mardi 2 mars 2010

Les contextes conflictuels* des mots dans lesquels nous avons évolué** sont personnels et se trouvent être à la source de dangereuses ambiguïtés*** .


* contextes conflictuels : les milieux , les situations, le climat, l'atmosphère : plus ou moins tendus ; lieux d'affrontements, de tiraillements, d'incompatibilités, d'inquiétude, de " guerre " ; ou d'accords, d'acceptation de tous, de consensus, d'harmonie, de bonne intelligence, de compromis plus ou moins unanimes et de " paix " .

** dans lequel nous avons évolué : changé, progressé, dans lequel nous nous sommes transformés, où nous avons acquis une plus ou moins grande " largeur d'esprit ".

*** dangereuses ambiguïtés : malsaines, équivoques, aventureuses incertitudes de propos laissant l'interlocuteur incapable de décider d'un contenu , d'une situation, d'une phrase, plus ou moins clair dans l'expression ou plus ou moins confuse dans la pensée .
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" " Toute tentative d'organisation philosophique des mots de notre langage en catégories doit révéler qu'il est impossible de séparer et de circonscrire les différents groupes par des frontières absolument nettes .

Si nous devions démêler leurs ramifications enchevêtrées et chercher à limiter chaque mot à sa signification principale ou originelle, nous découvririons que quelque signification secondaire est devenue si étroitement liée à tant de mots et expressions qu'en rompant cette alliance, nous priverions notre langage de la richesse dérivant d'une infinité d'adaptations naturelles " " .

John L. ROGET

Nous trouvons souvent difficile d' " exprimer nos pensées " , c'est-à-dire de résumer nos états mentaux ou de transposer nos idées en mots . Il est tentant d'en rejeter le blâme sur l'ambiguïté des mots, (ambiguë, en parlant du langage, de signes : qui présente deux ou plusieurs sens possibles, dont l'interprétation est incertaine . Lever une ambiguïté, la faire cesser par une information nouvelle) mais le problème est plus profond que cela .

Les pensées elles-mêmes sont ambiguës !

On pourrait tout d'abord rétorquer que c'est impossible :

"Je pense exactement ce que je pense ; il ne peut pas en être autrement . Cela n'a d'ailleurs rien à voir avec ma capacité de l'exprimer avec précision . "

Or " ce que vous êtes entrain de penser maintenant " est ambigu en soi . Si nous considérons que vos pensées représentent les états de tous vos services (ensemble de tous les agents [toute partie ou tout processus de l'esprit assez simple à comprendre-même si les interactions entre des groupes de ces agents peuvent produire des phénomènes beaucoup plus difficiles à comprendre] qui participent à l'actuelle situation ; [tout groupe de parties considérées sous l'angle de ce qu'elles peuvent effectuer en tant qu'ensemble, quelle que soit la fonction de chaque partie] ) , cela inclut beaucoup de choses qui ne peuvent pas être " exprimées " pour la bonne raison qu'elles ne sont pas accessibles à votre service linguistique . Selon une interprétation plus modeste, " ce que vous êtes en train de penser maintenant " serait une indication partielle des états présents de certains de vos services de haut niveau .

La signification de l'état d'un service dépend toutefois de la probabilité qu'il affecte les états d'autres services, ce qui implique que pour " exprimer " votre état d'esprit présent, vous devez anticiper partiellement ce que certains de vos services vont faire . Bien évidemment, au moment où vous parvenez à vous exprimer, vous n'êtes déjà plus dans le même état qu'auparavant ; au départ, vos pensées étaient ambiguës et vous n'êtes pas vraiment parvenu à les exprimer, mais seulement à les remplacer par d'autres pensées .

Ce n'est pas seulement une affaire de mots . Le problème est que nos états d'esprit sont généralement changeants . Les propriétés des choses physiques tendent à rester les mêmes quand leurs contextes varient, alors que la " signification " d'une pensée, d'une idée ou d'un état d'esprit partiel dépend des autres pensées actives à ce moment-là et de ce qui finit par résulter des conflits et des négociations entre les services . C'est une erreur de croire à une distinction claire et absolue entre " exprimer " et " penser " , puisque l'expression est un processus actif qui fait appel à la simplification et reconstitue un état mental en l'isolant des parties plus éparses et plus variables de son contexte .

Celui à qui vous parlez doit, lui aussi, affronter des problèmes d'ambiguïté .

Vous comprenez très bien " Je vais faire un petit tour " , bien qu'un " tour " puisse signifier une promenade, un outil d'usinage, un exercice de prestidigitation, une circonférence ou ou une pirouette .

Mais si chacun des mots que nous employons est ambigu en soi, pourquoi comprenons-nous si clairement les phrases que nous entendons ?

Parce que le contexte de chaque mot est précisé par les autres mots, ainsi que par le contexte du passé récent de l'auditeur . Si nous tolérons l'ambiguïté des mots, c'est parce que nous savons déjà très bien affronter l'ambiguïté des pensées .

Cordialement, bien à vous, Gerboise .

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