dimanche 21 mars 2010

Le laisser-aller*,le relâchement,la désinvolture et le désir d'absence de contraintes: un malheur,un fléau**,un désastre***qui peut nous ronger **** !




Dans la partie supérieure : Entrée de la grande Chartreuse ; juste ci-dessus : Vue générale de Grenoble, ville natale de Stendhal . Cette ville provinciale à l'époque de l'auteur de la Vie d'Henry Brulard et plus tard de la Chartreuse de Parme , était pour Stendhal une de ces bourgades provinciales où les esprits végètent ; d'où ses craintes pour sa sœur Pauline .

" Tout ce qui est bas et plat dans le genre bourgeois me rappelle Grenoble, tout ce qui me rappelle Grenoble me fait horreur, non, horreur est trop noble, mal au cœur " .


Paysage du Massif de la Grande Chartreuse .
.

" Il faut secouer la vie ; autrement elle nous ronge ".

Stendhal, , Henri Beyle, écrivain français, 1783-1842, [lettre à sa sœur Pauline du 4 Septembre 1809] .

* laisser-aller : négligence dans les manières, dans la conduite, qui fait qu'on se laisse entraîner par ses penchants vers la mollesse ou la paresse ; abandon de toute dignité .
** fléau : personne ou chose nuisible, qui peut anéantir, désorganiser profondément et définitivement ce qui est actuellement viable .
*** désastre : insiste sur les dégâts irréparables causés par l'événement .
**** ronger : détruire peu à peu, subrepticement, sournoisement .

Ce message à sa sœur, de ne pas se laisser dévorer par la médiocrité d'un milieu dans lequel elle se trouvait, dans lequel elle s'étiolait ( s'étioler, dépérir, décliner, s'atrophier ; décadence des personnes privées [d'air, de lumière] dans notre conteste, d'une énergie vitale ) est plein de sagesse .

Ce conseil est l'un des plus riche de conséquences que l'on puisse vous présenter .
Au point de vue de la notion actuelle de réussite professionnelle, les états d'âme de Stendhal, se sont souvent posé en ces termes : comment réussir socialement sans devenir moralement un médiocre .
Il exècre ( exécrer : avoir de l'aversion [détester] , du dégoût pour quelqu'un, pour quelque chose ) ce qu'il appelle les âmes basses, ou les âmes plates, en fait les âmes dont la vie s'est retirée . Il n'apprécie pas certains milieux des provinces à son époque dans lesquels les esprits perdent leur dignité, leur hauteur, s'engourdissent, s'endorment, s'ankylosent, " se rouillent " et meurent .

Il faut lire ces lettres de Stendhal à sa sœur où apparaît déjà cette " altitude " , cette hauteur qui caractérise celui qui écrira plus tard " Le Rouge et le Noir " et dans lesquelles figurent par moments des traits de génie dans l'écriture comme celle-ci :

" On perd son feu (son ardeur, sa flamme) à vouloir le communiquer à des morceaux de glace " ( à des gens sans âme, sans envie de progresser) .

Rester intellectuellement et moralement vivant, éviter de se figer dans un dogme ou dans une routine, maintenir, conserver, même s'il en coûte, les droits de la conscience errante .

Inspirons-nous de Sainte-Beuve ( écrivain français ,1804-1869 , journaliste au journal Le Globe à vingt ans et déjà critique littéraire) qui dans les Nouveaux Lundis énonçait la nécessité d'une constante vigilance ( par exemple, à notre époque, de nos jours, se contraindre à construire chaque jour un billet dans notre blog Gerboise) pour éviter l' anéantissement de l'esprit :

" De même qu'autour d'un vaisseau menacé d'être pris par les glaces, on est occupé incessamment à briser le cercle rigide qui menace de l'emprisonner, de même chacun à chaque instant devrait être occupé à briser dans son esprit le moule qui est prêt de prendre et de se former . Ne nous figeons pas ; tenons nos esprits vivants et fluides " .

Si nous considérons la vie morale, Sainte-Beuve nous livra un texte que Stendhal aurait pu reconnaître, faire sien .

" A quarante ans les uns se font aigres, les autres fades ; d'autres "tournent au porc" . Moi, je me fais loup . Je dis NON, je rôde et je me maintiens inattaquable dans les grands bois enneigés " .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

mercredi 17 mars 2010

Principe de précaution et de prévention .Entretien avec Hubert Curien,Vice-Président de l'Académie des Sciences (complément du billet du 10 Mars 2010)



Hubert Curien

Vice-président de l'Académie des sciences

Entretien réalisé par François Ewald et Jean-Hervé Lorenzi

1-Risques : " La notion de risque " , depuis Pascal jusqu'aux années 1970, a été utilisée comme instrument de mesure, et donc de réduction de l'incertitude (choses imprévisibles ; manque de fondement contrôlable) . Depuis cette époque, sans doute dans le sillage (sur les traces, dans le domaine) de l'écologie, on assiste à une tout autre utilisation : le risque comme producteur d'incertitude, la notion s'y prêtant assez bien puisque le risque est toujours virtuel. Partagez-vous ce sentiment (cette connaissance intuitive) d'un double usage, contradictoire, du risque ?

Hubert Curien : Absolument. Je le formulerai d'une façon un peu différente, en faisant une distinction entre prévention et précaution. Prévenir, c'est s'efforcer de contrôler toutes les conséquences de ses inventions et de ses productions.

La prévention permet de maîtriser tout ce que l'on peut prévoir. La précaution conduit à envisager toutes sortes de choses qui ne peuvent être démontrées, mais qui sont émotionnellement évoquées. On vous demande, quoi que vous fassiez, d'être en mesure de prévenir un événement qui n'est pas prévisible, mais dont on ne peut pas dire qu'il n'aura pas lieu [à un moment donné, en un lieu déterminé, dans un certain nombre de circonstances].( cité par Claude Allègre dans son livre: Ma vérité sur la planète)

De la prévention à la précaution, on passe du rationnel à l'émotionnel . Le rationnel, les scientifiques et les techniciens savent le traiter par les méthodes qu'ils ont apprises, qu'ils ont eux-mêmes élaborées. En ce qui concerne la précaution, l'exercice est beaucoup plus difficile car il s'agit d'aller au-devant de conséquences que les techniciens n'imaginent pas, mais que le public anticipe pour eux et indépendamment d'eux, le plus souvent avec l'aide des médias. Je ne dis pas du tout que ce soit ridicule. C'est un signe des temps. Cela fait partie des attitudes du monde contemporain. Mais encore faut-il veiller à ne pas mélanger le rationnel et l'émotionnel. Évitons que la précaution ne devienne inhibition (ne conduise à une paralysie, à un processus suspendant ou diminuant l'activité normale):

« Je ne dois rien faire puisque, quoi que je fasse, je ne peux pas démontrer qu'il n'y aura pas de conséquences néfastes. »

2-Risques : Un de vos collègues de l'Académie des sciences, le professeur Maurice Tubiana, soutient que l'on ne doit pas tenir compte des risques que l'on ne mesure pas.

