samedi 28 janvier 2012

Nouvelle année,nouvelles interactions avec mes fidèles lecteurs : réflexions sur la mémoire et la maladie d'Alzheimer .


Le Soleil-Royal, vaisseau français à trois ponts du règne de Louis XIV , comme tous les bâtiments de son époque ( qui sont en partie oubliés à l'heure actuelle ), permettait de partir à l'aventure, enrichi de la mémoire de ces marins intrépides se souvenant des péripéties des campagnes antérieures , les intégrant pour aller de l'avant vers des mondes pleins d'imprévus et d'espérance . (Reproduction réalisée à partir d'un livre merveilleux, très instructif, que nous vous recommandons de lire :L'Histoire des bateaux de G. FOUILLE, Peintre de la Marine aux Éditions NATHAN, 1960 )




Non , Gerboise n'a pas " oublié "ses lecteurs assidus depuis des années , ni les nouveaux qui découvriraient le site " Savoirs et Réflexions " en cette nouvelle année . A tous, je présente mes voeux de bonheur et surtout de bonne santé, mais également d'enrichissement intellectuel et de maintien d'une activité fructueuse à tous les points de vue, surtout celle qui concerne le développement de votre esprit critique et celle qui permet d'être toujours capable de "jauger" les informations qui viennent frapper nos sens de toute part . Avec la santé, cette activité est à l'heure actuelle un des biens parmi les plus précieux que nous devons accaparer, vous, puis, de plus, en faire profiter les autres.

Que m'est-il arrivé pour disparaître ainsi
:

Pour ne plus , chaque matin, vous faire part du thème de réflexion formateur [en vue d'essayer de développer en vous un esprit critique acéré ] qui m'est venu à l'esprit, ainsi que des réflexions concernant les informations, surgies d'on ne sait d'où ! , concernant des problèmes importants qui m'ont occupé l'esprit et sur lesquels je m'interroge, car ils font partie, et font l'objet de mes préoccupations et que je prend ainsi en considération ?

J'ai été " plongé " durant presque six mois dans des problèmes de " mémoire " ! inhérents au maintien, à la sauvegarde, à la préservation d'une pensée émotionnelle alors que la pensée intellectuelle de ma femme, ma Doudoue ! est entrain de s'effilocher , voire de disparaître dans son essence même .


Cette maladie d'Alzheimer "plonge" dans les profondeurs insondables de l'être humain ...C'est une lente dépossession de soi-même ..., d'un être . Certains parlent de la perte de dignité !


C'est inexact ! Ma femme possède toujours une certaine dignité,noblesse, surtout lorsqu'elle fait des efforts désespérés pour tenter d'exprimer par le regard ce qui lui fait soucis ou joies ...


Ces problèmes sont toujours présents, mais, je suis arrivé à les gérer, à savoir m'organiser, à savoir dominer les nouveaux symptômes de l'évolution de cette pathologie infernale !

Ainsi, je vais essayer de poursuivre mes réflexions sur des sujets que je considère comme essentiels en vue de construire , "de vous insuffler " un esprit fait d'initiatives audacieuses .

C'est au moyen de la mémoire que nous sommes capables de nous rendre compte " , de nous remémorer qui nous sommes, de situer instantanément les êtres, nos proches, de nous rappeler où nous habitons ainsi que de reconnaître les personnes qui nous entourent, les lieux connus ou inconnus que nous fréquentons, ce que nous sommes amenés à réaliser actuellement, demain, et même dans un futur plus ou moins lointain .


C'est grâce à cette faculté que , enfant, nous pouvons apprendre à parler, à écrire, que nous entonnons un air connu , que nous menons nos pas, notre véhicule sans y penser, automatiquement, et que nous sommes capable de retrouver un livre sur une étagère, dans une bibliothèque .



Mais lorsqu'elle s'efface, cette mémoire, qu'elle s'estompe, puis s'évanouit comme si elle s'évaporait :



Nous perdons notre identité ,



Une autre plus archaïque semble la remplacer et nous découvrons vraiment ce que nous étions, notre vrai personnalité : soit un être bon,chaleureux,bienveillant,généreux ... soit un être mesquin plein de hargne, pernicieux, malveillant, méchant ....


Mon bonheur en ces jours difficiles, laborieux, c'est d'avoir découvert ce que j'avais mal situé durant des dizaines d'années, c'est que ma Doudoue se comporte comme un être adorable . La maladie d'Alzheimer en effaçant certaines mémoires laisse apparaître la vraie nature de la personne, celle des sites des émotions, alors que les sites intellectuels n'interviennent pratiquement plus !


De toute façon, à tous les moments de notre existence, lentement, pas à pas, à pas gigantesques ou à minuscules notre mémoire va évoluer, "vieillir " , se transformer positivement ou négativement selon les différents contextes de notre mode de vie, l'environnement physique et/ou humain,selon les circonstances en adéquation avec nos émotions multiples ...


La rumeur, les on-dits, les bruits qui courent..., certaines revues et livres même sérieux, disent, essayent de nous faire croire que notre mémoire, notre capacité d'engranger ce que nos sens nous font ressentir, notre entendement, expliciter, comprendre, sera de moins en moins fiable ! Est-ce une vérité universelle, unanime de tous temps ? Je pense qu'il n'en n'est rien !


On essaye de nous convaincre, de nous faire abdiquer devant le fait que cette mémoire ne sera jamais plus la même : il est absoluement nécessaire pour la garder en l'état, de la cultiver constamment en toute occasion, en vue de la conserver dans l' efficacité proche de celle de notre jeunesse afin de rester soi-même !


