mardi 27 octobre 2009

Quelques réflexions et sentiments sur la Technique, sans parler des sciences : de quoi s'agit-il ?


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La technique pénètre peu à peu dans la vie paysanne , dans le monde agricole ; ci-dessus une des premières batteuse à vapeur, vers 1859 .

Les fonderies vont participer à la grande extension des techniques de l'industrie naissante ,vers 1740 . La force motrice est loin d'avoir remplacé d'une manière générale la force humaine . Ci-dessus, ces enfants travaillent dans les ateliers de coulage de la fonte ; ils sont astreints à des travaux longs et pénibles .


Atelier de Lutherie à Mirecourt dans les Vosges, industrie importée d'Italie en 1662 dans lequel nous pouvons observer les ouvriers luthiers exerçant un ensemble de techniques diverses .

Métiers et techniques vers 1830 . La tradition artisanale française [et ses différentes techniques] se perpétue dans le goût traditionnel et l'amour des belles choses . Vous pouvez observer sur la figure ci-dessus : reproduction d'une gravure sur bois d'après une estampe populaire de Metz, les attitudes séculaires {de gauche à droite, et de haut en bas} d'un bourrelier, puis d'un tonnelier, puis d'un charron, puis d'un relieur, puis d'un cordier, puis d'un boulanger, puis d'un bimbelotier ( fabrication des bibelots) et enfin d'un vannier .

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" Notre serrurier est devenu un artiste . Il a si bien travaillé le métal que celui-ci se fond dans l'architecture ; il en a fait des grilles superbes qui mettent le panorama en valeur sans le cacher . Le fer se fait aussi souple que le bois . Il se tord en feuilles légères et mobiles ; une fois sa rudesse disparue, il devient une matière vivante . "

Louis-Sébastien Mercier, écrivain, dramaturge (auteur d'ouvrages destinés au théâtre) et publiciste français, 1740-1814 , La mécanisation au pouvoir .

Nous allons " toucher du doigt " ce que l'on nomme la technique, cette catégorie de pensée qui s'exerce sur l'action elle-même, et s'expérimente, s'instruit par de continuels essais, tentatives et tâtonnements (avancer sur la pointe des pieds !) .

Comme on observe qu'un individu même inexpérimenté à force d'user (d'utiliser, de se servir) d'un mécanisme,de le manipuler et de le pratiquer de toutes les manières et dans toutes les circonstances et conditions, finit par le connaître d'une certaine manière, et tout à fait différemment qu'un autre qui aurait servi au préalable la science, la grande différence entre ces deux hommes, c'est que le technicien ne distingue point l'essentiel (qui est absolument nécessaire) de l'accidentel ( qui est dû au hasard) .
Tout est équivalent, pareil, semblable pour lui, et il n'y a que le succès qui rentre en ligne de compte, qui lui importe . Ainsi un agriculteur peut se moquer d'un agronome, un bouseux (un paysan) d'un vétérinaire ; non qu'un paysan sache ou seulement soupçonne pour qu'elle raison l'engrais chimique, ou le nouvel assolement ( procédé de culture consistant à diviser les terres labourables en parties égales[soles] et à y établir, successivement et en alternant, des cultures différentes pour conserver la fertilité du sol) , ou un labourage profond n'ont point donné ce qu'on attendait, seulement, par une longue pratique, il a réglé toutes les actions de culture sur des petites différences qu'il ne connaît point mais dont pourtant il tient compte, et que l'agronome dans un cas, ou le vétérinaire dans un autre, ne peut pas même soupçonner .

Quelle est donc la particularité, le propre de (la qualité distinctive qui caractérise, qui appartient à une chose, à une personne) de cette pensée technicienne ?

C'est qu'elle essaie ( essayer de : faire des efforts dans le dessein de[s'efforcer, tenter de] ) avec les mains au lieu de chercher par la réflexion .

Le premier mouvement de l'horloger, qui est de secouer un réveil muet, est un mouvement de technicien . Et comme il y a une manière de secouer qui est plus utile qu'une autre, il y viendra naturellement ; le principal effort de la pensée est ici de remarquer le succès en même temps que les circonstances et les actions, sans rien omettre (négliger,laisser de côté) . J'ai constaté, remarqué, chez les gens de métier une mémoire exceptionnellement tenace (qui respecte et fait respecter ses opinions, ses décisions avec fermeté et constance) , et à peu de chose près anecdotique, de leurs moindres essais . Cependant il nous semble qu'on peut distinguer à ce sujet deux espèces , deux variétés de techniques ; car il y a celle qui essaie sans dommage et constate aussitôt l'effet, comme il arrive dans les mécaniques ; au contraire dans la pratique agricole de monde rural, les essais coûtent cher (surtout s'ils ne conduisent pas à des résultats probants, décisifs ) et le résultat se fait attendre longtemps . Entre les deux nous mettrions le médecin, l'ensemble du corps médical , mais également, par exemple,la fonderie (les métiers du feu) , dont les essais sont toujours sont toujours tâtonnants et prudents, mais qui peuvent presque toujours essayer sans grands risque .