Hubert Curien : C'est une doctrine que, jusqu'à présent, les scientifiques ont souvent défendue. Mais elle n'est plus uniformément admise par le public.

Nous faisons une distinction entre prévention et précaution, entre rationnel et émotionnel, entre les risques que le scientifique et le technicien peuvent prévoir et ceux que l'usager, le contemporain non spécialiste, peut imaginer. Jusqu'ici, il n'était pas nécessaire d'en tenir compte parce que le public faisait confiance aux savants : « ils savent, déclarait-on. Maintenant, on dira plutôt : « Les savants savent, mais nous, nous savons aussi ce que nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas de conséquences de cette nature ; nous ne voulons pas de tout ce qui, par hasard, sans même que vous l'imaginiez, pourrait conduire à telle ou telle conséquence. »

Il importe que le principe de précaution, qui est en soi une bonne chose, ne se transforme pas en principe d'inhibition et d'interdiction systématique. Les optimistes soutiennent qu'il stimule l'imagination, la création, et permet une innovation plus réfléchie, plus conséquente. Il ne faut pas caricaturer le principe de précaution, disent-ils, mais le considérer comme un enrichissement de la manière d'agir des inventeurs, des innovateurs et des savants modernes.

3-Risques : Avez-vous avez le sentiment qu'il existe des cycles de grandes peurs ? Sommes-nous aujourd'hui dans une de ces périodes ?

Hubert Curien : Aujourd'hui, la découverte – je ne dis pas l'invention, mais la découverte – et la compréhension de la nature ont progressé si rapidement que la moyenne de nos contemporains n'est pas en mesure d'appréhender ce savoir sans un effort considérable.

Or, ce que l'on n'appréhende pas, on le rejette. Les découvertes scientifiques vont trop vite eu égard à la capacité de l'intelligence collective. La diffusion du savoir n'est pas suffisante. Ceux qui en sont familiers, qui sont informés, redoutent moins ses conséquences possibles.

4-Risques : Plutôt que de parler d'un cycle des peurs, qui fait intervenir une espèce de providence, n'a-t-on pas plutôt affaire à des groupes qui produisent la peur et mènent une bataille passant par l'idée qu'elle est nécessaire pour s'opposer à l'évolution du monde ?

Hubert Curien : En effet, certains s'ingénient à entretenir la crainte de l'avenir, à culpabiliser les non-inquiets. Ce point met en lumière un autre aspect de notre psychologie qui est la responsabilité. Les scientifiques se sentent de plus en plus responsables, ce qui est une très bonne chose. Mais cela ne rend pas moins irresponsables ceux qui répandent des informations erronées et prophétisent l'apocalypse.

Ils mesurent mal les conséquences de leurs dires.

On peut comprendre que quelqu'un ait des craintes, mais exiger que cette peur soit partagée par tous me paraît relever d'une certaine irresponsabilité.

5-Risques : Les grandes peurs ne se développent-elles pas dans les domaines où les scientifiques ne se prononcent pas, comme l'environnement ?

Hubert Curien : Nous nous trouvons devant des cas difficiles, tel celui de la « vache folle ». Ceux qui pensent être rationnels déclarent que le nombre de cas de transmission à l'homme est très limité. Sans doute, mais dire que l'automobile est infiniment plus meurtrière ne changera rien au problème. Ce type de raisonnement n'est plus accepté.

La crainte de voir les biologistes fabriquer des monstres est aussi un sentiment irrationnel. Irrationnel, mais non irraisonné, car il n'est pas impossible que cela se produise un jour.

6-Risques : Comment pondérer les risques dans ces situations d'incertitude ?

Hubert Curien : Les ingénieurs et les chercheurs essaient aujourd'hui d'avoir des modes d'action que l'on peut qualifier d'intégrés. En amont, on prend en compte l'économie de matières premières et d'énergie ; en aval, on veut savoir comment les produits que l'on fabrique se dégraderont. Le génie des procédés est maintenant un génie intégré, qui tient compte de la matière première et de la consommation d'énergie comme des déchets et du devenir à long terme de ce qui est fabriqué.

7-Risques : Les risques perçus ne sont-ils pas plus importants aujourd'hui ? Par exemple, n'est-il pas possible de dire que le réchauffement de la planète est bien réel ?

Hubert Curien : Ce sont là des phénomènes extrêmement complexes. On peut affirmer, au vu d'un certain nombre de constats et de mesures, que l'évolution se fera dans un certain sens. Mais le nombre de paramètres à prendre en compte est tel que rien n'est définitivement acquis. On peut cependant faire état de fortes probabilités.

8-Risques : Faut-il appliquer le principe de précaution vis-à-vis du réchauffement de la planète ?

Hubert Curien : D'une façon générale, oui. Cependant, le principe de précaution consiste-t-il à dire qu'il ne faut rien changer parce que l'on ne veut pas que la Terre se réchauffe ou se refroidisse ou que telle espèce animale disparaisse alors qu'une autre prolifère ? Le statu quo n'est pas nécessairement idéal.

Le changement peut aussi être générateur de progrès.

La difficulté réside dans la définition du progrès. Il y a une centaine d'années, celle-ci ne faisait pas question. Elle est aujourd'hui plus floue. Progrès pour qui ? Progrès pour quoi ? Si le progrès consiste en fait à différencier de plus en plus le bien-être des nantis du mal-être des pauvres, il est bien peu sympathique.

On soutenait jadis que « accroissement de la connaissance = progrès » et « progrès = bonheur ». Cette double égalité était largement admise. Maintenant que le progrès mérite une définition plus moderne et que l'on voudrait que le bonheur soit plus universel, les deux termes de cette double équation appellent une nouvelle réflexion.

9-Risques : Le progrès n'est plus un absolu.

