendre nos contextes actuels

.

L'Esprit des Lois fut publié en 1748 .

Ce qui s'offre à nous sous ce titre, c'est tout Montesquieu, toutes ses connaissances et toutes ses idées, historiques, économiques, politiques, religieuses, sociales, à propos d'une étude comparative de toutes les législations .

L'Esprit des Lois est pour Montesquieu ce que les Essais sont pour Montaigne : toute la différence est que l'étude de Montaigne, c'est l'homme moral et les ressorts spirituels ; celle de Montesquieu, l'homme social et la mécanique législative .

Chacun cause à perte de vue sur son sujet .

" Ce grand livre, dit Émile Faguet, 1847-1916, Critique français, est moins un livre qu'une existence ... Il y a là non seulement vingt ans de travail, mais véritablement une vie intellectuelle toute entière ... "

Montesquieu est un esprit actif qui a toujours étudié, qui, par suite, s'est élargi, enrichi, mais aussi modifié, qui a découvert des point de vue nouveaux, changé son orientation : sa vie intellectuelle comprend plusieurs périodes distinctes . Chacune de ces périodes a laissé son dépôt dans l'Esprit des Lois ; des pensées hétérogènes, qui appartiennent à des états d'esprit différents, y forment comme des couches superposées, et d'autres fois se pénètrent, s'enchevêtrent, s'amalgament . De là la peine qu'on éprouve toujours à prendre une vue d'ensemble de l'Esprit des Lois .

Montesquieu part des idées simples ; il pose d'abord des définitions a priori ; il étudie les diverses formes de gouvernement dans l'abstrait et les fonctions fondamentales du gouvernement dans leur essence, abstraction faite du temps et du lieu ; puis il introduit la notion de l'espace, et il analyse les effets que la position dans l'espace peut avoir pour les sociétés [climat, terrain, commerce, religion, etc.] . Puis il pose la notion de temps, et dans les derniers livres, il développe quelques exemples de la variation des lois, de leur évolution historique dans un même pays . Il y a aussi, à la fin de l'ouvrage, un livre destiné à éclairer l'application, le passage de la théorie à la pratique .

Abordons les origines des parties essentielles et solides de l'ouvrage . Pendant les dix ans qu'il garda son office de magistrat, Montesquieu se dégoûta du métier de juge, et s'intéressa à la science du droit . La procédure et les formes, les procès particuliers l'ennuyèrent, les principes généraux et les sources historiques du droit captivèrent son attention .

L'idée première des recherches qui occupèrent une bonne partie de sa vie vint de là, et la forme définitive de son esprit en resta déterminée : Montesquieu sera toujours un juriste ; toutes ses idées historiques, ses vues politiques, ses conceptions philosophiques revêtirent des formes juridiques . L'Esprit des Lois se terminera par cinq livres qui sont une œuvre rigoureusement technique d'érudition juridique ; ce sont, dit le titre, " des recherches nouvelles sur les lois romaines touchant les successions, sur les lois françaises et sur les lois féodales " , qui sont comme le fragment et le début d'une étude d'ensemble sur les origines de la législation française .

Nous quittons ici tout à fait le point de vue politique et philosophique ; et nous n'avons plus devant nous qu'un professeur de droit .

En 1716 et dans les années suivantes, Montesquieu se laisse gagner au goût des sciences physiques et naturelles . On savait qu'il avait communiqué à l' Académie des sciences, lettres et arts de Bordeaux des recherches sur les causes de l'écho, et sur l'usage des glandes rénales . Mais, sans la récente publication de quelques opuscules inédits, on ne verrait pas bien l'importance réelle de cette période scientifique de la vie de Montesquieu ; on ne se douterait pas de l'absolue domination possédée pendant un temps sur son intelligence par l'esprit et les principes des sciences physiques et qu'une sorte de déterminisme naturaliste a précédé chez lui le mécanisme sociologique .

Qu'on lise en effet les Réflexions sur la politique : le dessein en est moral, et nous révèle ainsi la jeunesse de l'auteur . Il veut dégoûter les grands et les hommes d'État de se mettre au-dessus de la simple morale : comment les y décider ?

Par la raison que leur crimes, leurs injustices, le mal qu'ils justifient par l'utilité et le bien public, que tout cela ne sert à rien : leurs agitations sont vaines et ne changeront rien à l'action toute- puissante de causes éternelles .

Ce qui arrive est " l'effet d'une chaîne de causes infinies, qui se multiplient et se combinent de siècles en siècles " . Il n'y a pas d'individu qui puisse contrepeser cette force énorme . A quoi bon dès lors s'agiter ? Agissons, puisqu'il faut agir, mais croyons que le résultat sera le même, de quelque façon que nous agissions : et par conséquent agissons selon les lois de la commune morale, puisqu'il ne servirait à rien de les violer .

Dans un intéressant Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, Montesquieu y étudie les influences qui déterminent les tempérament des individus et des peuples . Il compose avec infiniment de sagacité et d'originalité les deux milieux, dont les pressions, agissant tantôt dans le même sens et plus souvent en sens contraire, produisent les honneurs, les volontés, les actes : le milieu moral, éducation, société, profession, et le milieu physique, où Montesquieu distingue comme facteur principal le climat .

Le climat ne peut influer sur les âmes que s'il influe d'abord sur les corps, et si les corps transmettent toutes les influences aux âmes : donc la théorie des climats suppose une liaison nécessaire des faits physiques et des faits moraux, et conduit à mettre la pure psychologie des penseurs classiques sous la dépendance de la physiologie . C'est ce que fait Montesquieu, et par certaines réflexions il indique des voies toutes nouvelles à la littérature . Il y introduit l'étude des tempéraments à la place de l'analyse des faits spirituels ; il met les nerfs à la place des passions de l'âme .

Il baigne les individus dans les milieux qui les forment et les déforment .

La théorie des climats, formulée par Bernard deFontenelle, 1657-1757, philosophe et poète français ,et Fénelon [François de Salignac de la Mothe, 1651-1715, Prélat français ], reprise et étendue par l'abbé Dubos, prend entre les mains de Montesquieu une ampleur, une précision, une portée singulières .
Elle ne passera dans l'Esprit des Lois que mutilée, rétrécie, presque faussée : car Montesquieu, supprimant à peu près les intermédiaires réels et vivants, l'homme, son âme, son corps, relie les lois humaines aux causes naturelles par un rapport direct et en quelque sorte artificiel ; il ne s'attache qu'à présenter abstraitement le tableau des dépendances réciproques et des variations simultanées qu'il a constatées entre les climats et les institutions .

Cependant cette théorie avait en soi tant de force, que, même glissée d'une manière un peu factice, et fâcheusement tronquée, elle constitua une des plus efficaces parties de l'Esprit des Lois .

En effet, elle faisait faire un grand pas à l'explication rationnelle des faits historiques ; elle écartait les hypothèses de législateurs fabuleux ou d'une Providence divine, et commençait à faire apparaître, dans le chaos des institutions humaines et la confusion des mouvements sociaux, le net déterminisme des sciences naturelles .

Ainsi la théorie des climats est donc encore un résultat de l'activité scientifique de Montesquieu . Il s'agit d'une de ses idées parmi les plus célèbres, soulignée dans l'
Esprit des Lois et esquissée dans les les Lettres Persanes . Cette théorie qui souligne le fait que le climat pourrait déteindre, influencer appréciablement la nature de l'homme et de sa société, esquisse également les caractères périodiques des variations sur des durées diverses, indépendantes des activité des hommes, des intervalles où le froid alterne avec la chaleur,et où la sécheresse succède avec les pluies sur de longues et très longues périodes .


