samedi 17 octobre 2009

La musique, des sons organisés, structurés ? Est-ce un langage* ? oui et non ! C'est plus que ça: c'est " quelque chose** " à aimer et à comprendre !

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* la musique est un langage et, en tant que telle, vaut par ce qu'elle dit, par la manière dont elle le dit ; elle exprime au moins une manière d'être, un être, un drame, une comédie, une impression vécue .
** ce " petit " quelque chose, une chose indéterminée, mais nécessaire à un certain équilibre " de notre esprit ; qui a une certaine importance affective ; pour qui nous éprouvons une grande impression, qui nous touche profondément, qui nous va droit au cœur, qui peut nous troubler, nous attendrir, nous bouleverser, nous interpeller . Des significations ... des valeurs émotionnelles ...

Disons que la musique est un système d'expression ; la faculté d'exprimer la pensée au moyen de sons ... un langage d'une espèce particulière qui sert tantôt à formuler nos méditations, tantôt à exprimer des sentiments, tantôt à suggérer des images . Mais on n'en finirait pas de chercher des définitions au plus indéfinissable de tous les arts .

Quand on est arrivé à aimer et comprendre la musique comme elle doit être comprise et aimée, la musique qui ne correspond à aucune donnée du monde visible, à aucun sentiment classé, cette musique là fait autant de plaisir que l'autre, celle à laquelle nous attachons une signification .

Une fugue (genre de composition où un même thème énoncé successivement par chacune des parties vocales ou instrumentales employées, subit des transformations prévues et donne lieu à des développements multiples . Le maître de la fugue, celui qui en a tiré le plus d'art, est Jean-Sébastien Bach, 1685-1750) parle autant à l'esprit et au cœur, apporte à l'oreille la même volupté que la " Scène au bord du ruisseau " de la Symphonie pastorale ou que la " Mer " de Claude-Achille Debussy[1862-1918] qui a marqué ce genre symphonique d'une empreinte ineffaçable .

Il n'en reste pas moins que beaucoup d'auditeurs éprouvent le besoin de rapporter leurs sensations musicales à des réalités familières . Ils préféreront que la musique leur dise : j'ai voulu décrire une belle matinée d'automne; les clameurs tonitruantes, retentissantes d'un orage; les bruissements , les murmures d'un ruisseau . Et si le musicien a négligé de leur donner un fil conducteur, ils se raconteront à eux-mêmes, pendant le concert, une petite histoire ancrée sur leurs souvenirs parmi les plus prégnants (riches de potentialités) de leur jeunesse .

De même qu'il y a des dizaines de définitions ou explications possibles de ce qu'est la musique, on peut prendre pour l'écouter beaucoup d'attitudes différentes .

- Le technicien (par rapport au théoricien, à l'artiste, personne qui connaît et contrôle professionnellement des applications pratiques et économiques d'une science, d'un art ) s' attachera aux problèmes de fabrication, aux détails de l'agencement sonore, à la correction et aux libertés de l'écriture, à l'emploi plus ou moins ingénieux des instruments .

- Le mélomane ( personne qui connaît et qui aime la musique avec passion, à l'excès) averti (qui connaît bien, qui est au courant de la question) s'intéressera à la valeur et à l'originalité des" idées " , à la recherche des parentés et des influences . En écoutant une rengaine (formule, chanson, répétée à tout propos) banale, il aura le plaisir de constater qu'il n'est pas dupe . Il aura su voir, en effet, que l'auteur parle pour ne rien dire, ou pour dire des choses déjà dites, ou de pauvres choses . En écoutant attentivement " Ma mère l' Oye, de M. Maurice Ravel[ 1875-1937] , il s'apercevra que ce compositeur réputé difficile, doit beaucoup à son premier maître, le populaire et charmant Jules Massenet [1842-1912] . Ces rapprochements, ces comparaisons sont un des grands plaisirs de l'auditeur cultivé .

- L'auditeur ( personne qui écoute, qui prête l'oreille) moins averti cherchera des points de repère, des analogies, entre la musique et le monde réel . Et il sera reconnaissant au musicien qui aura trouvé un titre éloquent ( qui sans discours, est expressif, révélateur, fonctionne comme un signe ) à son morceau .

- D'autres s'abandonneront sans résistance au courant d'une rêverie confuse (qui manque de clarté, que l'on saisit mal) .

Pour bien des gens, la musique est d'abord un alcool, un opium, avant d'être la révélation d'un monde inconnu .

Chacun aime la musique à sa manière . L'essentiel est de l'aimer, et de ne pas placer trop mal ses affections .

Il n'existe pas de recettes qui permettent à l'auditeur inexpérimenté de sympathiser du premier coup avec des musiques inconnues .

Mais voici quelques conseils d'ordre très général (si vous l'estimez nécessaire) qui, peut-être, vous faciliteront l'exercice du difficile métier d'auditeur .

A - Gardez-vous de croire que toutes les musiques se valent : que c'est simplement " affaire de goût " , et que tous les goûts sont bons puisqu'ils sont dans la nature .