Hubert Curien : Parce qu'il est défini différemment selon l'état d'avancement, le mode de vie de ceux qui en parlent.

10-Risques : Ne peut-on dire que cela tient à ce que nous pensons avoir vaincu un certain nombre des grands maux ? La faim, par exemple, dans les pays industrialisés, certaines grandes maladies infectieuses ? N'a-t-on pas le sentiment, dans nos sociétés fortement développées, que le progrès est devenu superflu ? Comme un luxe qui ne serait plus nécessaire.

Hubert Curien : Pour les citoyens d'un pays pauvre d'Afrique ou d'ailleurs, le progrès est tout aussi nécessaire que pour les Parisiens du temps de Pasteur.

11-Risques : N'est-on pas en train de perdre quelque chose d'essentiel dans notre culture ? L'idée que l'innovation est bonne en principe, que l'on doit toujours innover, qu'il y a un impératif de la recherche.

Avec cette idée que le progrès est une valeur relative, n'est-on pas en train de perdre quelque chose d'essentiel à notre civilisation ?

Hubert Curien : Inventer est le propre de l'homme. Par le passé, on s'interrogeait sans doute moins sur les conséquences de l'invention. Aujourd'hui, l'inquiétude se développe. Autrefois, les hommes ne se posaient guère de questions à propos de la nature ; ils ne savaient rien ou presque. Les catastrophes étaient la manifestation de la volonté divine. Maintenant, lorsqu'une catastrophe survient, le responsable est immédiatement désigné : c'est le savant nucléaire qui a bricolé avec l'uranium, le nutritionniste qui a manipulé les aliments...

12-Risques : Si on vous demandait quels sont les trois plus grands risques actuels, que répondriez-vous ?

Hubert Curien : Je ne parlerais pas tant en termes de risques que de manques. Vous évoquiez tout à l'heure les maladies et notamment les maladies endémiques.

D'énormes progrès restent à accomplir. On dit souvent que ce n'est pas une question d'invention, de science, de biologie, mais d'économie : si l'on dispose des médicaments pour traiter les grandes maladies du globe, beaucoup de ceux qui en souffrent sont pauvres et le système économique ne leur permet pas l'accès aux soins nécessaires. Cela est en grande partie vrai.

a-Les très grands risques, depuis un siècle, sont les risques naturels, les séismes par exemple. Dans ce domaine, on progresse dans la connaissance, dans l'explication a posteriori, mais les moyens à mettre en œuvre pour les prévenir sont encore hors de notre portée. On ne peut que prévenir les conséquences des risques naturels, ouragans, tremblements de terre, éruptions volcaniques...

b-Le deuxième risque majeur a trait aux conflits qui dégénèrent. Comment ne pas être frappé par la persistance de conflits ethniques, non seulement en Afrique, mais en Europe ? La science n'est guère armée pour les prévenir.

c-Un troisième grand risque concerne l'homme au travail, le rapport de l'homme avec ses inventions, le rapport de l'homme avec ses machines. Les inventions simplifient les tâches, mais créent en même temps les mises en situation que nos concitoyens ne sont pas toujours prêts à assumer.

L'homme ne doit pas devenir l'esclave des machines qu'il a inventées.

13-Risques : On peut dire que le principe de précaution est une manière d'étendre la perspective temporelle à prendre en compte. Évidemment, plus on l'étend, moins la science est en mesure de répondre, plus les incertitudes augmentent. Est-ce que, à travers ces changements d'échelle, ne se joue pas aussi la question de qui doit avoir le pouvoir dans la décision ?

Hubert Curien : La question est bien celle du pouvoir.

Qui décide et comment décide-t-on ?

La réponse que nous attendons tous est une décision démocratique prise par l'ensemble des intéressés, c'est-à-dire la communauté humaine. Encore faut-il, pour décider de manière honnête, que cette communauté soit bien informée. Comment informer les gens ? Si ce sont les scientifiques qui le font, on les suspecte de ne dire que ce qu'ils jugent bon de dévoiler. Les journalistes, dit-on alors, peuvent corriger l'éventuelle discrétion sélective des scientifiques. Sans doute, mais ils risquent aussi d'aller trop loin et d'entrer dans l'émotionnel. Les décisions ne seront alors pas nécessairement celles que, démocratiquement, on pourrait attendre.

14-Risques : Ce à quoi il faut ajouter que les scientifiques ne sont pas toujours d'accord entre eux.

Hubert Curien : Sur des problèmes complexes, ils avancent souvent selon des voies différentes, mais ils finissent toujours par se rejoindre. Il n'y a pas d'exemple où les choses ne finissent par s'éclaircir.

15-Risques : C'est une question de temps.

Hubert Curien : Le temps devient une denrée rare. Sitôt qu'un chercheur ou une équipe pense avoir fait une découverte qui pourrait se révéler sensationnelle, il ou elle ne résiste pas au plaisir de le faire savoir, qu'il s'agisse de la mémoire de l'eau, de la fusion froide... La communauté scientifique n'est pas vraiment convaincue, mais certains faits existent. Un an plus tard, on s'aperçoit que de nombreux autres faits viennent les contredire et on comprend pourquoi on a pu croire qu'il s'agissait d'une découverte. Mais tout cela décrédibilise la science aux yeux du public : les scientifiques sont donc capables de se tromper. Autrefois, un temps de maturation assez long s'écoulait entre la découverte au laboratoire et la diffusion dans le public. Ce qui n'était pas bon tombait de soi-même. Aujourd'hui, c'est souvent ce qui ne sera pas retenu à long terme qui est le plus orchestré à court terme.

16-Risques : Vous avez exercé les fonctions de ministre de la Recherche, vous êtes aujourd'hui vice-président de l'Académie des sciences. Quelle est, à votre avis, la responsabilité de l'État ou de la communauté scientifique pour traiter de ces questions ?

Hubert Curien : Il faut d'abord les traiter dans le calme. Pas d'affolement, pas d'emballement, pas d'accélération de peur de manquer l'événement.

La science et la technologie doivent imbiber notre culture et ne pas être considérées comme des matières auxquelles on ne s'intéresse que lorsqu'un accident se produit ou lorsqu'une crainte est montée en épingle.

Les scientifiques souhaitent qu'elles deviennent familières de manière à écarter les appréhensions d'ordre émotionnel. Les inquiétudes réelles sont justifiées ; mais plus on se familiarise avec la science, moins on s'invente des diables qui n'existent pas.