"" L'Esprit des Lois ""

" Au sortir du collège, dit Montesquieu, on me mit dans les mains des livres de droit : j'en cherchai l'esprit ..... " Son dessein, on le voit, date de loin . Mais il lui fallut de longues années d'études et de réflexions pour se retrouver dans ce dédale : " J'ai bien des fois commencé et bien des fois abandonné cet ouvrage . J'ai mille fois envoyé aux vents les feuilles que j'avais écrites, je sentais tous les jours les mains paternelles tomber, je suivais mon objet sans former de dessein, je ne connaissais ni les règles ni les exceptions, je ne trouvais la vérité que pour la perdre . Mais quand j'ai découvert mes principes, tout ce que je cherchais est venu à moi, et dans le cours de vingt années, j'ai vu mon ouvrage commencer, croître, s'avancer et finir . "

Le dessein de Montesquieu avait été d'abord philosophique .Il voulait [ c'est la doctrine des considérations] établir, contre le scepticisme aisé des libertins et contre l'intrépide assurance d'un Bossuet, l'impossibilité d'expliquer toute l'histoire soit par le hasard, soit par la Providence . Peut-être aussi se proposait-il de maintenir, contre l'utilitarisme de Hobbes ou de Machiavel, l'existence d'une justice éternelle et de lois de nature, constituant comme le type idéal dont se rapprochent les meilleures lois humaines .

L'Esprit des Lois, dans son état définitif, garde la trace de ces préoccupations . Mais le jour vint où, éclairé par ses réflexions et ses voyages, sentant ce qu'il y avait de vain peut-être dans ces pures idéologies .

Montesquieu comprit que "

ces lois sont des rapports nécessaires qui dépendent de la nature des choses "

, et que les mieux adaptées aux conditions d'existence des peuples à qui elles sont destinées sont aussi les meilleures . D'abord déterminées par des nécessités physiques qui pèsent sur eux, elles sont influencées surtout par des causes morales :

" La nature agit toujours, mais elle est accablée par les mœurs, " dit-il quelque part .

On voit comment son principal ouvrage se rattache à ses livres antérieurs qu'il complète et couronne .

Montesquieu mit au service de son système une prodigieuse érudition : il a fait l'analyse de toutes les constitutions qu'il a pu connaître ; il a recherché dans les récits des voyageurs les coutumes des peuplades étranges ; aux textes et aux faits il a joint les commentaires des écrivains politiques : il a lu les Anciens, Platon, Aristote, et ces auteurs moins connus dont les œuvres chargeaient les rayons de sa bibliothèque ; il a lu les Italiens, Machiavel et Gravina ; les Anglais, surtout Hobbes et Locke ; les Français aussi, Bodin, Fénelon, cet
abbé de Saint-Pierre, " son maître " , que sa respectueuse sympathie venge de bien des railleries ; enfin son ami, le Bordelais Melon, dont les doctrines économiques ont profondément agi sur sa pensée . Soumettant les idées de tous à sa critique, il ne s'est pas fait scrupule d'adopter celles qui convenaient à ses principes . Il a dit dans sa Préface, avec quelle admiration il s'est instruit auprès de ces grands hommes . Mais son indépendance justifiait sa fière devise : " Prolem sine matre creatam . " Comme Minerve, la déesse qui n'est point née d'une mère, son œuvre est sortie de son cerveau, tout armée . S'il est vrai, comme il le dit, que " plusieurs des historiens français avaient eu trop d'érudition pour avoir assez de génie, et d'autres trop de génie pour avoir assez d'érudition " , il a su, lui du moins, unir l'érudition au génie .

Son érudition a d'ailleurs ses limites . Il a certes vérifié les textes qu'il cite, mais souvent il n'en établit pas assez rigoureusement la valeur . Par exemple, il se réfère à des récits de voyageurs qui sont, en gros, dignes de foi . Mais il s'en tient, en général, à un seul voyageur ; il n'a pas l'idée, quand il existe plusieurs récits, de les confronter les uns aux autres . Au reste, sur un texte, fût-il sûr et sincère, peut-on, comme il le fait, fonder sans hésiter une règle ?
Soumis en apparence à une méthode prudente, il laisse paraître une confiance excessive dans les lois générales :

" J'ai posé les principes et j'ai vu les cas particuliers s'y plier comme d'eux-mêmes, les histoires de toutes les nations n'en être que les suites . "

Dès la Préface, cette audacieuse affirmation donne à réfléchir ...

... Si curieux qu'il soit de systèmes, il est bien trop réaliste pour s'attarder à l'histoire hypothétique des sociétés que tant de philosophes politiques, avant comme après lui, ont mise à la base de leur doctrine . En quelques lignes il présente une théorie qui s'oppose de tout point à celle de Hobbes : les hommes, dans l'état anarchique de nature, vivaient égaux et faibles ; " dès qu'ils s'organisent en société, l'état de guerre commence " ; pour y remédier, le droit peu à peu s'organise : droit des gens, droit politique, droit civil .

Le droit, c'est " la raison humaine en tant qu'elle gouverne les peuples de la Terre " , et les différentes lois sont les rapports nécessaires entre cette raison et les circonstancesparticulières où elle s'applique . Montesquieu, en quelque phrases nettes, résume ce qui fera l'objet de ses études :

" Il faut que les lois se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi ou qu'on veut établir, soit qu'elles le forment comme font les lois politiques, soit qu'elles le maintiennent comme font les lois civiles . Elles doivent être relatives au physique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré, à la qualité du terrain, à sa situation par rapport à l'ensemble des continents, sa grandeur, au genre de vie du peuple, laboureurs, chasseurs ou pasteurs ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir, à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières .

Enfin, elles ont des rapports entre elles ; elles en ont avec leur origine et l'objet du législateur, avec l'ordre des choses sur lesquelles elles sont établies . C'est dans toutes ces vues qu'il faut les considérer . C'est ce que j'entreprends de faire dans cet ouvrage . J'examine tous les ces rapports : ils forment tous ensemble ce qu'on appelle l' esprit des lois . " [ Livre I, chapitre III ]

Tel est le sujet de l'ouvrage . Ce n'en est pas tout à fait le plan ; et si ce sommaire ne va pas déjà dans quelques indécision, la composition du livre est moins nette encore .
L'auteur maintient en tête, comme les plus importants

" les rapports que les lois ont avec la nature et le principe de chaque gouvernement " ,

car c'est de là qu'il voit " couler les lois comme de leur source " . Mais on peut se demander pourquoi il rejette l'étude des influences physiques au milieu du développement sur les rapports des lois avec les mœurs et avec l'esprit général des peuples . De même, pourquoi morceler la conclusion naturelle de l'ouvrage [ livres XXVI et XXIX] et l'encadrer entre des livres tardivement conçus, où Montesquieu présente, à l'aide de quelques arbitrairement choisis, " l'origine et les révolutions des lois " ?

Chacun connaît la classification originale par où il ramène les divers gouvernements à trois types, despotisme, monarchie, république : on a pu à bon droit la critiquer . Mais retenons son attitude à l'égard de chacun d'eux .
Certes, il se prétend impartial :

" Je n'écris point pour censurer ce qui est établi dans quelque pays que ce soit ; chaque nation trouvera ici les raisons de ses maximes ...

Si je pouvais faire en sorte que tout le monde eut de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois, qu'on pût mieux sentir son bonheur dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque poste où l'on se trouve, je me croirais le plus heureux des hommes . "

Pourtant il condamne sans recours le despotisme, et l'on sait à quoi son ironie réduit le chapitre où il prétend en donner " l'idée " : " Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent l'arbre au pied et cueuillent le fruit : voilà le gouvernement despotique . "

Une sympathie, née de ses enthousiasmes scolaires, et que l'attristante vision des républiques italiennes n'a pu complètement anéantir, le porte vers le gouvernement républicain, fondé sur la vertu des citoyens, c'est-à-dire sur l'amour de la patrie et des lois . Mais ses préférences réfléchies vont à la monarchie, gouvernement tempéré qui, seul, établit un juste équilibre dans l'État par la création de corps intermédiaires entre le souverain et le peuple, qui, seul, assure la liberté publique en garantissant l'indépendance des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire . Fondée sur une admiration sincère des institutions anglaises, inspirée par Locke, longuement méditée, sa théorie de la monarchie constitutionnelle a dirigé les Constituants ; elle fait encore sentir son influence sur les institutions de notre pays .