Il est évident, manifeste, clair, sans équivoque, que le technicien qui, de ces trois, réfléchit le moins, c'est le mécanicien, qui à chaque embarras , difficulté, inconvénient fait, en quelque sorte, la revue des moyens, et les essaie promptement, en un instant, en deux temps trois mouvements, souvent même avant d'avoir observé . L'homme du " serment d'Hippocrate " observe d'abord . En ce qui concerne l'homme de la terre, le paysan, il est plutôt ramené par la pratique de son métier à suivre une règle d'action bien des fois mise à l'épreuve ( éprouvée, vérifiée) .

On pourrait appeler technique immédiate cette technique qui est aussitôt redressée par l'effet, comme on voit dans la mécanique, la physique , la chimie et la biologie .

C'est à ce moment là, dans ces conditions, que nous pensons avec nos mains(!) et que des milliers d'essais entraînent bien plus loin que l'observation la plus pénétrante, perspicace, pertinente , subtile .
Ne faut-il pas se prononcer, considérer la technique pure, et préciser quel est le genre d'esprit qu'elle engendre et laisse présager, entrevoir, qu'elle laisse envisager . Cependant il est évident que rien ne peut garder de la précipitation, dès que l'habileté technique est acquise ; l'action va devant, et l'esprit ne travaille que sur les résultats, les mains sont prudentes mais l'esprit ne l'est point, assuré d'être redressé toujours par la chose (la réalité).

" On va bien voir " , voilà une expression de mécanicien ou d'expert de la matière ou des hommes !

Ce que nous voulons vous faire considérer, comprendre , c'est que les Mathématiques, méditatives en leur premiers essais, deviennent d'une manière décisive et définitive, technique par l'usage du Calcul, et d'autant davantage que les problèmes sont plus compliqués, complexes ; nous énonçons un contenu technique, même dans la découverte, comme nous voyons en Leibniz ou Euler, qui sont habiles à essayer, et réellement transforment une manière d'écrire comme d'autres arrivent à faire marcher un mécanisme rebelle .

L'esprit mathématicien s'explique assez bien par des remarques de ce genre . On pourrait considérer qu'un Mathématicien est en réalité un travailleur et non un penseur . En tout technicien, de mathématique ou bien d'expert de la matière ou des affaires humaines, nous retrouverons toujours cette impatience qui exige l'action et ne sait point penser avant que l'objet réponde ; et comme conséquence naturelle ce vide de l'esprit résultant de ce que l'idée est toujours ramenée au procédé, ce qui efface la notion même du vrai et du faux .

Un technicien est systématiquement sceptique (scepticisme : attitude critique faite de défiance, d'incrédulité, de refus de toute illusion) , dubitatif, même avant d'avoir essayé, expérimenté, mis à l'épreuve .

Cependant ce qui est extraordinaire et remarquable, c'est qu'après avoir essayé, son scepticisme est encore plus intense . De même, après une longue suite de succès, il peut l'être davantage .

Une idée nouvelle n'est jamais créée de toute pièce, elle doit être forgée, construite,'édifiée progressivement
.

Le terme de technique recouvre, s'applique à un grand nombre de phénomènes et comporte des sens très différents . Non seulement, ce qui en fait la difficulté ,c'est que ces sens visent des réalités diverses :

D'un côté des réalités concrètes [ la technique des moulins à vent ou des moulins construits au fil de l'eau des rivières] , de l'autre des objets d'études scientifiques [celles concernant de nouveaux types d' éoliennes ou de capteurs solaires] . Il apparaît qu'aux prémices ( commencement, début ; ne pas confondre avec prémisses : affirmations dont on tire une conclusion, commencement d'une démonstration) de ces recherches on désignait par technique, et en conformité avec son étymologie une certaine manière de faire [ how to do ] , procédé ou ensemble de procédés .

Des questions pertinentes surviennent à l'esprit lorsque nous sommes amenés à réfléchir à propos de cette notion de technique :

- Tout d'abord, qu'est-ce qu'un problème technique ?
- Par la suite, un objet technique ?
- Ensuite, une impossibilité technique ?
- Enfin, une valeur technique ?
- Quelle position respective existe-t-il entre la Technique, la Science et l'Art ?

Nous répondrons à ces questions dans d'autres circonstances ; nous les laisserons momentanément en attente .

Cordialement votre, bien à vous, Gerboise .



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