Il s'agit donc, dès l'école primaire, d'essayer de faire passer des modes de raisonnement qui conduisent à l'explication des constats d'observation.

Une difficulté vient du fait que l'on ne peut guère progresser dans la connaissance scientifique sans un support mathématique. Nous devons aménager nos systèmes d'éducation pour établir un bon équilibre entre l'observation et la modélisation, entre le concret et l'abstrait. Le goût des sciences doit s'ancrer dans la familiarité avec la nature.

17-Risques : Vous avez donc le sentiment que le goût pour la culture scientifique est en train de régresser ?

Hubert Curien : Je ne dirais pas qu'il a régressé, je constate seulement que les jeunes gens qui sortent des universités ou des grandes écoles ont de plus en plus tendance à se diriger vers des carrières touchant à l'économie plutôt qu'à la technologie.

Ils ont le sentiment, appuyé sur des démonstrations qui ne sont pas nécessairement fausses, que ce type d'activités leur apportera une vie plus agréable et plus confortable.

18-Risques : Envisagez-vous avec l'Académie des sciences de prendre des initiatives sur ce terrain ?

Hubert Curien : Nous devons absolument nous engager pour faire en sorte que les activités scientifiques exercent un plus grand attrait sur la jeunesse.

Plusieurs initiatives ont déjà été prises avec succès. L'enthousiasme n'est jamais aussi fécond que

lorsqu'il prend appui sur l'expérience ." "

Ce texte a été publié dans : RISQUES, Les cahiers de l'assurance, en décembre 2000.

La richesse des concepts énoncés et commentés dans ce texte, exige que nous reprenions certains d'entre eux dans un prochain billet .

Cordialement , bien à vous, Gerboise .


Décembre 2000 N° ISBN 2-909303-04-7

lundi 15 mars 2010

La description des choses,des êtres et des phénomènes,c'est donner l'illusion de la réalité; apprendre l'art de copier la nature avec notre réalisme .

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La description est la peinture animée des phénomènes, des objets et des êtres .

Elle n'énumère pas, elle fait plus qu'indiquer : elle peint, elle dépeint, elle conte, elle exprime, elle décrit,elle montre, elle raconte, elle représente, elle retrace ...

Elle ne se contente plus de caractériser ce qu'elle pense, voit, entend, sent, touche, goûte .

Elle le montre à l'esprit, aux yeux, aux oreilles, au nez, à toutes les aires tactiles, au palais un des organes du goût ; elle en trace le tableau .

La description est un tableau qui rend les sentiments, les choses matérielles, etc. ... visibles, détectables par un ou plusieurs de nos sens . En un mot, le but de la description est de donner l'illusion de la vie ; de l'immobilité ou de l'animation des objets matériels .

Sa raison d'être, son effort, son ambition, c'est de faire vivre, de rendre vivants, matériels et tangibles les détails, les situations, les êtres, tout ce qui est physique, principalement la nature . Ici, c'est l'imagination surtout qui est en jeu, une certaine force de résurrection qui évoque ce qu'on a vu ou qui crée ce qui n'existe pas .

La description est la pierre de touche du talent .

C'est elle qui distingue les bons et les mauvais écrivains et les personnes qui possèdent un esprit clair, une volonté de vraiment communiquer avec leurs interlocuteurs .
Certains auteurs, de nombreuses personnes qui désirent interagir avec les autres , ont beau accumuler les détails, embellir leurs phrases, on ne voit rien, on lit des mots, cela ne frappe pas .

D'autres, avec quelques traits, sont des évocateurs admirables .

C'est que les uns ne savent pas et que les autres savent décrire.

On peut savoir écrire et ne pas savoir décrire .

Il y a de bons écrivains qui ne sont pas des descriptifs et d'autres qui sont uniquement descriptifs, comme Théophile Gautier .

La description doit être vivante (dynamique, expressive, imagée, non figée) .

C'est son essence (sa nature, son caractère) .

Comme elle est l'art d'animer les objets inanimés , il s'ensuit que la description est presque toujours une peinture matérielle, une vision (une façon de voir, de considérer) , que l'on donne, une sensation qu'on impose, paysage ou portrait .

Nous laisserons de côté les conseils et les considérations superflues des Manuels de littérature . Il est sans profit d'enseigner " qu'il faut bien choisir l'objet qu'on veut peindre, le point de vue le plus favorable, le moment le plus avantageux, les circonstances, les contrastes, etc. " En outre, la connaissance de l'éthopée ( peinture des mœurs et des passions humaines) , prosopopée (figure de rhétorique qui prête de l'action et du mouvement aux choses insensibles, qui fait parler les personnes soit absentes, soit présentes, les choses inanimées, et quelquefois même les morts ), l'hypotynose (terme de rhétorique ; description animée, vive et frappante, qui met, pour ainsi dire, la chose sous les yeux) , etc. , n'enseigne ni à bien écrire ni à savoir ce que c'est qu'une bonne description . Laissons à d'autres le soin de diviser la description en " chorographie ( description d'un pays, comme la géographie est la description de la terre, et la topographie celle d'un lieu particulier) , topographie, prosopographie (terme de rhétorique ; espèce de description qui a pour objet de faire connaître les traits extérieurs, la figure, le maintien d'un homme, d'un animal) , éthopée ( peinture des mœurs et des passions humaines, d'un personnage ) "
Il ne manque pas de livres où l'on pourra se renseigner sur ces étiquettes stériles, chères à certains .

Contentons -nous de retenir seulement deux divisions :

- la description proprement dite et
- le portrait, qui est une sorte de description réduite et de qualité particulière .

Donner l'illusion de la vie par l'image sensible et le détail matériel, voilà le but de la description .

Plus les traits seront en relief, mieux on verra ; plus vous serez près de la nature vraie, plus vous serez vivants .

Donner l'apparence de la réalité à une chose fictive, c'est placer sous nos yeux la vision même de la nature, y suppléer par l'évocation, la rendre palpable et tangible .

Ce point est extrêmement important . Aucun Manuel, aucun enseignement littéraire ne songe à dire pourquoi une description est bonne et pourquoi elle est mauvaise .

Sachons-le une fois toutes et ne l'oublions plus, car tous les chefs-d'œuvre descriptifs sont là depuis Homère
(poète mythique à qui on attribue " L'Illiade et L' Odyssée " , premiers monuments de la littérature grecque), pour attester cette vérité :


Une description est bonne quand elle est vivante, et elle n'est vivante qu'à la condition d'être réelle, visible, matérielle, illusionnante .