On a souvent fait grand honneur à Montesquieu de ses idées sur l'influence des climats et des terrains : en réalité, il avait trouvé la théorie chez bien des auteurs anciens et modernes . Son mérite fut de l'introduire dans un système où elle prenait naturellement sa place . Mais Montesquieu a trop de vraie grandeur pour qu'on le loue de titres empruntés . Rendons au vieux Jean Bodin , 1529-1596, économiste et philosophe français, auteur de La République, il se fit en politique, le théoricien de la monarchie absolue ; à Jean Chardin le voyageur,1643-1713 ; à l'abbé Jean-Baptiste
Du Bos , 1670-1742, historien critique et diplomate français , la gloire d'avoir en France formulé le principe avant Montesquieu . Sachons gré à celui-ci d'avoir vulgarisé la doctrine, et vantons surtout dans son œuvre ce qui est plus nouveau et plus hardi .

C 'est d'abord cet amour et ce respect pour l'être humain, qui s'émeuvent de la moindre atteinte portée à son intérêt, à ses droits . Les scrupules de Montesquieu vont si loin que ce légiste romain, foncièrement opposé à l'émancipation des femmes, souhaite en leur faveur quelques adoucissements des mœurs et même des lois . Ce magistrat s'en prend aussi aux lois pénales trop dures : tortures, peine de mort, châtiments disproportionnés aux fautes . C'est lui qui inspire, en même temps que les encyclopédistes, l'Italien Cesare Beccaria, 1738-1794, juriste italien, par qui toutes ces idées nous reviendront plus tard .
Rompant avec ses prédécesseurs, Jean Domat,1625-1696, juriste français, Grotius [ Hugo de Groot, 1583-1645, Juriste et Diplomate hollandais et Samuel Pufendorf, 1632-1694, Historien, Juriste et philosophe allemand [ Du droit de la nature et des gens] , résistant à son ami Melon,

il proteste, l'un des premiers, contre l'esclavage, au nom de la nature et du droit . Son parti est pris depuis longtemps, depuis les Lettres persanes , mais il s'y est confirmé : il ruine les arguments des égoïstes, joint l'humour à la raison, et après une page d'ironie concentrée, souriante, mais amère, il gagne définitivement sa cause par un appel aux cœurs honnêtes [ XV, 5 ) .

Son attitude devant le problème de la tolérance religieuse n'est pas moins émouvante . Il ne croit plus, comme Bayle et Voltaire le croyaient ou feignaient de le croire, et comme il l'avait dit lui-même dans les Lettres persanes, que la multiplicité des religions soit avantageuse aux États :

quand on est maître de recevoir ou de ne pas recevoir dans un pays une religion nouvelle, il ne faut pas l'y établir .

Mais si elle y est déjà installée, la question est tout autre : on doit la tolérer, on doit contraindre les autres religions à la tolérer, et c'est même la seule contrainte qu'on puisse exercer sur celles-ci .
Les lois pénales en matière de conscience sont inefficaces et dangereuses : raison suffisante pour qu'un politique sage les réprouve .

Elles sont de plus immorales, inhumaines . Dans une page où l'ironie le cède à la vigueur de la pensée, Montesquieu condamne les autodafés ( ) que ce siècle voyait encore : la Très humble remontrance aux inquisiteurs d'Espagne et de Portugal qu'il prête à un juif libéral et audacieux est d'une énergie décisive et même prophétique [XXV, 13 ] ; invoquant l'intérêt public, la dignité humaine, les droits du cœur, elle gronde pathétiquement . Après cela, Voltaire, dans Candide , pourra se contenter de railler et de sourire .

De telles pages, et d'autres d'un tout autre genre, comme les saisissants portraits de Charles XII ou d'Alexandre, introduisent dans ce livre austère une variété dont avait besoin l'esprit mobile de Montesquieu ; elles satisfont son souci d'art et de vie ; et les formules imagées et frappantes, que lui dictent l'enthousiasme intellectuel ou l'émotion, s'inscrivent à jamais dans la mémoire des hommes .

Nous vous laissons réfléchir à propos des idées et de la personnalité de ce personnage hors du commun .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

dimanche 13 décembre 2009

L'Europe, " c'est quoi l'Europe , et surtout la France, en son sein ? " : C'est toute une Histoire ! Les Tableaux synoptiques de Maurice Griffe * ...

* vont contribuer à nous guider lors de notre prise de conscience de l'ensemble des mondes complexes et compliqués qui nous ont précédé .

Voici, ci-dessous, le recto de ce tableau " en accordéon "


Nous allons maintenant vous présenter quelques éléments de ce " Tableau synoptique " , en vue de vous inciter à vous procurer ce document très riche culturellement. C'est une réalisation remarquable qui vous passionnera : quand on commence à s'aventurer entre les plis de cet espèce de tableau en accordéon, on en sort qu'à la fin ; et durant tout ce parcourt, on oublie très vite la notion du temps, mais on entre dans celui de l'espace et de la durée , dans cette histoire de la multitude des événements qui ont contribué à forger cet ensemble de contrées qui font le charme, le dynamisme, la force créative dans les arts, les sciences et les rapports sociaux, de cette communauté.

Vous trouverez à la fin , une reproduction du verso de l'ouvrage, dans laquelle vous pourrez consulter la liste de l'ensemble de tous les Tableaux Synoptiques disponibles dans cette collection , ainsi que les coordonnées de Maurice Griffe,le créateur[celui qui fut à l'origine de cette aventure] , nécessaires pour commander ceux qui vous trouverez à votre convenance , si vous le désirez, bien-entendu !

( vous pouvez agrandir les images suivantes en réalisant un clic gauche sur chacune d'entre elles, puis revenir chaque fois à la précédente) .

L'Europe des 27 en 2009.

Ci-dessus et ci-dessous, les douze derniers adhérents à l'Union Européenne .


Ci-dessous : Les grands moments historiques de l'Europe .
Ci-dessous : deux plis de l'accordéon, de 1600 à l'an 2000.

Ci-dessous : Période de - 1300 à - 900 .
Ci-dessous : Période de -2200 à - 1900 .

Et voici la liste des chronologies disponibles aux Éditions T.S.H.

Ci-dessous :Partie supérieure de l'image du verso du document .


En espérant que vous apprécierez ces documents, croyez à mes pensées cordiales . Bien à vous, Gerboises .

lundi 7 décembre 2009

Constat : avoir le sens des réalités,regarder les choses en face,avoir du bon sens,avoir les pieds sur terre ! N'est-ce pas une gageure* de nos jours?

.


* gageure : défi, pari à peu de chose près impossible ; action, projet, opinion si étrange, si difficile, qu'on dirait un enjeu presque irréel à tenir .

- Constat : de constater, établir par l'expérience directe la vérité, la vérité d'un fait, la réalité de quelque chose [ enregistrer, noter, observer, reconnaître, remarquer] .
Ce verbe ne doit pas s'employer comme un simple synonyme d'apercevoir ou d'apprendre . En principe, il indique une vérification et une sorte d'enregistrement légitime du fait, donc au moins une très vive prise de conscience . En outre, dans l'usage actuel, il implique que le sujet perçoit le fait par lui-même et ne l'apprend pas d'autrui .

Oui, c'est bien une bénédiction, une chance, une aubaine, un avantage inattendu, inespéré, pour nous que les lois de la nature soient sévères et inexorables, et qu'on ne récolte pas autre chose que ce que l'on a semé, autrement on ne saurait pas distinguer entre le pour et le contre ; l'homme ne pourrait rien faire pour son avenir ; il ne pourrait ni circuler, ni espérer, ni compter sur rien .