Cette phrase qui a traîné partout, qui donne une satisfaction paresseuse à la vanité de l'ignorant, est indigne de vous .

Comme toutes les créations humaines, les œuvres musicales ont une hiérarchie . Une chanson rudimentaire coulée par un industriel dans le moule d'un " succès du jour " ne vaut pas une mélodie créée par un artiste de génie, maître de toutes les ressources de son art .

D'une musique à l'autre, il y a la même différence que d'un chromo (toute image en couleur criarde de mauvais goût) de bazar à un chef-d'œuvre de musée, d'un couplet de mirliton (d'une mauvaise poésie ) à un poème de Ronsard ou de Verlaine, d'une vulgaire cotonnade à un lainage somptueux, d'une dentelle fabriquée à la machine à une autre qui sort des doigts de la dentellière, d'un fromage industriel non affiné à un autre cultivé par un maître-affineur, d'un vin de coupage à un grand cru . Vous n'aimez que les petits vins de pays ? C'est votre droit . Mais alors ne vous donnez pas le ridicule de jouer les connaisseurs et de dénigrer les Margaux et les Chambertin .

B- La bonne musique se distingue aisément de la mauvaise, et les vrais connaisseurs, sous leurs divergences apparentes, ne s'y trompent pas .

L'originalité, l'intelligence, l'habileté du métier, la sensibilité, ce sont là des qualités précises, tangibles, mesurables .

Bien entendu, une musique à laquelle vous reconnaîtriez loyalement toutes ces qualités pourrait encore ne pas vous plaire .

L'amour ne se fonde ni sur l'estime ni sur la raison .

Une des propriétés de la bonne musique est la résistance à l'usure . Deux cents ans ont passé depuis que Gluck a écrit Orphée : et Orphée est aujourd'hui encore au répertoire de l'Opéra-Comique . Qui se souviendra dans dix ans de ces opérettes triomphales qui ne doivent leur incroyable succès qu'à l'ignorance des foules ; ou de ces rengaines qui font fureur mais ne sont, comme on dit, que des " déjeuners de soleil " ?

Une autre particularité de la bonne musique, c'est qu'elle demande généralement un effort de compréhension, c'est qu'elle ne livre pas tout de suite son secret .

Il en est de la musique comme des femmes : celles qui s'offrent à tout venant, celles qui tombent dans vos bras au premier signe, ne présentent guère d'intérêt . On ne saurait s'attacher à ces compagnes de passage, si agréables fussent-elles .

C - Il n'y a aucune raison de vous décourager, si, nouveau venu dans la société des amis de la musique, l'audition d'une oeuvre célèbre vous laisse insensible .

Qui sait d'abord si cette oeuvre n'est pas un de ces faux chefs-d'oeuvre dont la réputation usurpée appelle une révision ?

La sagesse, dans le doute, est de laisser à de mieux informés le soin d'en décider .

Il faut être bien sûr de sa compétence et de son goût pour déclarer d'un ton tranchant :
Cette Symphonie est ennuyeuse " . Et encore plus pour affirmer : " Toutes les symphonies sont ennuyeuses " .

Une page qui vous ennuie aujourd'hui - et c'est votre droit, bien entendu, d'avouer qu'elle vous ennuie, - un morceau qui vous paraît incompréhensible parce qu'il change le cours de vos habitudes, vous surprendra moins dans six mois, lorsque vous le connaîtrez mieux, lorsque vous aurez un meilleur entraînement de l'esprit et de l'oreille . Et rien ne dit qu'un jour vous ne le prendrez pas en affection .

Avant de déclarer une montagne inaccessible ou son escalade dépourvue d'intérêt, vous vous en remettez à l'avis des grimpeurs exercés qui en ont tenté l'ascension .

Pourquoi ne pas observer la même prudence élémentaire en présence des sommets escarpés de l'art ?

Arrivés au terme de ces réflexions, nous nous apercevrons qu'il ne s'adresse guère qu'à la raison du lecteur .

Quelle erreur pourtant commettrait l'auditeur qui ne verrait dans la musique qu'un exercice de l'esprit !

La musique, la bonne musique, dite classique, est aussi un charme, un enchantement .

Elle touche, elle ravit, elle enivre, elle exalte . Elle nous élève au-dessus de notre misérable condition humaine . Elle nous rend meilleurs .

Il est permis, certes, d'en raisonner . Mais il faut savoir s'abandonner sans résistance au flot des émotions qu'elle éveille en nous . Il faut savoir l'écouter avec son cœur .

En espérant que certaines musiques " celles que vous aimez ", pourront vous enivrer (vous remplir d'une sorte d'ivresse des sens, d'une excitation ou d'une émotion très vive) et ainsi vous faire rêver et vous faire oublier les soucis de la vie , Gerboise vous souhaite le bonheur et la santé, pour vous, et tous ceux qui vous sont chers .

Cordialement votre .





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