La réalité et le relief, voilà les deux qualités principales, nécessaires, dominantes de la description .


Mais va-t-on dire, c'est la description réaliste que vous nous prêchez ?

Je réponds : il n'y a pas d'autre description que la description réaliste bien comprise .

A prendre le réalisme comme étiquette d'école, on peut le récuser, s'il représente les revendications d'un procédé sur un autre, le vrai dans son excès, le monopole de la laideur, le parti pris de ne montrer que ce qui est bas, violent, repoussant, écœurant .

Il est alors aussi faux que l'école opposée, celle qui ne voudrait peindre que le romanesque, le convenu, le factice, le beau à outrance, l'héroïsme sans alliage, ce qui est irréel, hors nature, chimérique, pas observé .

Le vrai réalisme, celui des maîtres depuis Homère , n'est que le souci d'interpréter le vrai par le beau, la volonté impartiale de peindre le bon et l'honnête comme des choses aussi réelles que le laid ou le mauvais . Ce réalisme qui sait voir les deux côtés de la vérité, le côté réel et le côté moral, doit être considéré comme le but même de l'art d'écrire et la base éternelle des littératures . C'est cette confusion qui occasionne tant de malentendus .

Ce noble réalisme, but de l'art, pourrait être ainsi défini :

Une méthode d'écrire consistant à donner l'illusion de la vie vraie, à l'aide de l'observation morale ou plastique .


Ne voir de la vie et des choses que le côté désagréable ou laid, c'est réduire l'art, c'est fausser la réalité même, qui en a d'agréables et de belles ; c'est tomber dans le factice et le convenu .
Le réalisme est un procédé par lequel on doit traiter selon la réalité et conformément à la réalité les choses que l'on veut peindre quelles qu'elles soient .

La description surtout doit être réelle, vivante, vraie, matérielle et en relief . Pour cela, il faut, autant que possible, la faire d'après nature, tranchons le mot : il faut copier .

Nous l'avons dit : voulez-vous tracer un caractère ? prenez-le parmi ceux que vous connaissez . Voulez-vous peindre un portrait ? Choisissez-le autour de vous . Mais c'est surtout en matière de description qu'il faut copier la nature .

Il s'agit de peindre un paysage . Si vous l'avez vu, si vous l'avez présent à la mémoire , cela peut suffire ; mais si vous ne l'avez pas vu, allez-y, décrivez-le sur place, notez ce qui vous frappe, l'évocation, le ton, la sensation, les détails . Il faudrait tout faire d'après nature .

L'imagination n'est qu'une mémoire évocatrice .

On objecte :

" Non, l'art n'est pas une copie, la description n'est pas une simple photographie . Si on ne choisit pas ce qu'il faut dire, si on ne transforme pas, si on ne transfigure pas les choses à travers sa sensibilité personnelle, le tableau sera inexpressif et manquera d'idéal ."

L'art est avant tout une " interprétation " . La science une "représentation ", une "construction " , du réel .

Il y a une confusion d'idées . Mettez-vous devant un paysage, un " objet " dit scientifique ou naturel, un personnage, un mécanisme ... et décrivez-le !

Il est impossible que vous fassiez de la pure et brutale photographie .

Votre imagination est une " lentille involontaire " , à travers laquelle la chose vue ne peut passer sans se transformer, sans être
interprétée, synthétisée, agrandie ou réduite, embellie ou attristée, commentée et présentée .

Le cerveau humain n'est pas un appareil photographique et, le voudrait-il, il ne fera jamais de la photographie . Donc, lorsque nous disons : " Copiez vos descriptions,vos explications, vos caractères, vos sujets, vos tableaux, vos portraits ", que le manque d'interprétation ne vous préoccupe pas . Elle se produira seule et d'autant plus sûrement que vous aurez mieux senti votre sujet . Pour bien le sentir, il faut le vivre, il faut le voir .

Quand une description ne ressuscite pas matériellement les choses, c'est qu'elle n'a pas été vue ou que l'artiste n'a pas" su voir " .

Avoir la vision et la montrer réelle, toute la force descriptive est là .

Ne craignez pas de ne faire que de la ressemblance . C'est impossible, parce que l'âme humaine regarde avec son unité, c'est-à-dire avec sa sensibilité, son imagination et sa pensée .

A - Les peintres, avec leur palette et leur brosse, ne font-ils pas de même ? Velasquez et Van Dyck sont-ils diminués pour avoir exécuté des portraits ? Ce qui s'en est allé de leurs toiles, ce qui ne nous frappe plus, c'est justement cette ressemblance qu'on suspecte . Vous les accusez de n'avoir cherché que cela, et c'est précisément ce qui a passé le plus vite . Ils ont fait des œuvres éternelles en copiant ce qui était fugitif .

B -De même en littérature, c'est faire un portrait que de peindre un arbre, un paysage, un type, une figure, un pays . Reconstituer par le souvenir ce qu'on a observé, ou observer sur place ce qu'il faut peindre : il n'y a pas d'autre procédé à employer dans l'art d'écrire .

Donc, faites vivre, faites voir ce que vous voulez peindre, inventer, découvrir ...

C'est le sens du vrai, du réel, de la vie observée, prise sur le fait et rendue telle quelle, qui fait la valeur des bonnes descriptions, comme on les trouve dans Homère, l'inimitable peintre, dans Théocrite, dans Virgile, et plus tard dans Bernardin de Saint-Pierre et surtout Chateaubriand , qui doit être considéré comme le père de la description dans la littérature de notre siècle .

Hippolyte Taine l'a finement remarqué . " Quand Ménélas est blessé par une flèche, dit-il, Homère compare son corps blanc taché par le sang rouge à l'ivoire qu'une femme Carienne a trempé dans la pourpre ... " Et après avoir cité la comparaison, il ajoute : " Cela est vu, vu comme par un peintre et par un sculpteur ; Homère oublie la douleur, le danger, l'effet dramatique, tant il est frappé par la couleur et la forme ...

Gustave Flaubert et Théophile Gautier, qu'on trouve singuliers et novateurs, font aujourd'hui des descriptions toutes semblables ... "

Toutes les belles descriptions en relief rappellent Homère .