Notre vie serait pire que celle des fourmis, qui savent au moins se pourvoir pour l'hiver .

Bien à vous, Gerboise .

vendredi 4 décembre 2009

Atlas des Migrations, Coédition La Vie- Le Monde Hors Série , 2008-2009 : Les Routes de l'Humanité .



Après vous avoir fait découvrir l'Atlas des Civilisations dans notre billet du mardi 27 Octobre, nous avons recherché le précédent Atlas, celui qui concerne les Migrations Humaines . Cet ouvrage, lui également, d'une qualité exceptionnelle a été publié pour le prix modique de 12 euros .

Nous vous conseillons de l'acquérir, lui également, car il constitue une suite de repères dans l'espace et dans le temps, nécessaires, étant donné les événements dans la conjoncture actuelle, à tout citoyen épris de savoir . Cet ouvrage pourra servir de repère surtout aux collégiens, lycéens et étudiants des Universités et de toutes les grandes Écoles .

Construit d'une façon sans égale et étonnante, passionnante, il permet de se représenter, lui aussi, le monde actuel et l'évolution des temps anciens, de s'orienter, se situer, lors de la prise de connaissance des informations qui nous arrivent de toute part et de mieux intégrer, saisir, concevoir, toutes les conséquences des évènements qui font irruption à tout moment lors de notre contact avec actualités qui nous parviennent du monde entier .

Dans l'intention de vous présenter une image la plus représentative possible de son contenu, très difficile à faire saisir, vu son ampleur, et ainsi à vous engager à en prendre possession, nous avons pensé nécessaire de vous donner un aperçu de son ensemble à l'aide du sommaire situé ci-dessous, ainsi que par quelques pages parmi les plus significatives, évocatrices de sa substance .

( vous pouvez agrandir les deux images suivantes, ainsi que les suivantes, en réalisant un clic gauche sur chacune d'entre elles, puis revenir chaque fois à la précédente) .

1ère page


2ème page

1er exemple


2ème exemple

3ème exemple





L'ATLAS DES MIGRATIONS est une coédition de la Société éditrice du Monde SA, 80, Bd Auguste-Blanqui, 75013, Paris et de Malesherbes Publications SA, 8, rue Jean-Antoine de Baïf, 75013, Paris .

Vous pouvez commander cet ouvrage pour 12 euros, avec une participation aux frais d'envoi de 3 euros, à La Vie / VPC - TSA 81305 - 75212 PARIS CEDEX 13 , ou par Téléphone :
01 48 88 51 05 ; www.laboutiquelavie.fr

En vous souhaitant bonne acquisition, bonne lecture et une réflexion personnelle documentée et passionnante, nous vous disons à bientôt . Cordialement, bien à vous, Gerboise .

mardi 1 décembre 2009

Bernard Grasset*, Editeur et Ecrivain français et son essai sur la connaissance : Comprendre et inventer . Librairie Grasset, 1953 .

.

Bernard Grasset, 1881-1955, entreprend des études d'économie et obtient son doctorat . En 1905, il rejoint Paris et fonde sa maison d'édition qui porte son nom .

Voici un ouvrage de Réflexion que les lecteurs de Gerboise auront grand intérêt à lire, tant l'analyse de l'auteur est profonde et formatrice de l'esprit dans ce champ prépondérant de la connaissance . Nous allons, en vue de vous faire connaître ce personnage, et son texte remarquable,vous présenter des passages de l'Avant-Propos du livre, rédigé par Jacques CHEVALIER en Septembre 1953 . [Jacques Chevalier, 1882-1962, philosophe catholique et homme politique français] .

"" Un fait occasionnel, auquel nul n'aurait pris garde, met en branle une pensée . On nous conte le cheminement, les démarches, les retours, les succès . Et c'est l'étude magistrale, dense et forte, qu'on va lire . Magistrale, ce n'est pas trop dire . C'est dire, en tout cas, ce que j'en pense . Et je ne suis pas le seul à penser ainsi . Ceux qui ont eu, comme moi, la chance d'être associés à l'élaboration de ce texte, - et parmi eux deux hommes de recherches éminents ( qui sont au-dessus du niveau commun, d'ordre supérieur, exceptionnels) , et cet esprit si fin et pénétrant qu'est Léon Bérard - ne m'ont pas caché le sentiment d'admiration que provoqua en eux l'étude de Bernard Grasset .

Les raisons qui motivent notre admiration ? Le lecteur me permettra de ne les point détailler . J'aime mieux lui laisser le plaisir de les découvrir, d'autant qu'on n'est jamais si bien persuadé que par les raisons qu'on a trouvées soi- même . Mais ce que je voudrais dire brièvement ici, c'est la stimulation que m'a donnée pareille lecture, et c'est bien la manière dont, par des voies toutes différentes, et avec de significatives variantes d'interprétation - qui sauteront aux yeux du lecteur attentif - j'étais arrivé, de mon côté, à des conclusions qui recoupent singulièrement celles de Bernard Grasset . "Rapprochement " certes, et qui est bien digne de remarque, car il est de lointaine portée ...

... Cette convergence des voies, cette rencontre de deux esprits qui ne cherchent et n'aiment que la Vérité, et qui, dans l'appréhension qu'ils en ont, conservent l'un et l'autre leur mode d'appréhension et leurs nuances qu'il comporte, - comme les vitraux du moyen âge multiplient la lumière qu'ils brisent en faisceaux éclatants par leur bulles et leurs soufflures, - voilà ce qui me ravit et m'enchanta lors de la lecture de ce travail . J'y trouvai, non pas l'éditeur généreusement appliqué à étendre l'audience de ceux qui se sont confiés à lui et à mettre leurs œuvres en valeur : c'est trop souvent à cela qu'on pense lorsqu'on évoque le nom de Bernard Grasset . J'y trouvai l'écrivain, le moraliste qui n'a jamais sacrifié à la vogue ni à la mode, n'étant préoccupé que de donner une voix au vrai . J'y trouvai mieux que l'auteur : l'homme, celui dont, il y a un quart de siècle, j'avais retenu en mon cœur les remarques sur la Psychologie de l'immortalité, et les lignes liminaires (placé en tête d'un ouvrage, d'un discours) dont je reçus comme un choc : " Toute l'explication de l'homme tient en ceci qu'il ne peut accepter de finir " ...

... Bernard Grasset nous conte donc ici ce qui éveilla sa pensée : un sujet de dissertation proposé, il y a quelques années, par l'Académie de Clermont, et qui avait pour titre " Comprendre et inventer " . Sur ce thème le voilà qui médite . Au lieu d'opposer les deux termes, il s'aperçoit - et c'est là, proprement, sa découverte - qu'ils définissent un seul et même acte, un seul et même mécanisme constitutif de l'intelligence : le rapprochement ; avec cette différence, toutefois, ajoute-t-il,

que
" comprendre , c'est rapprocher deux choses que l'on a déjà rapprochées ; inventer, c'est rapprocher deux choses qu'on n'a pas encore rapprochées ".

Partant de là, stimulée par la question d'une amie, par deux réponses de Louis de Broglie, par l'objection d'un mathématicien, par les définitions des philosophes et des théologiens, par l'instinct d'un chien qu'il observa enfant, par l'attentive considération de la démarche d'un Pasteur et, par-dessus tout, de Claude Bernard son véritable maître, par l'humanité de la Princesse de Clèves et la recréation d'un Balzac de la foi d'un Descartes et par celle de Pascal, sa pensée, avec des détours imprévus qui en font le prix, s'achemine vers son terme : une fenêtre largement ouverte sur le réel et sur la source mystérieuse du génie, qui, encadrée dans ces étroites limites, nous livre cependant une vue de l'infini où se recèle l'essence des choses .