Cette mémoire, notre mémoire, cette faculté d'emmagasiner, n'est-ce pas une "la" partie essentielle, prépondérante de notre personnalité ?


Cette mémoire, cette entité, comme notre prénom " notre je, notre moi " fait partie de nous-même : c'est notre personne intime, notre être profond .


La perdre, c'est à terme, perdre (dans le sens de changer, d' acquérir un autre moi ) une certaine dignité en vue d'en adopter une autre tout à fait différente ; c'est perdre notre position dans notre société, notre humanité (et certaines personnes indignes de vivre nous le font bien sentir par des expressions ignobles à propos de la maladie d'Alzheimer :


" Si votre femme est folle, mettez la à l'asile , vous en serez débarrassé et nous également ! ".


Y penser - mais en est-on capable sans mémoire - à l'idée de cette transformation qui nous consacre dans une autre sensibilité, nous devons rester solidement nous-même, avec tout notre réalisme .


De plus, cette mémoire, en fin de compte, concerne aussi la capacité de " mémoriser " , retenir des mots et des chiffres, des idées, des sentiments, des actes .


La mémoire " au jour le jour " , une faculté de nous souvenir du passé et également d'être capable de préparer l'avenir, notre avenir .


C'est également une série de facultés : tout d'abord celle qui nous peut nous rendre capable de lire, d'écrire, de compter, de prévoir ,d'imaginer .


Ensuite elle nous permet de déambuler dans les rouages de la vie matérielle et émotive .


Enfin, celle qui assure la continuité entre nos émotions d'hier et celles désirées pour dominer en quelque-sorte l'avenir proche et même lointain .



Nous poursuivrons notre réflexion sur les questions qui se posent à propos de la mémoire en analysant les concepts de Théodule RIBOT (1839-1917) énoncés et réunis dans son ouvrage :

ce Breton natif de Guingamp,philosophe et psychologue français .


Les maladies de la mémoire, édité par la librairie GERMER BAILLIERE en 1881 .

Ce livre a été réédité (17 euros) en 2005 aux Éditions de l'Harmattan, dans la collection Encyclopédique Psychologique, dirigée par Serge NICOLAS . Ce dernier retrace d'une façon remarquable dans l'introduction du livre la méthode pathologique de RIBOT, ainsi que le résumé de l'oeuvre et la réédition fac similé ( reproduction exacte de la version originale) . Nous vous proposons de l'acquérir et de vous imprégner de son contenu riche d'une expérience profonde des rapports aux savoirs et aux mécanismes de la réflexion scientifique et humaine dans ce monde complexe des sciences humaines et d'ailleurs de toutes les Sciences et de toute la Connaissance .


Voici les deux premières pages du chapitre 1, présentées ici pour vous inciter à la lecture de l'ouvrage :


CHAPITRE PREMIER " La mémoire comme fait biologique .


L'étude descriptive du souvenir a été très bien faite par divers auteurs, surtout par les Écossais ;aussi le but de ce travail n'est pas d'y revenir . Je me propose de rechercher ce que la nouvelle méthode en psychologie peux nous apprendre sur la nature de la mémoire ; de montrer que les enseignements de la physiologie unis à ceux de la conscience nous conduisent à poser ce problème sous une forme beaucoup plus large ; que la mémoire tel que le sens commun l'entend et que la psychologie ordinaire l'a décrit, loin d'être la mémoire tout entière, n'en est qu'un cas particulier, le plus élevé et le plus complexe, et que, pris lui-même et étudié à part, il se laisse mal comprendre ; qu'elle est le dernier terme d'une longue évolution et comme une efflorescence dont les racines plongent bien avant dans la vie organique ; en un mot, que la mémoire est, par essence, un fait biologique ; par accident, un fait psychologique.

Ainsi entendue, notre étude comprend une physiologie et une psychologie générale de la mémoire et en même temps une pathologie. Les désordres et les maladies de cette faculté, classés et soumis à une interprétation, cessent d'être un recueil de faits curieux et d'anecdotes amusantes qu'on ne mentionne qu'en passant. Ils nous apparaissent comme soumis à certaines lois qui constituent le fond même de la mémoire et en mettent à nu le mécanisme.


-I-


Dans l'acception courante du mot, la mémoire, de l'avis de tout le monde, comprend trois choses :

la conservation de certains états,

leur reproduction,

leur localisation dans le passé.


Ce n'est là cependant qu'une certaine sorte de mémoire, celle qu'on peut appeler parfaite. Ces trois éléments sont de valeur inégale :


Les deux premiers sont nécessaires, indispensables ; le troisième, celui que dans le langage de l'école on appelle la " reconnaissance ", achève la mémoire,mais ne la constitue pas. Supprimez les deux premiers,la mémoire est anéantie; supprimez le troisième,la mémoire cesse d' exister pour elle-même,mais sans cesser d'exister en elle-même. Ce troisième élément,qui est exclusivement psychologique,se montre donc à nous comme surajouté aux deux autres: ils sont stables ;il est instable,il paraît et disparaît;ce qu'il représente,c'est l' apport de la conscience dans le fait de la mémoire ; rien de plus ...


... (en conclusion) ,


Nous avons rattaché notre loi à ce principe physiologique : " La dégénérescence frappe d'abord ce qui est le plus récemment formé ; " et à ce principe psychologique : " Le complexe disparaît avant le simple, parce qu'il a été moins souvent répété dans l'expérience ..."


A bientôt . Cordialement vôtre . Gerboise et Esiobreg .