Les grands peintres littéraires, quels que soient leur école et leurs procédés, ont quelque chose d' Homère . Chez tous les écrivains illustres, Dante, Virgile, Cervantès, Théocrite, Chateaubriand, les meilleurs traits descriptifs portent la marque d' Homère .

Or, la description dans Homère, c'est la vision par la couleur, la notation par la matérialité, l'observation brutale des détails visibles . La marque d'Homère, ce qui le caractérise, en dehors de son élévation morale, de son souffle épique et du sens qu'il a des choses de l'âme et de l'être intérieur, c'est qu'il est un photographe de la nature et des mouvements humains .

Sa description, c'est l'analyse, la décomposition poussée jusqu'à la dernière limite d'un acte physique, d'un fait observé, d'un effet rapide ; une transformation vraie des choses, non seulement sans intervention apparente de personnalité, mais avec un manque d'intention et une absence absolue d'embellissements .

En d'autres termes, Homère est un réaliste de génie, un photographe impassible, qui détache et qui grossit, qui fait du bas-relief, qui modèle et qui sculpte, plutôt qu'il ne peint .

Ce n'est pas ainsi qu'il nous apparaît dans toutes les traductions ; mais c'est ainsi qu'un artiste comme Leconte de Lisle a su nous le rendre, et c'est ainsi qu'on doit le classer .

On voit le procédé :

il consiste à peindre les choses physiquement et photographiquement .


Homère y est fidèle, non pas seulement dans la description des batailles, mais lorsqu'il peint la douleur d'Andromaque, la frayeur d'Astyanax devant le casque de son père, le vieux Priam dans la tente d'Achille, les voyages d'Ulysse, Charybde et Scylla, la rencontre de Nausicaa, les jeux et les courses qui finissent l'Iliade .

En face d'un personnage ou en face de la nature, il décrit pour faire voir, et sa vision est matérielle .

Homère nous montre la nuit qui arrive, en disant : " Les chemins se remplirent d'ombre " . Pour exprimer qu'Ulysse regrettait sa patrie, il dit : " Il avait envie de revoir son pays et la fumée qui sort du toit natal " . S'il parle du bouclier d'Achille, vous l'avez sous les yeux : " Achille saisit son bouclier immense, d'où sortait une longue clarté comme celle de la lune, etc. "

Nous insistons sur cette nécessité de rendre les choses en relief, crûment, avec brutalité, parce que, si nos auteurs réalistes contemporains, comme Zola, Goncourt, Flaubert, en ont abusé, on peut dire que c'est ce qui manque le plus à ceux qui débutent dans l'art d'écrire, aux jeunes personnes qui essayent leur talent, à tous ceux qui sont ligotés de périphrases, prisonniers de la rhétorique de collège, encore hésitants dans le style sans mouvement et sans audace .

En conséquence, en vue de bien décrire, c'est-à-dire

pour procurer à autrui une sensation " d'être naturel" , de faire éprouver une authenticité, une sincérité, une spontanéité, une fraîcheur ... , il faut faire une description d'après la réalité, l'évidence qui se déroule devant nos yeux ...


C'est une tâche, une obligation redoutable, mais ô combien stimulante,vivifiante que de décrire les choses,les phénomènes, les êtres et le " Monde " ! Gerboise essaye de réaliser cette gageure avec le plus grand soin dans tous les champs de la connaissance abordés, qui traitent des Savoirs et de la Réflexion, pour tous ses lecteurs de par notre planète toute entière .

Cordialement , Gerboise .


mercredi 10 mars 2010

Réflexions sur les" Bourreurs de crâne"pour qui la notion de "Doute"est absente de leur esprit,de leur dessein,de leur morale.Seule la bêtise y sévit*

.

Troisième partie .

*, fait rage, se déchaîne ...

" Bourrage de crâne" : voir le commentaire du début de la première partie du Lundi 21 Décembre 2009 .

Après l'énoncé de l'ensemble des traits présentés à la fin de la deuxième partie, nous allons vous présenter aujourd'hui un exemple de l'action de ces bourreurs de crâne et des conséquences de ces désinformations [de ces manipulations qui relèvent d'une sorte de propagande] , à partir du thème du " Principe de précaution" que Claude Allègre de l'Académie des Sciences a développé dans son livre,d'une richesse et d'un réalisme surprenant pour qui ne connaît point ce personnage passionnant : Ma vérité sur la Planète, publié aux Éditions Plon -Fayard, en 2007, principe qu'il a qualifié de " Piège à cons " ( attrape- nigaud, traquenard ; piège grossier où seuls les cons [ les imbéciles ,les idiots], se laissent prendre) .
( vous pouvez agrandir le texte ci-dessus par un clic gauche et revenir ensuite à la page précédente)

Cet ouvrage avait déjà été cité en vu d'en recommander sa lecture dans un billet de notre blog du :

lundi 10 septembre 2007

Cet ouvrage, que Gerboise vous incite à lire, traite et explique avec un art digne d'un grand et véritable scientifique, de nombreux sujets concernant notre Planète bleue et l'influence qu'elle a eu au cours des derniers millénaires et qu'elle a , et aura toujours sur notre vie pratique actuelle et future .

Nous aurons encore l'occasion de revenir sur un certain nombre de thèmes qui y sont traités, au fil des billets et de nos textes, en vue d'étayer notre façon de développer notre esprit critique et notre capacité de jauger toutes les informations qui nous assaillent de toute part .

C'est dans le chapitre IV, intitulé : " La secte verte "que l'auteur précise et développe page 74, 75 et 76 ce principe de précaution et y dénonce ses méfaits . Les éléments qui structurent ces trois pages sont très importants pour que chaque lecteur de Gerboise puisse développer sa propre réflexion et son sens d'esprit critique . Voici ci-dessous le texte de Claude Allègre .

"" La force de frappe de la secte écologique, ce qui lui permet de proposer n'importe quoi, n'importe comment, n'importe quand (n'importe où, devant des publics incapables de " jauger "sainement des choses scientifiques et techniques et de leurs conséquences) , c'est le principe de précaution .

Il permet tout, il justifie tout .

Le principe de précaution est né en Allemagne sous la plume de Konrad von Moltke, en 1976, dans un rapport sur la protection de l'environnement . En 1986, il entre dans une directive du gouvernement allemand, et en 1992 il est repris dans les conclusions du Sommet de Rio (de Janeiro, Brésil) .
Voici comment le principe est stipulé ( énoncé comme condition dans un contrat, un acte) dans la Convention sur la diversité biologique :

Lorsqu'une menace pour l'environnement est " identifiée " , " l'absence de certitude scientifique totale ne doit pas être invoquée comme une raison pour différer les mesures qui permettraient d'en atténuer le danger " .