Voilà qui est bien, et qui me contente pleinement, s'il est vrai que le contentement intérieur consiste dans la joie de découvrir ce que l'on croyait déjà connaître et de le reconnaître en effet : n'est-ce pas dans la reconnaissance, fille de la découverte, que réside, en fin de compte, toute connaissance vraie, je veux dire réelle ? Car, à bien prendre les choses, est-il sûr que comprendre soit rapprocher deux choses " qu'on a déjà rapprochées " ?

Au reste, comprendre vraiment, au sens où Pascal dit : " Par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point, par la pensée je le comprends " , comprendre l'univers ou, ce qui revient au même, le toucher en son fond sur un point, comme nous faisons par la conscience, dont l'observation nous révèle les limites du même coup que la valeur, c'est inventer, c'est découvrir, c'est voir ce qu'on n'avait pas vu encore ...

... L'éblouissement fut tel qu'un jour, sur les bords du Cherwell, alors qu'un impassible Anglais d'Oxford, frappa du pied le sol en me disant : " Enfin, que faisons-nous ici-bas ? Que sommes-nous ? To be or not to be ? " je lui répondis : " L'être, le voilà . Je l'ai trouvé " . Je ne le convainquis pas d'ailleurs, ni alors, ni plus tard, lorsque je le revis à la Société des Nations : car on ne comprend que ce qu'on a trouvé . Mais j'avais compris, moi : je dis bien compris " et non pas " inventé " . Toute compréhension véritable est de la nature d'une invention : elle consiste à voir ce qu'on avait regardé sans le voir, elle consiste à percer le voile des apparences sensibles et celui des rapprochements déjà faits pour être mis en face avec l'ineffable ( qui ne peut être exprimé par des paroles) réalité, ou son image et son vestige, ainsi que le disent les grands théoriciens médiévaux de l'analogie .

Bref, je compris la science en l'inventant . Et je compris le mystère de la vie intérieure et supérieure, en comprenant, précisément, qu'elle est un mystère incompréhensible .

Tous ceux qui ont éprouvé cette joie me comprendront . Bernard Grasset dit quelque part dans son essai : " Voilà ce qu'écrit Claude Bernard, dans le seul souci d'être complet en matière expérimentale, sans que, à l'en croire, l'ait jamais effleuré l'inquiétude religieuse " .

Mais si ! Claude Bernard, toute sa vie, a été possédé, il a été stimulé en matière expérimentale même, par l'inquiétude religieuse, et par la question ultime du pourquoi dernier des choses ; il l'a dit, en termes de feu, dans un précieux cahier inédit, Philosophie, que Justin Godart a retrouvé dans sa maison natale, à Saint-Julien, et que j'ai publié en 1937 chez Boivin .

" Il faut que l'homme croie toujours à quelque chose de surnaturel . Que l'on remplace le mot Dieu par le mot Humanité c'est toujours la même chose ...

Ainsi, aujourd'hui, des gens qui rougiraient de croire à l' Eucharistie croient aux tables tournantes .

Croire, raisonner, expérimenter . Religion, philosophie, science . Ces trois choses se développent, mais ne se remplaceront pas . Tout est expérimental et tout dérive de la nature des choses que nous ne pouvons changer " . Mais aussi : " l'idée de l'immortalité de l'âme est une idée expérimentale . Ce n'est pas la tête, c'est le cœur qui mène le monde . La religion vit sur ces sentiments éternels de l'humanité . Comme le dit Pascal, l'homme est fait pour la recherche de la vérité et non pour sa possession . Il faut la grâce, c'est-à-dire que l'homme n'est pas libre de changer sans cela ... Espérance " ...

... Voilà le point où m'ont mené les chaînes de rapprochements qui se sont déroulés en moi depuis plus d'un demi-siècle . Que le lecteur, au demeurant, ne s'y trompe pas . Ma conclusion dépasse ou prolonge peut-être la pensée de Bernard Grasset, mais ne la contredit pas . Notre auteur est un pur psychologue, qui n'est à son aise que dans les choses de l'homme ; encore que l'homme, selon moi, ne se puisse explicitement ou implicitement séparer de Dieu .

Mais là on doit ajouter que Grasset n'est pas enclin à reconnaître que ses vues le conduisent à la transcendance . Lorsqu'il la rencontre, il la sent plutôt comme une barrière que comme une voie qui lui serait ouverte . Je franchis la barrière ; lui pas . Mais quoi de plus démonstratif ? Car cela même montre l'accord surprenant de deux pensées dont l'une n'est pas la copie de l'autre, puisqu'elles sont copiées l'une et l'autre sur ce qu'est la réalité pour chacun de nous deux . Cette convergence et cette diversité, voire ce refus, chez l'un, du terme auquel l'autre arrive, n'est-ce point la meilleure preuve de la fécondité des vues de Bernard Grasset ? Je ne crois pas, en tout cas, qu'il ait à redouter pour " son idée simple et nue " les réflexions qui m'en vinrent et qui lui parurent d'abord, je dois le dire, hors de l'objet .

J'ai cru devoir montrer mon texte à Bernard Grasset . Il s'en déclare comblé .

" Pourtant m'écrit-il, la question de savoir si je franchis ou non la barrière, me semble hors de propos . Parlant de la science, dans ses rapports avec la croyance, mon oncle, le Dr Grasset, qui était un croyant, disait :

Nec serva nee domina . C'est à quoi je me tiens " .

- Là est bien, en effet, ce qui nous distingue . Ma demeure, comme eût dit mon vieux maître Lachelier [ Jules Lachelier, philosophe français, 1823-1918 ] , est composée de " deux étages " , science, foi, entre lesquels est établi un " escalier " que je parcours constamment, à la montée et à la descente . Celle de notre auteur, comme celle de son oncle Joseph Grasset - que j'admirais beaucoup - , comme celle de Lachelier - que je vénérais -, est composée de " deux étages entre lesquels il y a pas d'escalier " .

Telle est, en tous cas, mon exacte position en face du beau texte que l'on va lire . ""

Jacques CHEVALIER .Cérilly dans l'Allier , septembre 1953 .


Après vous avoir présenté ci-dessus les "états d'âme " de l'auteur de l'avant propos ,voici ci-dessous le début du texte de Bernard Grasset qui va nous faire " sentir " ... pénétrer, saisir cette pensée dense , féconde, profonde, généreuse, noble ....

"" Il y a quelques années, l'Académie de Clermont avait donné comme sujet de dissertation : Comprendre et Inventer .
Je me trouvais en séjour chez un professeur de la ville, qui me montra des copies d'élèves . Tous s'étaient bornés à opposer les deux termes, comme leur semblaient s'opposer une faculté que tous les hommes se partagent, et le privilège du génie .J'avais soumis à mon hôte deux définitions qui, tout à l'inverse, faisaient apparaître, sous les opérations distinctes de comprendre et d'inventer, exactement le même mécanisme . Elles lui parurent valoir, et d'abord par leur simplicité . Je me résous aujourd'hui à les livrer, avec des réflexions qui me vinrent par la suite .


Pour moi, comprendre, c'est rapprocher [ tisser des liens,entre ,unir, réunir, comparer] , deux choses qu'on a déjà rapprochées [mises en parallèle, analysées] .

Inventer, c'est rapprocher deux choses qu'on n'a pas encore rapprochées .

Certes, je n'entends pas que tout le comprendre, ni tout l'inventer, tiennent dans le rapprochement, mais que le rapprochement est le mécanisme commun de l'intelligence dans l'opération de comprendre, et du génie dans celle d inventer .

Il en va même, ici et là, de la seule démarche de l'esprit offerte à l'homme, dans l'ordre du connaître ; car mon objet est de rendre clair que l'homme ne peut pas dépasser, dans la connaissance, les rapprochements qu'on a faits avant lui, ou qu'il est le premier à faire .

" Les choses se passent comme si ... " : c'est le mot de la science, en face d'un phénomène, dont, pour la première fois, elle s'occupe, ne peut qu'en rapprocher le déroulement de celui d'un autre phénomène qu'elle avait antérieurement observé . Par ses lois, elle ne prétend pas s'élever aux causes, mais, tout uniment, fixer des enchaînement nécessaires . En somme, elle s'en tient au " comment " des choses . Et quand bien même elle parvient, par des rapprochements entre le connu et l'inconnu, à prévoir le déroulement, jusqu'alors ignoré, d'un phénomène - voire à le reproduire, en réalisant, par l'imitation, les conditions qui l'ont amené - elle n'avance en rien dans la connaissance du " pourquoi " des choses , c'est-à-dire des forces ou principes qui commandent ces divers déroulements .

Ici, la langue ne peut qu'être mise en défaut, car il s'agit de cette essence des choses, où nous ne pouvons pénétrer et qu'ainsi nous ne saurions nommer . - Qu'il en aille là des limites de l'homme, c'est une vérité reconnue depuis que l'homme pense . Mais, peut-être, n'avait-on pas assez clairement exposé que, l'essence des choses nous échappant, il ne nous reste, comme opération de la pensée - et dans toute l'étendue de la connaissance - que les rapprochements que nous faisons entre les apparences .


Nous côtoyons, ici, le domaine de la métaphysique où ne porte pas notre regard . Restons à ce qui tombe sous nos sens, à ce que nous pouvons observer, prévoir et reproduire, et que nous appelons les choses ; à ce monde des phénomènes, unique matière du progrès, mais suffisant au progrès, au point qu'il n'est pas interdit de penser que le génie humain parvienne à supprimer la vie de notre planète, par des rapprochements successifs entre les phénomènes, c'est-à-dire entre des apparences , et leur reproduction par l'imitation, dans la totale ignorance du " pourquoi " des choses . C'est que les techniques les plus complexes - à quoi l'homme doit d'être devenu " le contremaître de la création " , selon le mot de Claude Bernard - ne sont que l'aboutissement d'un progrès incessant, ayant comme point de départ, en chaque ordre, la simple imitation d'un phénomène naturel, tel que nos sens l'ont perçu, c'est-à-dire d'une apparence .


Dans cet exposé, c'est l'invention qui a mon souci . L'invention et ses LIMITES . Mais d'abord son mécanisme, où je vois celui-là même du comprendre : un rapprochement entre deux choses .

Inventer, c'est, en somme, être le premier à comprendre .

Donc, dans l'inventer il y a nécessairement le comprendre .

Mais si j'avance que dans la simple compréhension il y a l'invention, et même que l'on puisse dire que, pour l'esprit, tout soit création, on attendra, je pense, que je m'explique . Je prie donc, là, qu'on me suive .

On enseigne pas une chose comme on verse un liquide d'un récipient dans un verre ; mais plutôt comme on introduit un germe, pour qu'il croisse .

Prenons un exemple tout simple . Si vous essayez de faire comprendre à un enfant une notion, il ne réagira pas par une acceptation ou un refus, comme il ferait d'un aliment qu'on lui proposerait . C'est à son esprit que vous faites appel - disons : à sa faculté d'imaginer . Son esprit vous répondra par un acte et n'attendra même pas que vous ayez achevé vos explications pour se mettre en frais, la notion proposée agissant en lui comme un germe .

Dès vos premiers mots, l'enfant construira . Il bâtira une chose à l'image de celle que vous entendez lui enseigner, et parfois ne ressemblant que fort peu au modèle .


Mais, si complexe que soit la notion, qu'on prétend lui rendre claire, il élèvera une construction ( à partir d'assises, de savoirs antérieurs) . C'est qu'il faut une complète maturité pour repousser en bloc, comme absurde ou trop complexe, la notion proposée . En somme, pour se refuser à construire . L'enfant, lui, construira toujours, et sa construction sera nécessairement originale, - ce en quoi tient l'invention .

J'ai pris l'exemple d'un enfant, mais il vaut pour tous . On peut concevoir que l'esprit, simplement, recueille . L'esprit est mouvement . Comprendre, c'est toujours bâtir une construction personnelle en face de la construction qui vous est proposée . En ce sens, j'ai pu écrire :

Comprendre, c'est créer pour son propre usage .


J'en étais là de ces notes, où je me plais à ramener à la même démarche de l'esprit, comprendre et inventer, quand une amie, à qui je les avais montrées, me lança :

" Et le Génie ? " - " Vous entendez sans doute, par là, l'invention ? " lui répondis-je . " Eh bien, l'invention c'est un regard " . Rapprocher deux choses qu'on n'avait pas encore rapprochées (intégrées, comparées dans son propre esprit, à tout ce qu'il contient dans ses " cases " , ses étagères plus ou moins bien rangées !) , c'est en effet vite dit . Encore faut-il les voir . Et d'abord les distinguer parmi toutes les autres ; la science dit : les isoler . Et là, c'est bien affaire de regard . J'ai touché à la question dans l'un de mes premiers ouvrages, à propos de la pénétration psychologique ...


... Si, à ce point de mes explications, je me réfère à ce texte, c'est qu'il faut bien entendre par regard, dans l'invention, un usage particulier des sens, propre à chaque ordre de connaissance . Et non point, d'ailleurs, d'un seul sens, mais de tous ; car on imagine fort bien que, dans telle recherche, ce soit plus encore par l'odorat ou par le toucher que par la vue, que le savant décèle les rapprochements qui feront sa découverte .


Il va de soi que le regard du savant est commandé, et en quelque sorte dirigé par les préoccupations qui le mènent . C'est la part de l'intuition dans la découverte, où entre quelque chose de l'ordre du vœu . Disons : le souhait qu'une chose soit vraie, parce qu'elle en expliquerait beaucoup d'autres . Et c'est à ce vœu informulé que le savant doit d'isoler tel phénomène au milieu d'autres, sans qu'il ait encore observé dans ce phénomène le rapprochement qui l'éclairera . Vœu ou certitude, on ne sait comment dire ; car il est des certitudes qui devancent les preuves ...


... Qu'une façon de prescience conduise le regard du savant et qu' ainsi l'esprit commande la découverte, ce n'est pas à dire que nous puissions dépasser, dans la connaissance, des rapprochements entre les phénomènes ; puisque, aussi bien, cette prescience ne tient que dans des rapprochements qu'a faits notre inconscient, avant notre intelligence . On ne saurait néanmoins concevoir une suite de découvertes, dans aucun ordre - en somme, le progrès - si le savant devait attendre du hasard le rapprochement où lui apparaîtra une nouvelle liaison de phénomènes .

Ce n'est, sans doute, que dans les premiers temps de l'homme que le hasard fut le principal artisan de la découverte . Encore peut-on penser que l'homme observa le phénomène du feu pendant des millénaires, avant de le rapprocher du phénomène dont l'imitation devait lui permettre de produire le feu .
Et, déjà, en ces circonstances premières, on doit, selon nous, parler de l'intuition du génie, pour les premiers qui rapprochèrent ou qui imitèrent . Toujours est-il que dans les exemples que je m'apprête à donner de ces rapprochements, en quoi tient toute découverte, la part de l'intuition apparaîtra, comme il sied, prépondérante .


Mais, avant d'en venir au mécanisme de l'invention, je tiens à dire que je ne pénètre dans ce domaine qu'avec un bagage fort mince . Il ne reste rien, en effet, des notions de science qu'on demandait naguère à un bachelier . Et, depuis mes études, j'ai négligé la science et ses progrès, ne pouvant me donner à une chose qu'entièrement . En ramenant, comme je fais au début de ces notes, à des rapprochements tout l'inventer, j'avais juste dans l'esprit quelques exemples-types de découvertes - où tous les manuels disent : rapprochement - comme celle de la pesanteur de Newton, et le souvenir d'un ouvrage, lu il y a plus de vingt ans, La Vie de Pasteur par René Vallery-Radot . De ce livre, j'avais retenu que Pasteur fut conduit à certaines découvertes par des rapprochements entre des phénomènes que son génie avait isolés . C'était peu, on en conviendra, pour oser ériger en dogme que tout l'inventer tint dans le rapprochement . Aussi avais-je d'abord songé à soumettre ma définition à des savants, en divers ordres de recherches . Pourtant la notion me paraissait ( me semblait à l'esprit) d'évidence . Puisque l'essence des choses nous échappe, et que nous ne percevons que des apparences, quelle autre opération pourrait s'offrir à notre esprit que celles que permettent des apparences, c'est-à-dire l'observation de ressemblances et de différences entre des phénomènes, quant à

l'impression qu'en recueillent nos divers sens

et quand à leur déroulement, la mesure de ces ressemblances et différences, c'est-à-dire la fixation de leur place exacte, à des échelles établies arbitrairement par l'homme, pour la commodité de ses comparaisons [ comme il a établi la monnaie pour la commodité de ses échanges] , opérations devant aboutir à la découverte d'une nouvelle liaison de phénomènes et à sa reproduction par l'imitation, et tenant toutes dans des comparaisons entre des impressions recueillies par nos sens .


Je me crus donc dispensé de consulter des savants sur les limites de l'invention, du fait que des impressions recueillies par nos sens, et interprétées par notre esprit, selon les modes de notre esprit (variables selon les individus, les moments , les contextes et les époques des réflexions) , c'est-à-dire relatives, ne pouvaient permettre rien d'autre que des comparaisons, venues de rapprochements, et ne valant, d'ailleurs, que pour l'homme . Ma définition de l'inventer se trouvait donc confirmée par une loi de l'homme .

Pourtant, en une certaine occasion, ayant eu l'avantage de parler au Prince Louis de Broglie , je lui posai deux questions : " Croyez-vous, Maître, lui demandais-je, que toute invention se ramène à un rapprochement ? " Après avoir un temps, réfléchi, il me répondit : " Oui . " La seconde question que je lui posai, fut celle-ci : " Vous sentez-vous tributaire, en chacune de vos découvertes, d'une suite de découvertes sans lesquelles la vôtre n'aurait pas pu être ? " Il me répondit aussi " Oui " "...

Voici proposé, ci-dessus [en vue de vous inciter à prendre connaissance et donc acquérir ce livre remarquable et admirable] , le début de ce texte important à deux points de vue :

- Une incitation à réfléchir sur les processus et les mécanismes de la pensée qui conduisent les savants et les hommes en général à " construire les nouvelles connaissances " .

- Un exemple de présentation et d'organisation d'un texte , de rédaction dans un langage de grande qualité, en particulier dans la construction des phrases et du maniement de la ponctuation ,remarquables .

Vous devez prendre connaissance de la suite de cet ouvrage, pour " comprendre de multiples points de vue " concernant l'élaboration progressive des Sciences Humaines et de la Matière, au cours des Ages . L'auteur s'appuie [et analyse ] tout au long de ce texte très riche, sur les œuvres de nombreux savants qui participèrent à la construction du Savoir et des Sciences .

Cordialement, bien à vous tous, Gerboise .

jeudi 19 novembre 2009

Ambiguïtés du langage : doubles sens, doubles entente, équivoques* .

.

* équivoques :

- qui peut s'interpréter de plusieurs manières et n'est pas clair . - dont la signification n"est pas certaine, qui peut s'expliquer de plusieurs façons . - caractère de ce qui prête à des interprétations diverses : ambiguïtés . - incertitude laissant le jugement hésitant . - qui a plus d'une signification . - qui est susceptible d'avoir plusieurs significations . - qui a deux sens entre lesquels on hésite, et souvent qui a été rendu tel à dessein, qui a été intentionnel .

Une phrase a un sens ÉQUIVOQUE lorsqu'elle peut être interprétée de différentes façons .

Les équivoques, les ambiguïtés, les doubles sens sont produits :

A - quand l'adjectif possessif répété désigne des personnes différentes .

A son arrivée au laboratoire il m'avait prévenu que dès son retour il lui restituerait ses documents .

Il aurait fallu écrire : Il m'a prévenu à son arrivée au laboratoire que dès son retour il lui restituerait ses documents .

B - par la place défectueuse du pronom relatif .

Nous avons reçu colis de notre fournisseur qui est en mauvais état .

Il aurait fallu écrire : Nous avons reçu de votre fournisseur un colis en mauvais état, ou qui est en mauvais état .

Car : Le pronom relatif doit toujours être mis aussi près que possible de son antécédent ( mot représenté par le pronom qui le reprend : Antécédent du relatif, auquel se rapporte le relatif) .
Si cet antécédent est suivi d'un complément qui vous forcerait à en éloigner le pronom relatif, construisez la phrase autrement .

Par suite de la rupture d'une poutrelle, dont on ignore les causes, l'accident se produisit .
Il aurait fallu écrire : Par suite de la rupture d'une poutrelle, rupture dont on ignore les causes, l'accident se produisit .

Même remarque que pour le pronom relatif qui ; dont, pronom relatif, doit être aussi près que possible de son antécédent .
Le pronom relatif peut être absent et l'équivoque existe si la phrase est mal tournée .

La péniche (bateau fluvial à fond plat) " La Bretagne " était stationnée sur la rive droite du canal dans le port de Redon destiné à être déchargé .

Il aurait fallu écrire : La péniche " La Bretagne " , destinée à être déchargée, était stationnée sur la rive droite du canal dans le port de Redon .

J'ai acheté un superbe livre à Montmartre qui m'a coûté 800 euros .

Il aurait fallu écrire : J'ai acheté à Montmartre un superbe livre qui m'a coûté 800 euros .

Mon père m'a acheté un costume sur mesure, mais il est si mal confectionné qu'il n'a pas voulu que je le mette .

Grammaticalement, d'après cette phrase, c'est le père qui est mal fait . Or, on désire que ce soit le costume . N'hésitons pas à répéter le substantif pour éviter l'équivoque .

Il aurait fallu écrire : Mon père m'a acheté un costume sur mesure . Ce costume est si mal confectionné que mon père n'a pas voulu que je le mette .

C - par la répétition d'un pronom personnel remplaçant des noms différents :

Il nous a certifié qu'il n'a pas tord car il a assurément un vice de construction .

Dans cette phrase il remplace tour à tour un ingénieur, un client, un moteur .

Il aurait fallu écrire : Notre ingénieur nous certifie que le client n'a pas tort car le moteur a un vice de construction .

Louis annonce à son ami qu'il va partir pour Paris et qu'il l'accompagnera .

Dans cette phrase le pronom il peut aussi bien se rapporter à Louis qu'à ami . En admettant même que le premier pronom il remplace Louis, il y a encore une faute de construction puisque le 2e est mis pour ami .

Il aurait fallu écrire : Je vais partir pour Paris, dit Louis à son ami, tu m'accompagneras .

D - par l'emploi à l'infinitif et au participe présent de verbes qui se rapportent pour le sens à un autre mot que le sujet exprimé dans la proposition principale .

Votre patron a décidé de vous licencier après avoir été surpris en flagrant délit de vol .

Par la construction de cette phrase, c'est le patron qui semble avoir été pris en flagrant délit de vol .

Il aurait fallu écrire : Votre patron a résolu de vous licencier après vous avoir surpris en flagrant délit de vol .

Pour vérifier la comptabilité de cette société le Directeur a fait venir le comptable pour lui donner les explications utiles .

Par la construction de cette phrase, c'est le Directeur qui doit donner les explications .

Il aurait fallu écrire : Pour vérifier la comptabilité de cette société le Directeur a fait venir le comptable qui a dû lui donner les explications utiles .

E - par la mauvaise place donnée dans la phrase aux différents compléments .

En général : Il faut rapprocher le plus possible les propositions ou compléments des expressions auxquelles ils se rapportent et placer en premier lieu les compléments les plus courts .

N'écrivez pas : Je te remercie pour la faveur que tu m'as permis d'obtenir avec empressement .

mais écrivez : Je te remercie avec empressement pour la faveur que tu m'as permis d'obtenir .

N'écrivez pas : Tu croyais pouvoir terminer ce travail et me demander d'autres instructions ce soir .

mais écrivez : Tu croyais ce soir pouvoir terminer ce travail et me demander d'autres instructions .

N'écrivez pas : Nous sommes persuadés puisque nos prétentions ne sont pas excessives et qu'elles sont les mêmes que celles de notre estimé prédécesseur que vous accepterez .

mais écrivez : Nous sommes persuadés de votre acceptation puisque nos prétentions ne sont pas excessives et qu'elles sont les mêmes que celles de notre estimé prédécesseur .

A bientôt, afin de vous proposer d'autres ambiguïtés néfastes à la compréhension des textes .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

dimanche 15 novembre 2009

Les images de l'esprit sont les matières premières de nos raisonnements, de nos réflexions et donc de nos rapports avec le monde qui nous environne .

.

Tout bien considéré, finalement, ce sont ces images ( représentations mentales), parfois très labiles , qui semblent ( ont l'air) naître, qui apparaissent dans notre esprit, qui constituent, avec les sensations perçues par nos sens, les matériaux de toutes nos opérations intellectuelles ; la mémoire, le raisonnement, l'imagination sont des actes qui consistent, en dernière analyse, à grouper et coordonner des images, à en saisir les rapports déjà formés et à les réunir dans des rapports nouveaux .

Chaque image de notre esprit est une sensation spontanément renaissante, en général plus simple et plus faible que l'impression primitive, mais capable d'acquérir, dans des conditions données, une intensité si grande qu'on croirait continuer à voir l'objet extérieur .

Les images ne sont point des choses inertes et mortes, elles ont des propriétés actives ; elles s'attirent, elles s'enchaînent et se fusionnent . Nous avons tord de faire de l'image un cliché photographique, fixe et immuable : c'est un élément vivant, quelque chose qui naît, qui se transforme, et qui pousse comme nos ongles et nos poils .

L'activité de l'esprit résulte de l'activité des images ( si les conditions ne sont plus favorables à ce dynamisme, la pensée s'évanouit, , cesse, défaille, décline et disparaît ) comme la vie de la ruche résulte de la vie des abeilles, ou plutôt comme la vie d'un organisme résulte de l'activité de la vie de ses cellules ( lorsque cette activité cesse, la vie " s'en va " !) .

Il ne vous reste plus, après ces constatations, qu'à vous représenter les images intérieures qui pourraient susciter en vous des réflexions à propos de votre capacité à "voir et à comprendre le monde " ! et peut être, également vous même !

Cordialement votre, bien à vous, Gerboise .

mercredi 11 novembre 2009

Commémoration* de l'armistice** du 11 Novembre 2009 : Souvenirs des détresses, des souffrances, puis des joies, de l'allégresse, de l'euphorie*** .

Toutes ces images proviennent de divers numéros ,publiés en l'année 1918, de la Revue de l'ILLUSTRATION .

( vous pouvez agrandir cette image ainsi que les suivantes en réalisant un clic gauche sur chacune d'elles, puis revenir chaque fois à la précédente) .


Ci-dessus : La FRATERNITÉ (lien fraternel particulier établissant des rapports fraternels) - Aquarelle par Jean DROIT .

Deux sortes de sentiments puissants ont pu survenir [ et sont survenus fatalement ] dans l'esprit de ces soldats qui ont combattu vaillamment durant toutes ces années épouvantables , liés à de la peur, normale dans certaines situations, et à un courage invincible, admirable,qui leur permirent de remporter la victoire .

- La PEUR : terme général qui indique un trouble violent et instinctif qu'on éprouve quand on se croit menacé d'un grand danger .

L'alarme : émotion causée par un danger ou par l'approche d'un danger dont on se sent menacé .

L'appréhension : crainte basée sur l'incertitude d'un événement futur.

La crainte : sentiment de peur de celui qui redoute le résultat d'une chose favorable ou défavorable .

L'effroi : grande frayeur inspirée par une révulsion très vive .

L'épouvante : terreur soudaine et très grande qui nous oblige le plus souvent à fuir sur le champ .

La frayeur : sentiment d'une grande crainte passagère et momentanée, accompagnée quelquefois de frissons .

La terreur : peur violente qui nous ôte l'usage de nos facultés ; elle naît d'un danger qui peut être réel ou imaginaire .

- Le COURAGE : vertu de l'âme qui fait affronter tous les chagrins de la vie, tous les périls auxquels on peut être exposé ; il est de tous les états et de toutes les situations ; on en a besoin dans la vie privée comme dans la vie publique .

La bravoure : ne sait pas ce que c'est que la peur, va au devant du danger et préfère l'honneur à tout, même la vie ; mais elle peut aussi s'acquérir par l'exemple et la Réflexion .

Le cœur : force de l'âme qui répudie toute crainte et qui fait que l'on reste inébranlable au milieu des dangers ; un cœur faible fléchit en présence du moindre péril ; un cœur fort , au contraire, demeure serein au milieu des plus grands chagrins comme des plus grandes catastrophes .

La hardiesse : dénote l'assurance, la résolution et refuse d'être conçue ou exécutée avec timidité .

L'intrépidité : porte à braver le danger avec courage et fermeté ; rien ne peut l'ébranler ni la rebuter .

La vaillance : manière d'être et qualité permanente et en quelque sorte latente d'un individu qui a du courage et de la valeur ; c'est elle qui commande d'être valeureux et qui anime les héros .

La valeur : se manifeste partout où il y a un péril à affronter et des lauriers à conquérir .

L'audace : disposition ou mouvement qui porte à des actions extraordinaires, au mépris des obstacles et des dangers .


Le froid dans la Somme : dessin de Lucien JONAS .


Dans le bois de Roucy dans l'Aisne : La toilette des poilus la veille de la bataille en Avril 1917 . Croquis de guerre par François FLAMENG .


Ambulances pendant la guerre . Enlèvement des blessés dans un poste de secours . Aquarelle de Georges SCOTT .

Noël des enfants qui n'ont plus de maisons . Dessin de Lucien JONAS .

" Nous n'avons plus de maisons !
Les ennemis ont tout pris, tout pris,
Jusqu'à notre petit lit .
Ils ont brûlés l'école et notre maître aussi,
Ils ont brûlé l'église et monsieur Jésus Christ ... "

Claude DEBUSSY


Le " TE DEUM " solennel à NOTRE-DAME de Paris, le Dimanche 17 Novembre 1918 .
Dessin de J. SIMONT .


Les fêtes de Strasbourg : le défilé alsacien le 9 Décembre 1918 . Dessin de notre envoyé spécial J. SIMONT .


Entrée à Strasbourg le 22 Novembre 1918, de la 4e Armée Française, commandée par le Général GOURAUD . Aquarelle de Georges SCOTT .
.
* Cérémonie destinée à rappeler le souvenir des " poilus " , soldats de la Grande Guerre de 1914-1918, qui vécurent des conditions de vie exécrables, odieuses, pitoyables .

** Convention conclue entre les belligérants afin de suspendre les hostilités .

*** et de la liesse générale en Alsace-Lorraine .

Voici quelques images que nous vous présentons pour vous rappeler cette effroyable boucherie ( combats meurtriers, carnages) et être ainsi " de tout cœur " avec tous ces êtres aujourd'hui tous morts , quels qu'ils soient, qui périrent sur cette terre de France dans des conditions inhumaines ,et que nous ne devrons jamais oublier .

Ce texte et ces images ont été présentés dans ce blog par Gerboise, en espérant que personne, ni même les générations futures, ne puisse oublier ces événements tragiques, et en souhaitant ,en espérant de tout notre cœur, que pareille tragédie et un tel immense malheur ne survienne à nouveau en Europe et dans le Monde .

Cordialement et tristement votre, bien à vous, Gerboise .