Ce libellé sera repris dans la Convention sur le littoral de Barcelone [1995], dans la Convention sur les cours d'eau et les lacs[ Helsinki,1992], dans l'accord Meuse-Escaut[1994] - qui n'est pas appliqué soit dit en passant .

Il sera utilisé par la Nouvelle-Zélande pour attaquer les essais nucléaires français auprès de la Cour internationale de justice[1995] .

Dans toutes ces déclarations, il y a un lien entre le degré de protection d'une part et l'évaluation scientifique de l'autre .

C'est ce qui est dit explicitement dans la déclaration de la Commission européenne auprès du Parlement européen et repris à la réunion du Conseil européen réuni à Nice du 7 au 9 décembre 2000 :

" Lorsqu'une évaluation scientifique objective et préliminaire indique qu'il est raisonnable de craindre que les effets potentiellement dangereux pour l'environnement ou la santé humaine soient possibles, il faut prendre, etc. "

Petit à petit le mot, le terme " évaluation scientifique " a disparu de l'énoncé .

Écoutons Hubert Curien ( Président du jury ,lors de la soutenance de ma thèse de Doctorat d'État es Sciences dans les années 1970 ; Ancien ministre de la recherche et de l'industrie,

Il est décédé dans sa propriété du Loiret, à Loury, le 6 février 2005, à l'âge de 80 ans. Ses obsèques ont eu lieu dans son village natal de Cornimont où il repose aujourd'hui.)


commenter ce que ce principe est devenu en France :

[ Dans le prochain billet de notre blog nous commenterons les propos " Science et connaissance des risques " de Hubert Curien ].

" La précaution conduit à envisager toutes sortes de choses qui ne peuvent être démontrées mais qui sont émotionnellement évoquées . On vous demande, quoi que vous fassiez, d'être en mesure de prévenir un événement qui n'est pas prévisible mais dont on ne peut dire qu'il n'aura pas lieu . "

Nous sommes passés dans l'imaginaire . C'est ce que j'ai intitulé " quand on ne sait rien, on prévoit tout " .

Un second aspect a petit à petit disparu, c'est le côté économique . Ainsi, Philippe Kourislsky et Geneviève Viney ont bien insisté sur le fait qu'aucune décision ne pouvait être arrêtée sans la prise en compte de l'analyse scientifique mais aussi des problèmes économiques et sociaux afférents (qui s'y rapportent) .

C'est ce qui avait été précisé aussi dans la loi Barnier qui stipulait " prévenir les risques ... à coût économique acceptable " .

Tout cela a disparu du discours actuel, ni la science ni l'économie ne sont en piste .

Le principe de précaution est devenu petit à petit " la précaution à n'importe quel prix ! "

Ainsi a-t-on dépensé 1,4 milliard d'euros pour le désamiantage de Jussieu (campus universitaire de ) .

Et Jacques Chirac, cédant à la démagogie et à l'illusion d'une seule réélection, a inscrit ce principe de précaution tronqué dans la Constitution avec l'approbation des socialistes !

Le principe de précaution, c'est l'arme contre le progrès,

et les hommes politiques de tous bords l'ont approuvé en ne comprenant pas que ce principe était un boomerang qui se retournera un jour contre eux, tous autant qu'ils sont : maires, présidents de conseils généraux et régionaux, ministres, Premier ministre, Président peut-être .

Avec ce principe, chaque accident doit logiquement conduire à la sanction de quelqu'un ! Cet accident était imprévisible ? Vous avez eu tord de ne pas le prévoir !
On a voulu théoriser, trouver un juste milieu entre les adages populaires, " On ne prend jamais trop de précautions " , et " Trop de précaution nuit ", si bien que l'

On a accouché de ce que j'appelle un "piège à cons " !

Chemin faisant, on a éliminé la notion de risque, c'est-à-dire la notion de vie .

La vie c'est le risque, le risque zéro n'existe pas, sauf quand on est mort !

Voilà la force de frappe écologique . Seuls les Européens se sont enterrés dedans, sans doute pour se handicaper un peu plus dans la compétition mondiale .

Sommes-nous tellement meilleurs que les autres ? ""

Enfin, en vue de vous inciter, une nouvelle fois, à lire ce livre instructif à beaucoup de points de vue, nous allons pour terminer, reproduire ci-dessous l'introduction, très significative de l'état d'esprit de l'auteur .

" " INTRODUCTION

L'homme menace sa planète . Il pollue, l'eau, l'air, les sols, les produits qu'il consomme . Il exploite les ressources naturelles et énergétiques comme si elles étaient inépuisables . Il détruit les forêts équatoriales . Il élimine des milliers d'espèces vivantes d'animaux ou de plantes .

Et l'on nous dit à présent qu'il menace le climat et que ce dernier deviendra invivable dans le prochain siècle .

Pour couronner le tout, on nous annonce une croissance démographique exponentielle (croissance exponentielle : qui croît très rapidement, de plus en plus vite au cours du temps) ! Face à ces dégradations, dont certaines sont irréversibles et que j'ai moi-même dénoncées en 1990, que faut-il faire pour éviter à nos enfants une situation tragique et ingérable ?

La totalité du discours (réquisitoires !) que l'on entend ces temps-ci, c'est d'une part le catastrophisme et d'autre part la recommandation d'un retour en arrière, d'un arrêt de la croissance économique, du non-développement du tiers-monde, bref, c'est l'arrêt du progrès . C'est l'avènement d'un monde de la frugalité .

Pour défendre cette manière de voir, on n'hésite pas à tout mélanger, à tout exagérer, afin d'inoculer (ici métaphoriquement : introduire, communiquer, transmettre dans la réflexion des individus, les germes d'idées toxiques ) aux populations traumatisées le pire des virus :

celui de la peur .

Ce livre est d'abord et avant tout une réaction contre un éco-intégrisme qui, s'il était mis en œuvre, mènerait nos sociétés, en particulier l'Europe, cible privilégiée des Cassandres (personnes qui font des prévisions alarmistes ...) , à la ruine, accroîtrait les inégalités et maintenant les pays du Sud dans leur sous-développement .

Loin de nier les dommages que l'homme fait subir à la planète, loin de nier les défis considérables que cela pose à nos sociétés, nous pensons à l'inverse qu'il ne faut pas tout mélanger : la débâcle de la banquise, la disparition du tigre du Bengale, la hausse du prix du pétrole, l'assèchement de la mer d'Aral, la disparition des thons en Méditerranée et la pollution des nappes phréatiques sont autant de problèmes distincts .

Il faut raisons garder .

La science a identifié ces menaces, la science est capable d'y apporter des solutions .

Loin de rejeter le progrès et de promettre à nos héritiers des conditions de vie spartiates (qui évoque les anciens citoyens de Sparte, leur frugalité, leur patriotisme) imposées par la contrainte, nous voulons démontrer que la stratégie doit être inversée .

Il faut faire de la résolution des problèmes écologiques le moteur de la croissance, du développement des pays du tiers- monde et de la réduction des inégalités . Et cela dans des sociétés démocratiques acceptant le diptyque (en deux parties) coopération-compétition, règle obligée de la mondialisation dans laquelle une Europe de progrès et de culture a toute sa place .

C'est un message d'espoir pour les millions d'hommes et de femmes qui souffrent et qu'on cherche à plonger dans l'ignorance, pour les jeunes qui s'interrogent et à qui je veux dire que les magnifiques défis qu'ils auront à relever leur donneront, comme à nous, le droit au bien-être .

Nous poursuivrons ces réflexions dans le prochain billet en nous aidant d'une publication de l'ancien ministre de la recherche et de la technologie .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

mardi 2 mars 2010

Les contextes conflictuels* des mots dans lesquels nous avons évolué** sont personnels et se trouvent être à la source de dangereuses ambiguïtés*** .


* contextes conflictuels : les milieux , les situations, le climat, l'atmosphère : plus ou moins tendus ; lieux d'affrontements, de tiraillements, d'incompatibilités, d'inquiétude, de " guerre " ; ou d'accords, d'acceptation de tous, de consensus, d'harmonie, de bonne intelligence, de compromis plus ou moins unanimes et de " paix " .

** dans lequel nous avons évolué : changé, progressé, dans lequel nous nous sommes transformés, où nous avons acquis une plus ou moins grande " largeur d'esprit ".

*** dangereuses ambiguïtés : malsaines, équivoques, aventureuses incertitudes de propos laissant l'interlocuteur incapable de décider d'un contenu , d'une situation, d'une phrase, plus ou moins clair dans l'expression ou plus ou moins confuse dans la pensée .
.
" " Toute tentative d'organisation philosophique des mots de notre langage en catégories doit révéler qu'il est impossible de séparer et de circonscrire les différents groupes par des frontières absolument nettes .

Si nous devions démêler leurs ramifications enchevêtrées et chercher à limiter chaque mot à sa signification principale ou originelle, nous découvririons que quelque signification secondaire est devenue si étroitement liée à tant de mots et expressions qu'en rompant cette alliance, nous priverions notre langage de la richesse dérivant d'une infinité d'adaptations naturelles " " .

John L. ROGET

Nous trouvons souvent difficile d' " exprimer nos pensées " , c'est-à-dire de résumer nos états mentaux ou de transposer nos idées en mots . Il est tentant d'en rejeter le blâme sur l'ambiguïté des mots, (ambiguë, en parlant du langage, de signes : qui présente deux ou plusieurs sens possibles, dont l'interprétation est incertaine . Lever une ambiguïté, la faire cesser par une information nouvelle) mais le problème est plus profond que cela .

Les pensées elles-mêmes sont ambiguës !

On pourrait tout d'abord rétorquer que c'est impossible :

"Je pense exactement ce que je pense ; il ne peut pas en être autrement . Cela n'a d'ailleurs rien à voir avec ma capacité de l'exprimer avec précision . "

Or " ce que vous êtes entrain de penser maintenant " est ambigu en soi . Si nous considérons que vos pensées représentent les états de tous vos services (ensemble de tous les agents [toute partie ou tout processus de l'esprit assez simple à comprendre-même si les interactions entre des groupes de ces agents peuvent produire des phénomènes beaucoup plus difficiles à comprendre] qui participent à l'actuelle situation ; [tout groupe de parties considérées sous l'angle de ce qu'elles peuvent effectuer en tant qu'ensemble, quelle que soit la fonction de chaque partie] ) , cela inclut beaucoup de choses qui ne peuvent pas être " exprimées " pour la bonne raison qu'elles ne sont pas accessibles à votre service linguistique . Selon une interprétation plus modeste, " ce que vous êtes en train de penser maintenant " serait une indication partielle des états présents de certains de vos services de haut niveau .

La signification de l'état d'un service dépend toutefois de la probabilité qu'il affecte les états d'autres services, ce qui implique que pour " exprimer " votre état d'esprit présent, vous devez anticiper partiellement ce que certains de vos services vont faire . Bien évidemment, au moment où vous parvenez à vous exprimer, vous n'êtes déjà plus dans le même état qu'auparavant ; au départ, vos pensées étaient ambiguës et vous n'êtes pas vraiment parvenu à les exprimer, mais seulement à les remplacer par d'autres pensées .

Ce n'est pas seulement une affaire de mots . Le problème est que nos états d'esprit sont généralement changeants . Les propriétés des choses physiques tendent à rester les mêmes quand leurs contextes varient, alors que la " signification " d'une pensée, d'une idée ou d'un état d'esprit partiel dépend des autres pensées actives à ce moment-là et de ce qui finit par résulter des conflits et des négociations entre les services . C'est une erreur de croire à une distinction claire et absolue entre " exprimer " et " penser " , puisque l'expression est un processus actif qui fait appel à la simplification et reconstitue un état mental en l'isolant des parties plus éparses et plus variables de son contexte .

Celui à qui vous parlez doit, lui aussi, affronter des problèmes d'ambiguïté .

Vous comprenez très bien " Je vais faire un petit tour " , bien qu'un " tour " puisse signifier une promenade, un outil d'usinage, un exercice de prestidigitation, une circonférence ou ou une pirouette .

Mais si chacun des mots que nous employons est ambigu en soi, pourquoi comprenons-nous si clairement les phrases que nous entendons ?

Parce que le contexte de chaque mot est précisé par les autres mots, ainsi que par le contexte du passé récent de l'auditeur . Si nous tolérons l'ambiguïté des mots, c'est parce que nous savons déjà très bien affronter l'ambiguïté des pensées .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .